Malgré son 1m20, elle n’a pas renoncé à son rêve de devenir enseignante. Aujourd’hui, elle parcourt le monde pour enseigner aux autres l’art de poursuivre leurs rêves jusqu’au bout. Entretien avec Pédouth Rotnemer, un petit bout de femme… qui vise haut !
Elle est petite. Très petite même. Elle mesure 1m20. Elle s’appelle Pédouth et elle est enseignante dans l’une des meilleures écoles de Jérusalem. « C’est ça, être naine. Chaque chose que vous voulez réussir à accomplir vous oblige à regarder haut. Même pour attraper une simple salière en haut de l’étagère. Mais moi, je voulais bien plus qu’une simple salière. Mon rêve c’était d’être enseignante. Non seulement j’en ai rêvé, mais… je l’ai réalisé ! »
Naine et qui ne maîtrise pas la langue !
Mais revenons quelques années en arrière. Bien avant que Pédouth n’ait terminé son diplôme et n’ait à affronter la petitesse – c’est le cas de le dire – de certaines personnes. Bien avant qu’elle n’ait à prouver que sa taille ne constitue pas une preuve qu’elle ne sait pas enseigner aux enfants, bien au contraire.
Pédouth est née en France et a fait son Aliyah en Israël avec sa famille alors qu’elle n’avait que 5 ans. « Comme je ne savais pas un mot d’hébreu, j’étais confrontée en tant qu’enfant à un double problème : non seulement certains enfants se moquaient de moi, mais en plus, je ne pouvais pas leur répondre ou, pire, je leur répondais en faisant plein de fautes… Et là, je déclenchais des fous rires », se souvient Pédouth. Avec son cartable lui arrivant jusqu’aux chevilles, Pédouth devint rapidement l’attraction de l’école. Mais grâce à son caractère sociable et bien trempé, elle parvint malgré tout à se faire une place honorable parmi les élèves. « Je me souviens que mes camarades de classe me soulevaient pour que j’atteigne le lavabo du couloir… Finalement, on se retrouvait toutes trempées », se rappelle-t-elle en riant.
Quand on lui demande à quel moment s’est-elle aperçue que sa taille était en-deçà de la normale, Pédouth nous surprend : « Je ne l’ai jamais découvert. Ce n’est que lorsque les autres me l’ont rappelé que je m’en suis aperçue à mon tour ! Ca arrive encore aujourd’hui, lorsqu’on me prend pour une petite fille et qu’on me demande si j’ai besoin d’aide pour traverser la rue… Mais être naine présentait en fait autant d’avantages que d’inconvénients. D’un côté, il y avait certains jeux auxquels je ne pouvais jamais participer – le basket par exemple –, de l’autre, on me réservait toujours des petits cadeaux, des bonbons etc. J’étais un peu leur mascotte. »
Ni de fer ni de plomb
« Mais je mentirais si je disais que mes années à l’école ont toujours été faciles, poursuit-elle. Je suis un être humain comme tout le monde, je ne suis faite ni de fer ni de plomb. Certains mots m’ont atteinte comme des flèches en plein cœur. Mais le jour où, plus tard, j’ai compris que les mots prononcés n’appartiennent qu’à leur auteur, alors ma vie a changé et j’ai cessé d’en faire cas. »
Pédouth nous livre alors le secret de sa résilience : « Les paroles qu’une personne prononce sur une autre nous renseignent sur celle qui les a prononcées et non sur la personne visée. Quand vous savez cela et que vous l’intégrez bien, alors vous ne laissez plus personne avoir d’emprise sur vos sentiments », explique-t-elle. Une belle leçon à intérioriser !
Un chemin semé d’embûches
Son bac en poche, Pédouth entame des études d’enseignante mais aussi de théâtre, une autre de ses passions. « Quand on me demandait pourquoi j’aimais être sur scène, je répondais en plaisantant que c’est le seul endroit où je suis plus haute que les autres ! », dit-elle en riant. Ses deux diplômes obtenus, elle commence alors à envoyer son CV dans toutes les écoles religieuses de Jérusalem, sans imaginer un seul instant les obstacles qui allaient se dresser sur son chemin. « Non point que je n’ai pas été convoquée à des entretiens d’embauche, poursuit-elle. Mais ayant décidé de ne rien révéler au téléphone de ma taille, je me retrouvais au mieux face à des gens qui me congédiaient sous toutes sortes de prétextes, parfois franchement farfelus, au pire, devant d’autres qui le faisaient de façon un peu moins délicate. Mais tous semblaient me dire : "Quel établissement sérieux accepterait d’embaucher une naine comme enseignante ?!" »
Mais Pédouth explique : « Si vous pensez que je me suis laissée impressionner, vous vous trompez ! Après un entretien comme celui-ci, je parvenais à rassembler le peu de forces mentales qui me restait en me disant haut et fort : naine ou pas, je serai enseignante ! Je ne laisserai rien ni personne me décourager. Je suis née avec certaines données de base et ce n’est pas parce que certains ont décidé de me juger sur ce genre de critères que je vais me laisser briser. »
C’est avec ce mental de fer que Pédouth traverse le long chemin semé d’embûches qui devait la mener à la place de prof qu’elle occupe aujourd’hui, à l’école « Ahavat Israël » (« L’amour pour le peuple d’Israël », il n’y a pas de hasard…), à Jérusalem. « J’ai le bonheur de travailler au sein d’une équipe formidable, sous la houlette d’une directrice qui a su me donner ma chance et ne l’a pas regretté ! Je suis prof, mais une prof qui sait se mettre à la hauteur de ses élèves ! ».
A la conquête du monde
En plus de son emploi du temps déjà bien chargé, Pédouth parcourt Israël et s’est même déplacée à l’étranger pour donner des conférences sur l’art de poursuivre ses rêves, envers et contre tout ! Elle s’est déjà tenue face à des dizaines de milliers de personnes, à qui elle a su insuffler des forces renouvelées et une foi indestructible en leur potentiel. « Vous avez un rêve qui plait à Hachem ? Poursuivez-le jusqu’au bout ! Ne laissez pas les autres décider à votre place de ce que vous êtes capables de faire ou non. A eux, cela peut sembler impossible, mais il s’agit de leur point de vue strictement personnel et subjectif. Personne à part vous n’est à votre place ! La question n’est pas de savoir si vous y arriverez ou non, mais plutôt combien d’efforts êtes-vous prêts à investir pour atteindre vos objectifs. »
Il y a un peu plus d’un an, Pédouth a remporté le prix « Echet ‘Hayil » (« La femme vertueuse de l’année ») décerné par le célèbre magazine religieux Michpa’ha chaque année à une femme d’inspiration. « J’étais surprise d’avoir remporté le prix, parce qu’il y avait tellement de femmes exceptionnelles en lice. Mais cette victoire ne fait que corroborer ce que j’enseigne aux femmes dans mes conférences : croyez en Hachem, croyez en le potentiel qu’Il a placé en vous et poursuivez vos rêves jusqu’au bout ! » (adapté par Elyssia Boukobza)