L’année 5784 s’achève. Elle fut une « année terrible » selon l’expression d’un poète français du 19ème siècle. Nous prions pour que 5785 nous apporte des bénédictions et nous rapproche de la Délivrance.
Eloul est le moment de faire un bilan. Ce bilan nous impose de réfléchir à notre existence. L’homme vit dans une triple dimension : sa dimension personnelle, son rapport avec autrui et ses relations avec la transcendance : dimension intime, dimension horizontale et dimension verticale.
Ces trois dimensions se retrouvent dans les 3 versets dont les initiales forment, en hébreu, le mot ELOUL.
Le premier verset : ומל ה' את לבבך ואת לבב זרעך, « Et l’Éternel circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité » (Dévarim 30, 6) traduit la dimension intime, personnelle, de l’amélioration du MOI, grâce à une aide du Ciel.
Le second verset est tiré de la Méguilat Esther : איש לרעהו ומתנות לאביונים, « (Et l’on distribuera) des présents l’un à l’autre et des cadeaux aux pauvres » (Esther 9, 22). Ce verset symbolise assurément la dimension horizontale, sociale.
Le troisième verset présente clairement la dimension verticale du rapport avec la Transcendance : אני לדודי ודודי לי, « J’appartiens à mon bien-aimé et mon bien-aimé m’appartient » (Cantique des Cantiques 6, 3). Le bien-aimé, c’est le Tout-Puissant. Ainsi les 3 dimensions rejoignent les 3 directions de la proximité avec le Créateur : TÉCHOUVA (repentir personnel, jeûne), TSÉDAKA (charité et bienveillance dans les relations avec autrui) et TÉFILA (prière à l’Éternel). N’a-t-on pas l’impression, à la lecture de ces 3 principes, de retrouver les 3 dimensions évoquées précédemment ?
En réalité, il convient de traduire ce triptyque dans la conscience du Juif fidèle à la tradition, aujourd’hui comme hier, et comme demain. Le cadre géopolitique actuel, quelque complexe qu’il soit, a été prévu par les Sages. Il suffit de lire le premier commentaire de Rachi, dans le premier verset de la Torah : « La Torah, écrit-il, n’est pas un livre d’Histoire. Son but est d’enseigner à l’homme comment vivre. Alors pourquoi la commencer avec Béréchit ?
Rachi répond : « Afin de faire savoir que le monde a un propriétaire : c’est Lui qui dirige et distribue les territoires qui reviennent à chaque peuple. Israël n’est donc pas voleur de la terre, sur la terre qui lui appartient par décret de l’Éternel » (Beréchit 1, 1 et commentaire de Rachi). À partir de cette lecture du but de la Torah – de faire connaître que le monde a un propriétaire – il est possible de retrouver les trois orientations – négatives cette fois – de la nature humaine : le moi, l’autre, l’Auteur.
Rav Dessler, dans le Kountrass Ha'hessed, explique qu’il y a deux tentations pour l’homme : « prendre » ou « donner ». C’est ainsi qu’il présente ceux qui veulent « prendre » : « désir de développer leur MOI et conquérir par la force le monde, puis, bien sûr, nier l’existence d’une force transcendante qui dirige l’Histoire. Leur seule motivation est de prendre de plus en plus, et ils sont à la source des guerres et ne reconnaissent aucun juge. Ce qui leur importe, c’est d’assouvir leur soif. De là proviennent les guerres de conquête, les meurtres, de peuples » (voir le Mikhtav Mééliahou, Tome 1, p. 32).
L’idéologie du Juif croyant en une Providence tutélaire est précisément de vouloir « donner », à l’exemple du Créateur Qui ne cherche qu’à « donner » à la création, selon la formule : « ‘Olam ‘Hessèd Ibané » (le monde est fondé sur le « ‘Hessed ») et c’est donc le but de la Création.
Pour revenir à l’actualité, la globalisation aurait pu, peut-être, créer une société humaine plus solidaire, mais le vide idéologique, les intérêts de chaque puissance l’ont emporté : le « prendre » ne cesse de se répandre au détriment du « donner ». Que dire après la guerre en Ukraine, et surtout depuis le 7 Octobre 2023, date qui a changé les données géopolitiques du globe ? La recrudescence de l’antisémitisme dans les universités américaines est-elle vraiment la conséquence de l’attaque de Gaza, elle-même provoquée par le carnage de Sim'hat Torah ?
Pour nous, en Israël, le tissu national semble de plus en plus déchiré. Alors que la nation, en guerre, devrait être unie derrière le gouvernement, celui-ci est de plus en plus critiqué. Un véritable chaos politique semble guetter l’État. Il est certain qu’il nous faut prier pour que la paix soit rétablie, que les otages reviennent. Mais un bilan négatif n’épargne pas les fidèles de la Torah. Il importe de veiller à éviter les malentendus, les querelles, les calomnies qui salissent la société. Il ne faut pas oublier que les ordonnances « sociales » n’ont pas moins d’importance que l’observance « religieuse » – comme les Téfilines ou les Mézouzot ! Rappelons-nous ces 3 principes : améliorer le Moi, aider AUTRUI, et prier le Créateur. Ces trois principes résument, on l’a écrit, la Torah, et se traduisent par trois mots qui ont la même valeur numérique (136) : « Tsom » (jeûne), « Mamon » (argent) et « Mol » (la voix). Ces trois principes résument la Torah, doivent améliorer le bilan pour l’année prochaine et nous aider à rapprocher la délivrance finale.