Ra’héli Réouven est mariée depuis neuf ans. Neuf ans qu’elle se bat pour surmonter la stérilité, sans succès pour l’instant. Mais à aucun moment, sa voix ne laisse transparaître la moindre trace de désespoir ou de tristesse. Entretien plein d’inspiration avec une femme d’exception.
Quand on parle avec Ra’héli Réouven, impossible de rester insensible face à la force de caractère de cette femme qui a traversé des années d’épreuves sans se laisser briser. Ra’héli Réouven est chanteuse. Elle est mariée depuis neuf ans. Neuf ans qu’elle se bat pour surmonter la stérilité, sans succès pour l’instant. Mais à aucun moment, sa voix ne laisse transparaître la moindre trace de désespoir ou de tristesse.
« Je n’ai aucun doute que ce qu’il se passe actuellement dans ma vie est la meilleure chose qu’il puisse m’arriver », dit-elle simplement en guise d’introduction, et avec le sourire. « Rien ne me convient mieux que ce qui convient à Hakadoch Baroukh Hou », ajoute-elle encore, avant de nous raconter son parcours.
18 dates et beaucoup de désillusions
« J’ai grandi dans une famille traditionaliste, commence-t-elle. Pas de Téfila le matin ni de collants 40 deniers, juste des rituels de base comme le Kiddouch, la Cacheroute, etc. Mais l’une des choses que j’ai vues chez moi et à laquelle je tenais par-dessus tout, c’était le dialogue avec Hachem. C’est ma mère qui nous en a donné l’exemple depuis que mes frères et moi étions petits et j’ai perpétué cette habitude en grandissant. » Même aux Etats-Unis où Ra’heli a passé plusieurs années à développer sa carrière musicale auprès des grands noms d’Hollywood. « Toutes ces années, il ne s’est pas passé un seul jour sans que je ne parle avec Hachem. Mais vers l’âge de quarante ans, j’ai commencé à me rapprocher plus sérieusement de la Torah et des Mitsvot et j’ai compris que mes convictions étaient incompatibles avec la vie que je menais là-bas. J’ai tout plaqué, la musique, mes amis non-juifs et mes projets pour revenir en Israël », raconte Ra’héli.
Mais l’atterrissage s’avère moins facile que prévu. « Ma priorité était tout d’abord de trouver mon Mazal, raconte Ra’héli. Dix-huit dates et beaucoup de désillusions après, je me retrouve à nouveau à parler avec Hachem : ‘Hachem, Tu me connais mieux que quiconque. Tu sais ce que j’endure. Je promets de me renforcer dans l’observance et l’étude de la Torah, et Toi, de grâce, envoie-moi mon Zivoug’ ». Pari réussi, puisque six mois après s’être inscrite dans une Midrachia, Ra’héli raconte l’homme avec qui elle partage aujourd’hui sa vie. « Mon mari, c’est ma plus grande fierté. Sensible, bon, avec la crainte du Ciel… Il m’est aussi précieux que dix enfants ! », dit-elle avec une étincelle dans le regard.
