Rina et Sam ont vécu en Israël, au Kenya et en Equateur, mais peu importe leur destination, ils ont toujours tenu à respecter la pureté familiale. Et celle-ci le leur a bien rendu… Récit trépidant au bout du monde !
Tout a commencé il y a 18 ans, lorsque Sam et moi étions un jeune couple avec deux enfants en bas âge. Lorsque Sam reçut une proposition d’emploi très alléchante dans sa branche, l’agronomie, depuis Nairobi la capitale du Kenya, nous n’avons pas hésité une seconde. Nous avons emballé nos affaires et sommes partis sur la seule base d’une promesse faite par un grand patron venu spécialement rencontrer Sam dans le lobby d’un hôtel de Tel Aviv. Les sommes et les conditions évoquées pendant leur entretien avaient amplement suffi à nous convaincre. Nous étions jeunes et avides d’aventures…
Du Kenya à l’Equateur en passant par Tel Aviv
Sur place, nous nous sommes rapidement faits à notre nouvelle vie. Nathanaël et sa petite sœur furent inscrits dans une maternelle destinée surtout aux enfants d’étrangers et de diplomates. Ils apprirent l’anglais et se firent de nouveaux amis. Sam travaillait, gagnait un excellent salaire et nous coulions nos jours sur un long fleuve tranquille… Notre décision, prise dans la précipitation, de rentrer immédiatement au pays s’imposa par un beau matin lorsque Sam entendit à la radio qu’une femme étrangère et ses deux enfants en bas âge roulant dans un 4x4 de couleur vert-gris avaient été enlevés et une rançon élevée exigée en échange de leur libération… Soit la même voiture que la mienne, avec quasiment les mêmes passagers. Nous n’étions pas prêts à prendre le moindre risque et décidâmes de rentrer sur-le-champ en Israël, après une année passée au Kenya.
Seulement voilà, peu après notre arrivée à Tel Aviv, Sam reçut une nouvelle proposition, encore plus intéressante que la première, en provenance de l’Equateur cette fois, au sein d’une entreprise israélienne. Là encore, nous n’avons pas hésité…
Nos conditions de vie là-bas, comme celles de tous les Israéliens ayant fait fortune en Equateur, étaient paradisiaques : nous habitions une immense villa avec piscine et jacuzzi, notre chambre à coucher était aussi grande qu’un salon et la maison était entourée de baies vitrées offrant une vue imprenable sur un paysage tropical. Deux employés à plein-temps s’occupaient de nettoyer la maison, de cuisiner, de laver et de repasser… Même d’un point de vue social, c’était l’idéal : les Equatoriens, qui sont très croyants, considèrent le peuple juif comme leurs aînés et la seule vue de Juifs, même des laïcs comme nous, éveille en eux un profond sentiment de respect. Pour nous, qui ignorions presque tout de notre identité, c’était tout à fait nouveau et étonnant !
La porte de l’assimilation grande ouverte…
L’un des points qui nous a malgré tout dérangés à Sam et à moi, c’était le mélange et la confusion impossibles qui régnaient au sein de la communauté locale : la plupart des Juifs Equatoriens sont mariés à des non-juifs mais envoient leurs enfants - qui se considèrent comme juifs même lorsqu’ils ne le sont pas - à l’école juive. Nous expliquions aux enfants que certains de leurs amis étaient juifs et que d’autres ne l’étaient pas, mais nous comprîmes bien vite que la porte à l’assimilation, D.ieu préserve, était grande ouverte devant nous. Pour nous, c’était une ligne rouge à ne pas franchir. Nathanaël grandissait et était entouré de jolies filles au regard exotique qui, dans leur majorité, n’étaient pas juives. Ma hantise, c’était qu’il m’annonce un jour vouloir se marier avec l’une d’elles et qu’à mon refus, il m’oppose l’argument-massue : « Tu m’as élevé parmi eux toute mon enfance, où est le problème à présent ? ».
Mais la tentation de rester était trop forte. Tous nos amis israéliens là-bas nous répétaient que la vie en Israël était trop dure, que les écoles étaient mauvaises, que la situation sécuritaire était instable et, surtout, comment envisager d’abandonner toute cette abondance matérielle pour un petit appartement dans l’une des rues polluées de Tel-Aviv ? Nous nous laissâmes convaincre jusqu’à… jusqu’à ce que je découvre une vérité accablante.
