Ma Rina est une petite fille adorable, charmante et au sourire irrésistible. Elle fait craquer littéralement toute la famille. Bien qu’elle ne parle pas encore, elle participe à sa manière à toutes les conversations. Le seul hic… Elle fait des bêtises. Rien n’est épargné : cuisine, salle de bain, chambres, si on la laisse sévir, c’est toute la maison qui ressemble vite à un champ de bataille. Si on ne l’entend pas quelques minutes, on peut être sûr qu’on la retrouvera en train de vider méthodiquement un tiroir ou encore en train de se rouler allègrement dans le sable du parc. Si bien que lorsqu’on s’aperçoit qu’elle a disparu, c’est une véritable chasse à l’homme qui s’organise : un commando est envoyé dans la salle de bain, un autre sur le balcon, un troisième dans l’armoire de l’entrée. On finit en général par l’attraper la main dans le sac, en train par exemple de manger un rouge à lèvres ou encore de peindre le mur avec du Nesquik…
Bref, tout ça pour vous dire qu’avec le temps, j’ai fini par lui coller une étiquette peu glorieuse : « le danger public ». Ça, je n’en parle évidemment à personne, et surtout pas aux enfants. J’ose à peine mentionner cette appellation en pensée tant elle est terrifiante, mais force est de constater qu’elle m’accompagne partout et finit par ne plus me lâcher.
C’est il y a un mois que je m’en suis aperçue. J’ai essayé de prendre du recul et d’abandonner ce cliché ridicule qui colle à la peau de ma petite. Peine perdue… « Un prisonnier ne sort pas seul de sa prison », enseignent nos Sages. Joignant l’acte à la parole, je décidai de briser le carcan de ma petitesse d’esprit et de consulter une amie à moi, qui exerce en tant que conseillère parentale.
Dès que je pénétrai dans son cabinet et qu’elle vit ma mine défaite, mon amie saisit le problème. Puis, elle me posa un certain nombre de questions. « Si je comprends bien, commença-t-elle, quand on te demande où est passée Rina, tu sursautes en l’imaginant déjà en train de sévir. Ce que je te demande donc, c’est qu’au lieu de te l’imaginer la prochaine fois en train de faire une bêtise, tu la voies dans ton esprit en train de jouer tranquillement.
- Mais, rétorquai-je du tac au tac, tu ne la connais pas, elle est très rapide ! Avant que je n’aie le temps de me concentrer sur la moindre pensée positive, elle, elle aura déjà eu le temps de déchiqueter tous les livres de la bibliothèque et de confectionner des boulettes avec le papier…
- Cesse de penser que ton seul choix, c’est de lui courir après, me coupa-t-elle. Commence d’emblée par penser positif. Fais au moins l’essai, d’accord ? », conclut-elle. Sur ce, l’entrevue prit fin.
Que vous dire ? Je quittai l’entretien en me répétant en boucle, comme un mantra : « Où est Rina ? Elle joue gentiment. Où est Rina ? Elle joue gentiment, etc. ».
J’arrivai à la maison et tomba tout de suite sur mon adorable petite fille qui m’accueillit en gazouillant… Comment avais-je pu aussi injustement la considérer comme un « danger » ? Je pris à cet instant la ferme décision de la considérer dorénavant avec plus de bienveillance. Certes, Rina est une enfant curieuse et pétillante, mais elle n’a rien de si terrible, me dis-je.
Croyez-le ou non, mais cette même semaine, un changement assez incroyable s’est produit chez elle. Je ne sais pas comment ni pourquoi, mais Rina s’est tout simplement calmée. Elle est certes toujours la petite fille dynamique et malicieuse que nous avons connue, mais cela reste désormais toujours dans les justes proportions.
Et le plus incroyable, c’est qu’au lieu de trouver son espièglerie infernale, nous en rions de bon cœur.
Après cette expérience, je me sens comme un devoir de m’adresser aux parents et aux éducateurs. Mon message ? Pensez du bien de vos enfants. Ne les enfermez pas dans le carcan réducteur des étiquettes toutes faites. Ne pensez pas du petit dernier qu’il est « l’enfant gâté », de l’aîné qu’il est « le râleur » et de la cadette qu’elle est « la paresseuse ». Hachem a donné à chacun de nous le libre-arbitre de changer en bien, et, ce, à chaque instant. A nous autres parents, il nous suffit d’y croire !