Il est avéré que les deux calendriers se réfèrent à deux entités chronologiques. Le calendrier général est lié au cycle du soleil, alors que le calendrier hébraïque se fonde sur le cycle de la lune, pour ce qui est de la durée d’un mois. L’année solaire traduit la révolution de la terre autour du soleil alors que l’année lunaire est fondée sur le cycle de la lune. L’année solaire comprend 365 jours, divisés en 12 mois qui, eux, ne correspondent pas à un évènement cosmologique. L’année lunaire n’est pas fondée sur un cycle, mais inclut 12 mois qui, eux, traduisent un cycle régulier. 

L’année solaire est vraie, mais le mois est dû à une convention sociale. 

À l’inverse, l’année lunaire dépend aussi des nécessités de la société, mais les mois lunaires reflètent un cycle réel, astronomique. Les fêtes sont liées à l’année solaire, aux saisons, car Pessa’h doit, selon la Torah, être fixé au printemps, et, de ce fait – dû au retard de l’année lunaire – on ajoute en 19 ans sept mois supplémentaires, car l’année lunaire ne comprend que 354 jours, donc 11 jours de moins que l’année solaire. 

Pour unir les deux calendriers, le mois supplémentaire comble le retard. 

Mais au-delà de ce problème qui a pour but d’accorder les deux cycles, celui de la lune et celui de la révolution de la terre autour du soleil, au-delà donc, il convient de découvrir une base idéologique à cette convergence entre les deux calendriers qui suppose un accord entre les deux cycles, et cette convergence est inscrite dans la Torah. 

Rachi, dans le premier verset de la Genèse, explique que la Torah aurait dû commencer avec la première Mitsva adressée au peuple d’Israël, encore en Égypte, exprimée ainsi à Moché Rabbénou : « Ce mois-ci est le premier des mois de l’année » (Exode 12, 2). L’ordre des mois est annoncé déjà à Moché, en Égypte même. C’est le cycle lunaire qui est ainsi proclamé pour les enfants d’Israël. Première Mitsva pour le peuple annoncée à Moché quand il est chez Pharaon. Rachi explique que la Torah n’est pas un livre d’histoire, mais un recueil de lois. La Torah a un but législatif. Alors pourquoi la Torah commence-t-elle par des évènements historiques ? 

Rachi explique : « C’est afin de montrer aux nations qu’il y a un "propriétaire" au monde, Qui l’a créé, et Qui distribue les territoires selon Sa volonté ». Le but est d’enseigner au monde que le peuple d’Israël n’est pas voleur, mais a reçu la Terre d’Israël. 

Le but, ici, c’est « les nations ». Enseigner qu’il y a un Maître dans le monde. N’est-ce pas ici le calendrier civil qui est annoncé pour les nations ? Après le déluge, l’Éternel affirme clairement que l’ordre de la nature ne changera plus jamais et précise : « Je ne détruirai plus tout ce qui est vivant comme Je l’ai fait… Les semailles et la moisson, le froid et le chaud, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront plus » (Genèse 8, 21-22). Rachi commente ce verset en expliquant que la référence ici s’applique aux mois lunaires. Les saisons rapportées dans le verset traduisent évidemment l’année solaire, mais les mois mentionnés sont lunaires et clairement explicites : il y a ici une référence du cycle solaire pour le cycle lunaire. Cette rencontre ne s’exprime que dans le calendrier hébraïque (le solaire pour l’année civile, c’est-à-dire pour les nations, et le lunaire pour l’islam).

Si l’on veut dépasser cette convergence dans une dimension cosmique encore plus explicite : est-ce extrapoler de dire que le cycle solaire est immanent et que le cycle lunaire serait transcendant, inscrits tous deux dans le projet divin ? Cela expliquerait que la Torah s’adresse, dès le début, aux nations alors que le cycle lunaire s’adresse à Israël, au moment où il devient un peuple. La rencontre entre la transcendance et l’immanence est le secret du mystère ('Olam) de la création. Le calendrier a pour but de refléter pour l’homme la volonté du Créateur, dans le quotidien. Vérité de la Torah qui dépasse les siècles, mais ne cesse jamais – comme les saisons et la lune – d’être actuelle, et cela se reflète dans les astres. « Il connaît le compte des étoiles, mais Lui, Il transcende les comptes » (Psaumes 147, 2-3).