Il est remarquable, et très significatif, que les bouleversements géopolitiques actuels soient nés à Sim’hat Torah, au lendemain de la fête de Souccot consacrée chaque jour à la rencontre entre les quatorze agneaux – sans défaut – et les soixante-dix taureaux diminuant quotidiennement de 13 à 7 – sacrifices offerts donc chacun des sept jours de Souccot. Les Sages expliquent que les quatorze agneaux symbolisent le peuple d’Israël, et les soixante-dix taureaux représentent les nations, offerts au Temple de Jérusalem pour le bien des nations. Les Sages expliquent que si les nations du monde savaient combien les sacrifices au Temple devaient les protéger, elles auraient entouré le Temple d’armes pour empêcher sa destruction. Quoiqu’il en soit, les soixante-dix taureaux symbolisent les rapports avec l’ensemble des nations.
Cette rencontre convergente entre les nations nous enseigne que « du négatif doit sortir du positif » ainsi qu’il est écrit dans le Livre des Juges (14, 14) : « De la violence sort la douceur ». À partir d’une réalité négative première, va apparaître une situation positive. C’est ce principe qui guide la création. Malgré, ou même grâce, au négatif apparaîtra le positif. À une condition, c’est de découvrir et de révéler, par ce biais, la présence et surtout l’action du Créateur. Cette situation se révèle à toutes les étapes de l’Histoire depuis le début. Adam Harichon a désobéi, et pourtant, après la faute, l’Éternel fabrique des vêtements pour Adam et 'Hava. Bien qu’ayant compris qu’il a béni Ya'akov au lieu d’'Essav, Its’hak dit de Ya'akov : « Qu’il soit béni ! » Une situation qui semblerait contraire, ou même adverse, suit une situation apparemment négative. L’illustration la plus claire de ce principe apparaît même avant la Révélation du Sinaï. 'Amalek vient attaquer Israël, et aussitôt après arrive Yitro, le beau-père de Moché Rabbénou, qui découvre la supériorité de l’Éternel sur tous les faux-dieux.
Cette même situation éclaire l’origine de l’avènement messianique : l’ancêtre de Ruth la Moabite est né d’une relation interdite. Elle épouse Boaz, descendant de Pérets, né d’une union interdite entre Yéhouda et Tamar. Boaz et Ruth sont les ancêtres du roi David, de qui doit descendre le Machia’h. Les Sages expliquent ainsi que le Machia’h sera un descendant du roi David, mais que le Satan, les forces du Mal, veulent empêcher la venue du Machia’h. Expliquons-nous : ce n’est pas le MAL qui existe, mais l’Éternel a donné le libre arbitre à l’homme, pour qu’il puisse aussi obéir ou désobéir. Le négatif doit être possible pour donner sa force et sa puissance.
Alors ? Que représente, dans cette perspective, les Nations du monde ? Elles se situent par rapport à Israël, c’est-à-dire en relation avec la volonté divine. On doit, ici, distinguer trois styles parmi les nations : ceux qui s’opposent, de génération en génération, pour des raisons idéologiques (refus d’accepter la Torah), ceux qui sont indifférents (et semblent ne pas s’intéresser à ce peuple différent parmi les nations), et ceux qui cherchent à comprendre et à aimer Israël, auxquels D.ieu a donné sept Mitsvot à observer. C’est pour ces peuples que l’on offre à Souccot soixante-dix taureaux au Temple de Jérusalem. C’est dans cette dernière catégorie que se trouvent les « justes » des nations.
Où situer ainsi le BIEN et le MAL ? Ce n’est qu’en fonction de la relation avec le Créateur que cet antagonisme se situe. C’est le prix de la liberté. C’est donc un danger, auquel notre foi en la miséricorde du Créateur nous expose, mais c’est le développement de l’Histoire qui en est le ressort. D’Adam Harichon jusqu’au 7 Octobre 2023, le bien et le mal sont la trame de l’histoire de l’humanité. Le Machia’h viendra quand cet antagonisme sera éclairé par la foi en D.ieu. Le Tout-Puissant a fait l’homme maître de la Création. Comme l’explique le Rav Haïm de Volozhine dans le Néfech Hahaïm, la création entière dépend de l’homme, devenu ainsi le collaborateur du Créateur ! C’est ici le secret de l’existence du monde : savoir dépasser ses jouissances matérielles, charnelles, pour s’élever vers la spiritualité. Les séductions de ce monde, c’est le serpent qui a séduit le premier homme. Elles sont puissantes, mais dangereuses pour l’avenir de l’humanité. Sim'hat Torah est la fête qui à la fois conclut les fêtes de Tichri et commence le Séfer Beréchit et donc un pont entre le passé et le futur. À Sim’hat Torah, on se sent sanctifié par Tichri et en même temps, la vie profane recommence. Y a-t-il une plus belle date pour marquer une orientation nouvelle de l’histoire ? Le 7 Octobre dernier, à Sim’hat Torah, un tournant historique a eu lieu. Il importe d’en être conscient, de lire ici et ainsi les évènements qui se déroulent à nos yeux, mais espérons que ce tournant nous rapprochera du but final : une humanité reconnaissant (au double sens du mot reconnaissance : « connaître à nouveau » mais aussi « remercier ») la vérité, la justice et la bonté du Tout-Puissant.