Le Mikvé, coûte que coûte
Comme je l’ai déjà dit, Sam et moi n’étions pas pratiquants; pourtant, s’il était une Mitsva que nous avions décidé d’accomplir dans tous ses détails depuis notre mariage, c’était celle de la pureté familiale. Chaque mois, quel que soit le lieu où je me trouvais, je m’arrangeais pour m’immerger de manière conforme à la Halakha. Il n’existait à cette époque qu’un seul Mikvé dans tout l’Equateur et celui-ci était complètement délaissé (je découvris au fil des mois que j’étais la seule à l’utiliser). Chaque fois, une autre mauvaise surprise m’attendait sur place : soit la responsable avait oublié de m’ouvrir le Mikvé, soit le bassin était vide, soit l’eau était bouillante, soit il n’y avait pas d’électricité… Bref, c’était à chaque fois une autre aventure, mais, pour ma part, je ne renonçais pas à ma Mitsva. Nous avions eu le désir d’avoir un autre enfant, car Nathanaël et Noa étaient déjà grands. Le problème, c’est que je n’arrivais pas à tomber enceinte. Chaque mois, je me trempais et, chaque mois, j’attendais de pouvoir annoncer à Sam une bonne nouvelle. Mais… rien. Or, fait assez extraordinaire que je n’avais pourtant pas relevé à l’époque, c’est lorsque nous retournâmes en Israël pour des vacances et que je me trempai ici que je tombai enfin enceinte… Sans réaliser la concordance des faits, nous emballâmes nos valises à la fin des vacances et retournâmes à Quito, fous de joie d’attendre un nouveau bébé. Gabriel naquit neuf mois après et, nous, nous en voulions déjà un autre. Sauf que, là encore, les choses ne se passèrent pas comme nous l’avions prévu.
Un Mikvé ? Non, une piscine !
Un jour, une nouvelle famille de ‘Hassidé ‘Habad est arrivée à Quito pour essayer de restructurer la communauté, qui était en déliquescence. Lors de l’une des réunions avec les membres sur place, ils annoncèrent que le « Mikvé » que j’utilisais depuis plusieurs années n’en était en fait pas un : il s’agissait d’un simple bassin rempli d’eau ordinaire, soit l’équivalent… d’une piscine ! Ce fut pour moi un choc fatal. Cela faisait des années que je ne me trempais pas conformément à la Halakha ! Le « rabbin » de la communauté m’avait donc sciemment menti en affirmant que le Mikvé local était Cachère ! Je réalisais soudain que je n’avais aucune possibilité dans ce pays de respecter la pureté familiale, à laquelle je tenais tant. La mer se trouvait à quelque six heures de route et il était impensable de parcourir chaque mois cette distance aller-retour. Comment faire ?
Pendant ce temps, les responsables communautaires s’employaient à me convaincre de renoncer au projet que je caressais de rénover le Mikvé. A leurs yeux, il s’agissait de dépenses inutiles. Vu les sommes que nous cotisions chaque mois, ils acceptèrent de me payer le billet d’avion aller-retour vers la Colombie pour que je puisse m’immerger là-bas, une fois et c’est tout. Chaque fois, nous devions déployer des efforts d’inventivité pour que je puisse m’immerger conformément à la Halakha.
En même temps, j’entrepris toutes les démarches possibles pour faire bouger les choses sur place, mais ça n’était pas facile. Je parlais aux fidèles de la communauté, à toutes les familles qui fréquentaient la synagogue, aux responsables locaux et me mit même en contact avec le Président du Tribunal rabbinique de Buenos Aires, le Rav Feigelshtock. Celui-ci m’annonça son désir de prendre en charge le projet et il se mit tout de suite au travail. Et, comme par hasard… c’est encore lors de vacances passées en Israël que je tombai à nouveau enceinte après m’être trempée au Mikvé. Je compris cette fois-ci qu’il n’y avait pas de hasard. Et alors que je donnais naissance à Ariel quelques mois plus tard, le Mikvé Cachère et magnifiquement rénové de Quito fut inauguré en présence de tous les membres de la communauté, pour le plus grand bonheur de tous !
De retour au pays
Peu après, nous décidâmes qu’il était temps pour nous de quitter l’Equateur et de rentrer définitivement en Israël. Deux mois après notre arrivée, alors que nous étions encore en plein processus d’acclimatation, une femme (un ange ?) me tendit un jour dans la rue un petit sachet avec deux bougies pour Chabbath ainsi qu’un flyer de l’organisme Arakhim, qui proposait un week-end dans un hôtel animé par des conférenciers en Torah qui parleraient de différents thèmes. Sam et moi nous sommes regardés et avons dit presque dans un même souffle : « Pourquoi pas ? ». La suite est connue : nous avons immédiatement pris sur nous d’observer le Chabbath, avons inscrit les enfants (qui étaient fous de joie !) à l’école religieuse et nous sommes mis à respecter toutes les Mitsvot avec entrain.
Aujourd’hui, nous sommes une famille observante, qui connait le bonheur de voir ses enfants cheminer dans la voie de la Torah et des Mitsvot. Mais, plus que tout, je réalise à quel point la Mitsva de la pureté familiale nous a été bénéfique, et pas que sur le plan du couple : grâce à elle, nous avons pu entraîner les autres à se renforcer dans ce domaine et, surtout, j’ai eu le mérite que tous nos enfants naissent dans la pureté ! Et aujourd’hui, quand les gens demandent à Sam ce qu’il a fait toutes ces années en Equateur, il répond que nous sommes officiellement partis pour son travail, mais que le véritable but de notre séjour là-bas fut de rénover le Mikvé, de sorte que toutes les femmes juives, résidentes comme touristes, puissent s’immerger de manière Cachère…