C’est une grande et douloureuse perte pour le peuple juif. Le navire a perdu son capitaine, le dirigeant de la génération qui a guidé des élèves de plusieurs générations. C’était un pont reliant plusieurs générations, depuis Brisk en Lituanie jusqu’à Bné Brak, la ville de la Torah.
Je me souviens de mes premiers jours, il y a plus de 50 ans, à la Yéchiva de Poniowitz. Papa, le Roch Yéchiva, m’avait appelé avant que je fasse mes premiers pas à la Yéchiva, et m’avait dit : « Je t’envoie à Poniowitz pour que tu étudies auprès du Rav Aharon Leib Steinman et que tu t’inspires de ses qualités exceptionnelles. »
J’ai eu le privilège d’étudier auprès de lui et d’écouter ses cours de Torah. Plus que la transmission de la Torah et d’un savoir, il m’a surtout appris l’humilité et la sagesse, les vertus et la crainte divine. Ses manières plaisantes et la noblesse de ses traits de caractère étaient un modèle à suivre pour moi. Marane Roch Hayéchiva était celui qui unifiait toutes les composantes du peuple juif. Tout le monde le considérait comme un père et un berger, un enseignant et un éducateur, un dirigeant et un guide.
J’ai eu le privilège d’une vraie proximité et affection de sa part. Il me disait souvent : « Le Zikouï Harabim (conférer des mérites au public) est la plus grande chose qui soit. » Et qui plus que lui s’est consacré au Zikouï Harabim dans notre génération ! Dans le passé déjà, il se dévouait pour donner des cours au public. Il voyageait d’un endroit à l’autre et renforçait des Yéchivot et des institutions de Torah.
Cette situation arriva à son pic dans ses dernières années lorsqu’il porta le joug de la génération avec génie et humilité. Du haut de ses 90 ans, il voyagea en avion en terre étrangère, pour rehausser l’honneur de la Torah et renforcer le public. Il se rendit au Mexique, en France, aux États-Unis et ailleurs.
Il considérait ces voyages comme indispensables au maintien du monde et à la stabilité de la religion. En effet, les Juifs qu’il rencontrait ne se seraient pas rendus chez lui, et il alla à leur rencontre. Il se rendit donc en personne pour les renforcer et les encourager, les soutenir et les inciter à envoyer leurs fils étudier dans des Yéchivot saintes et des établissements de Torah.
La génération dans son ensemble doit être reconnaissante vis-à-vis du Roch Yéchiva. Il a créé un empire de Torah et de crainte divine. Il a mis en branle le monde de la Torah et des Yéchivot qu’il a élevé dans les hauteurs. Le développement du monde de la Torah était toute sa vie.
J’ai eu le privilège de le consulter souvent pour des questions d’ordre public ou privé. Il répétait : « Lorsqu’on s’occupe d’autrui, on s’occupe de soi. » Il s’est en effet occupé des autres toute sa vie et a eu droit à une longue vie, au-delà de la norme, et a conféré des mérites au public jusqu’à son dernier jour.
Sa disparition est une grande perte pour le peuple juif et pour chacun à titre individuel. Que le Consolateur nous apporte Sa consolation.