Le terme de géopolitique, relativement récent, traduit les relations entre les données naturelles géographiques et la politique. Cela explique souvent les conflits entre des nations voisines, dépendant des mêmes données naturelles. Toutes sortes d’autres raisons expliquent aussi les conflits entre voisins. (Ces lignes ont été écrites avant de savoir que la guerre a éclaté entre la Russie et l’Ukraine !) Cela est, assurément, un élément décisif dans les évènements historiques (en dehors des motifs économiques qui sont un autre facteur éventuel de conflits internationaux). Vecteur du message Divin dans le monde, l’Histoire, assurément, traduit une intention du Créateur. Cette intention est liée au mystère de l’intervention de la Providence, mystère pas toujours facile à décrypter.
Il est remarquable de relever, dès le début de l’Histoire, une explication du but de l’aventure humaine. Dès le premier commentaire de Rachi sur la Torah (Beréchit 1,1), une intention géopolitique est présentée : « La Torah, écrit Rachi, n’est pas un manuel historique destiné à raconter l’histoire de l’humanité. Le but de la Torah est de présenter l’orientation spirituelle de la création. Un verset des Psaumes précise ce point : "La puissance de Ses actes, Il l’a révélée à Son peuple, en lui donnant l’héritage des nations" (Psaumes 111,6). Le but de la Création est, certes, l’organisation législative du cosmos, mais il fallait, au préalable, signaler que l’univers a été créé ex nihilo, et Il a distribué les territoires à l’humanité. Il a donné à chaque nation son héritage et a donné à Israël la part qui lui revenait ». Et Rachi commente ainsi : « Le but de la Torah est de démontrer que l’Eternel a créé le Tout. Les diverses nations ont reçu leur héritage, et ce qui revenait à Israël n’est pas volé, mais a été octroyé à Israël, au sein des nations » (Rachi, ibid.). Le contexte historique n’est précisé que pour assurer, légitimement, la propriété d’Israël sur sa terre ! Ne pourrait-on voir ici une justification cosmique, géopolitique du but de la Création ?
A ce niveau, il convient d’observer les transformations permanentes qui n’ont cessé, tout au courant de l’Histoire, de créer des conflits. L’Europe s’est peut-être unifiée aujourd’hui, mais l’Angleterre s’en est exclue. Le conflit actuel entre l’Ukraine et la Russie n’est qu’un épisode dans une histoire longue de conflits internationaux. La Chine n’a jamais accepté que Taïwan soit une entité indépendante. Le Maroc et l’Algérie, deux nations arabes voisines, ne cachent pas l’hostilité qui les sépare. Il serait facile de multiplier les exemples qui prouvent que la globalisation n’exclut nullement l’aspiration nationaliste des divers peuples.
Par ailleurs, la Torah nous dit : « (L’Eternel) fixe les limites des peuples selon le nombre des enfants d’Israël » (Deutéronome 32,8). Rachi explique le rapport entre les 70 nations et les 70 membres de la famille de Ya'akov lors de leur descente en Egypte. Dans son commentaire sur Chémot (15,27), Bahya (un des Richonim – 13ème siècle) évoque à propos de l’étape du peuple à Elim à la sortie d’Egypte, les 70 palmiers et les 12 sources d’eau qui se trouvent en cet endroit. Selon le Midrach, il y voit une allusion aux 12 tribus d’Israël qui seront appelées à donner une signification aux 70 nations. Selon le commentaire du Rav Munk dans « La voix de la Torah », « le même rapport spirituel existe entre les douze tribus d’Israël et les 70 nations du monde, rapport qui se reflète par les 70 membres de la famille de Ya'akov (descendu en Egypte) » (Commentaire sur Beréchit 46,27).
Peut-on se permettre d’extrapoler et de trouver ici la véritable géopolitique du peuple d’Israël ? Porteur de l’unité, il doit affronter les 70 nations qui ne cessent de s’opposer entre elles. Porte-parole de l’unité dans le monde, son rôle est de transcender la pluralité au sein de l’univers. Son devoir est de témoigner de l’unité du Créateur, face aux divergences des nations. La Torah est un message de vérité, d’unité au sein d’un univers déchiré, et doit annoncer l’avènement de la lumière qui dissipera les ombres actuelles. Programme ardu mais exaltant, et gage d’un bonheur assuré pour l’humanité.