Il n’est pas dans l’intention de cette chronique hebdomadaire de revenir sur des thèmes qui ont déjà été présentés ici – sans être peut-être toujours bien compris – d’y revenir, encore une fois, mais comme les sujets sont fortement d’actualité, et nécessitent une approche « toranique », il importe de toujours s’y référer de façon précise, dans l’optique de la tradition juive. Il ne s’agit, nullement, d’être prophètes, ni d’annoncer des malheurs, ou d’exercer un magistère. Loin de nous de telles pensées ! Cependant, sans tomber dans ces travers, il est essentiel de savoir « lire », et de comprendre notre époque dans une perspective traditionnelle pour un Juif croyant.
Il est, d’abord, faux de prétendre qu’une réflexion sur l’effondrement de la civilisation a une source nécessairement religieuse. Un poète français, au 20ème siècle, nullement orienté religieusement, Paul Valéry, a écrit : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». Le biologiste Paul Ehrlich, membre du Département de Biologie de l’Université de Californie, s’exprimait en 2013 sur le danger d’effondrement de notre civilisation, sans d’ailleurs trouver l’objet causant cette catastrophe. Il n’y a pas non plus de raison de faire de cet universitaire américain un adepte de la collapsologie, cette discipline récente qui prédit l’extinction prochaine de notre civilisation. Alors, l’important pour nous aujourd’hui, est de tenter de comprendre, sans occulter la réalité la plus immédiate, ce que signifie l’événement aujourd’hui pour un œil habitué à voir un sens à l’Histoire.
Telle est notre foi : il n’y a pas de hasard, mais il existe une direction. Il est incontestable que l’année 2020 restera une date dans l’Histoire universelle comme, par exemple, 1789 pour la Révolution française, ou 1492 pour l’expulsion des Juifs d’Espagne, 1914 pour les tragédies du 20ème siècle ou 1989 pour l’implosion de l’Union Soviétique. Un tournant historique s’est produit, qui demande une compréhension. On peut, comme Bernard Henri Lévy, en minimiser la portée (dans sa lecture anticonformiste parue dans le Journal du Dimanche du 6/6/20), mais il nous semble que, rarement dans l’Histoire, un événement d’origine sanitaire aura eu une influence aussi large, influence cosmique, sociétale, économique et psychologique. A partir de cette observation, il importe toujours d’ouvrir les yeux, sans affirmation absolue. Une lecture eschatologique, une vision apocalyptique d’une fin de l’humanité n’est en aucun cas l’option proposée dans un schéma de Torah. Un obstacle existe, une difficulté grave s’annonce : à nous de vivre avec, et de ne pas perdre foi en un Créateur, Qui ne cesse de diriger l’Histoire. Fin de l’humanité ou progrès vers un avenir meilleur ? Il ne nous appartient pas de nous prononcer. Un verset de Devarim, vers la fin du discours de Moché Rabbénou au peuple d’Israël, résumerait bien, pour le devenir historique, notre optique : « Les choses cachées appartiennent à l’Eternel notre D.ieu, mais les choses révélées nous importent à nous et à nos enfants jusqu’aux derniers âges, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette Torah » (Devarim 29, 28).
Dans une époque troublée, incertaine, comme la nôtre, il ne nous est possible que de nous relier à des repères concrets : sans affirmation absolue, sans assurance que la réponse soit claire, reconnaissons que notre fidélité à l’Alliance du Sinaï est le seul socle fondamental de l’existence du peuple juif, au-delà de toutes les vicissitudes de l’Histoire. Malgré des difficultés, l’Histoire ne cesse d’avancer. Grâce à la puissance de cette Emounah, de cette foi, Avraham Avinou a conclu une alliance avec le Créateur. Sans toujours comprendre les épreuves de l’instant, reconnaissons qu’au-delà de l’éphémère, la Hachga’hah – Providence – ne saurait nous abandonner, comme il est écrit : « L’Eternel n’abandonnera jamais Son peuple et ne délaissera jamais Son héritage » (Tehillim 94, 14). Sachons construire, avancer dans la spiritualité, dans la sainteté, et un résultat positif nous apparaîtra assurément !