On connaît tous quelqu’un qui ne s’arrête jamais : cette superwoman pour qui 24 heures dans une journée ne suffisent pas, ou cet entrepreneur infatigable qui enchaîne les projets alors qu’il pourrait déjà profiter d’une retraite bien méritée. En général, ces personnes sont animées par l’élément feu, cette passion intérieure qui les pousse à accomplir toujours plus, et surtout sans attendre. Si l’empressement (Zrizout) est une qualité louée par la Torah, il est important de reconnaître que vivre une vie trop enflammée comporte aussi des risques. Plongeons dans cet élément fascinant qui façonne nos personnalités.
ÈCH - quelques mots sur cet élément
Le mot Èch (אש), signifiant "feu", porte une symbolique puissante dans la Torah. Il évoque la passion et l’énergie vitale, comme dans le "feu de la Torah", qui représente l’ardeur avec laquelle nous devons étudier la Torah [1]. De nombreuses Mitsvot dépendent du feu : les Korbanot brûlés sur l’autel divin (Vayikra 6: 6), l’allumage de la Ménora dans le Beth Hamikdach (Chémot 27:20), ou encore les bougies de Chabbath qui apportent une lumière sacrée.
Le feu symbolise aussi la Néchama (âme), comparée à une flamme intérieure, comme le verset le dit : "Ner Hachem nichmat adam" (Michlé 20:27), la flamme de D.ieu est l’âme de l’homme. Ce feu intérieur nous pousse à avancer avec passion et enthousiasme, en insufflant à nos actions la Sim’ha (joie) qu’Hachem attend de nous. Le feu enfin peut se transmettre sans qu’il perde de son intensité, tout comme une personne peut avoir un impact positif sans perdre de sa vitalité.
Ainsi, le feu dans la Torah n’est pas seulement une force, mais une source de lumière, d’élévation et de vitalité qui illumine notre mission spirituelle.
Vivre avec passion
Les personnes marquées par l’élément feu sont souvent des êtres passionnés. Elles n’hésitent pas à se lancer dans de grands projets, à prendre les devants, à oser sans craindre l’échec.
Prenons l’exemple de Léa. Lors de la réunion de classe de sa fille de 12 ans, on lui propose d’organiser une soirée Hafrachat ‘Halla pour ces filles qui s'apprêtent à célébrer leur Bat-Mitsva. À peine sortie de la réunion, elle s’active : en quelques heures, elle réserve la salle du bas d’une synagogue, contacte des fournisseurs pour obtenir de la farine et de l’huile, et crée un groupe WhatsApp pour coordonner la logistique entre les mamans. Bref, Léa est une véritable fonceuse. On peut compter sur elle pour démarrer un projet et le mener rapidement. Elle agit sans hésiter, portée par son énergie et son enthousiasme.
Elle incarne la Midda de Zrizout qui consiste à faire les Mitsvot avec entrain, sans attendre.
Une impulsivité dangereuse : tout feu, tout flamme
Cependant, si le feu est indispensable pour donner une “impulsion” à nos projets, pour sortir de l’inertie, il peut également être dévastateur lorsqu’il n’est pas maîtrisé. De même, les personnes qui ne canalisent pas leur feu intérieur peuvent agir sans réfléchir, emportées par leur engouement. Toujours “à fond” et désireuses d’aller droit au but, elles oublient parfois de modérer leurs décisions, laissant place à une impulsivité excessive.
Prenons l’exemple de Déborah. Depuis un moment, elle rêve de nouveaux bureaux pour accompagner l’expansion de son activité d’esthéticienne. Lorsque son amie agent immobilier l’appelle pour lui proposer des locaux dans un quartier central, elle s’enthousiasme immédiatement. Avec pour seule référence une vidéo des bureaux, elle signe le contrat à distance sans prendre le temps de visiter, de consulter son mari ou de réfléchir aux implications financières. Une fois installée, elle découvre des locaux nécessitant des travaux coûteux et des charges bien au-delà de son budget.
Si Déborah avait maîtrisé son feu, elle aurait tempéré son enthousiasme, pris le temps de visiter et aurait consulté son entourage. Elle aurait ainsi évité une perte d’argent et une frustration certaine. Le feu est une force puissante, mais il exige d’être canalisé pour être constructif plutôt que destructeur.
Le feu, c’est cette étincelle qui pousse à avancer, à créer, à se dépasser. Mais comme pour l’épisode de Kora’h et de ses acolytes, qui ont voulu offrir de l’encens sans en comprendre toute la profondeur spirituelle [2], il nous rappelle qu’une flamme mal dirigée peut se retourner contre nous. Alors, à tous ceux qui se reconnaissent dans cet élément, apprenez à canaliser votre feu avec sagesse. Laissez votre passion illuminer vos projets et inspirer les autres, tout en restant ancrés dans des valeurs solides pour éviter qu’elle ne s’emballe. Soyez passionnés, mais toujours avec équilibre !
[1] Avot de Rabbi Nathan 4:5.
[2] Bamidbar 16:35
Tiré des enseignements du livre Mastering Relationships de Mordechai Weinberger, chapitre 5 : "Life on fire".