Des larmes de Téfila
Seulement voilà, les années passent – 9 en tout et pour tout – et le couple Réouven ne parvient pas à avoir d’enfants. « Au départ, nous ne nous sommes pas inquiétés, nous pensions que tout rentrerait rapidement dans l’ordre. Mais petit à petit, la pensée que nous étions peut-être stériles a fait en moi son chemin. J’ai commencé alors à consulter, suis passée de médecin en médecin, jusqu’au jour où un grand professeur m’a lancé : ‘Je suis navré de vous le dire, mais médicalement parlant vous ne pourrez jamais avoir d’enfants’. C’était comme une bombe qui venait d’être lâchée. J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds, tout autour de moi s’est mis à vaciller, je n’entendais plus les mots du professeur. Je suis sortie de son cabinet et ai déambulé deux heures dans la rue, sans but, en proie aux larmes, complètement sonnée. » Lorsqu’on lui demande quelle fut la réaction de son mari, Ra’héli répond : « C’était dur pour lui d’entendre une telle nouvelle. Il a été très peiné et m’a soutenue de tout son cœur, et il continue de le faire. Mais lui a déjà trois enfants de son premier mariage, donc forcément le ressenti n’est pas le même. »
Ra’héli continue : « Après avoir pleuré des torrents de larmes, je me souviens avoir à nouveau levé les yeux vers Hachem et Lui avoir dit, avec toute la simplicité du monde : ‘Hachem, après tout ce que j’ai vécu dans ma vie, voici que j’ai reçu la nouvelle la plus difficile à accepter pour une femme. Mais même maintenant, de là où je me trouve, sache que je ne pleure ni parce que je T’en veux, ‘Hass Véchalom, ni parce que je ne comprends pas pourquoi ça m’arrive à moi. Je pleure juste parce que c’est normal pour une femme à qui on annonce qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfants de pleurer. Parce que c’est ma manière à moi d’encaisser. Mais je veux aussi Te remercier : merci de m’avoir évité des traitements longs et douloureux. A partir d’aujourd’hui, Hachem, les seules larmes que tu verras couler de mes yeux seront des larmes de Téfila et non des larmes de tristesse.’ »
Une seule chemise à repasser…
Evidemment, comme tout un chacun, il est des moments où Ra’héli sent le désespoir l’envahir. Mais jamais pour très longtemps. « J’habite en face de ma belle-sœur qui Baroukh Hachem est maman de famille nombreuse. Ses enfants sont comme les miens, ils viennent et mangent chez moi comme si c’était chez eux. Pourtant je me souviens d’un vendredi après-midi, quelques heures avant Chabbath, où j’étais installée dans mon jardin après avoir terminé tous les préparatifs, buvant tranquillement un café… En face, je pouvais entendre l’agitation chez ma belle sœur : ‘Où est ma chemise ?’, ‘Qui des enfants peut mettre la table ?’ ‘Sors de la salle de bain, moi aussi je dois me préparer !’, etc. J’ai dit alors à Hachem : ‘Mon D.ieu, je voudrais que chez moi aussi, il y ait de l’agitation avant Chabbath. Que je ne sois pas là en train de boire tranquillement un café après avoir repassé une seule et unique chemise pour mon mari, mais que j’entende moi aussi des enfants courir et s’affairer dans tous les recoins de la maison.’ Mais ce qui me permet de tenir au quotidien, c’est de me répéter sans cesse que dans ce monde-ci, nous sommes dans l’obscurité et nous ne comprenons pas le bien qui se cache derrière chaque épreuve. Je n’ai aucun doute que viendra le jour où je comprendrai le pourquoi de ce qu’il m’arrive. Tout ce que D.ieu fait envers moi vise mon bien ultime !’ »
« Une voix du ciel »
Aujourd’hui, Ra’héli utilise le don qu’elle a reçu du Ciel – une voix et un talent musical exceptionnels – pour renforcer les autres femmes à affronter les épreuves de la vie avec force et Emouna. Elle sillonne le pays avec son spectacle – si justement intitulé « Une voix du ciel » – réservé au public féminin et à travers lequel elle raconte son vécu et sa manière de traverser les aléas de l’existence avec sérénité. Elle y chante la Emouna et l’amour d’Hachem qui brûlent en son cœur, malgré et peut-être justement grâce aux difficultés.
Et quand on lui demande quel message elle aimerait faire passer aux autres, elle répond sans hésiter : « Regardez le bien autour de vous. Notre plus grand travers, c’est de nous concentrer sur ce qui nous fait défaut au lieu de nous concentrer sur ce que nous possédons ! C’est le message que j’essaie de faire passer à travers mes chansons et lorsque des femmes viennent me demander conseil. Vous avez des parents ? Un mari ? Des enfants ? Un travail ? La santé ? De quoi manger ? Alors vous êtes riches ! Inutile de se concentrer sur la moitié vide du verre. »
Pour conclure, Ra’héli affirme : « Avant, j’avais un rêve, celui de conquérir le monde. Aujourd’hui, mon rêve est de conquérir le cœur d’Hachem. Puissions-nous mériter, et moi la première, nous rapprocher de lui véritablement ! »