Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !
Dans l’épisode précédent : Après un premier Chabbath magique chez la Rabbanite Presburg et sa famille, Sophie a l’occasion d’en apprendre plus sur son grand-père le peintre-’Hassid et sur le vol de sa série de tableaux. Sa tante Ida ne s’était pas trompée, quelqu’un avait volé les toiles peintes par son grand-père avant la guerre. Mais comment les retrouver ?
Sophie ne pouvait détourner les yeux de ce qu’elle tenait entre ses mains. Elle qui n’y avait cru qu’à moitié. Autour de la table, tout le monde s’était réuni.
“Maman, est-ce que c’est... ?
- Ça ”, répondit la Rabbanite à la place de Sophie, qui restait immobile. “Eh bien c’est un tableau de ton arrière-grand-père, Shmulik Grinbaum. C’est votre tante Ida qui me l’avait donné pour que je le garde pour elle, il y a plusieurs années. Au début des années 80, Ida avait vu, par hasard, dans un article de magazine, une galerie d’art à Paris. Et dans la photo de l’article, Ida était sûre d’avoir reconnu le tableau de son père. Elle a voyagé en France pour en savoir plus. Avant son départ pour Paris, elle est venue me voir pour me poser des questions sur la ville de son enfance. Elle m’a confié ce tableau, me demandant de le garder pour elle, parce qu’elle vivait dans une résidence et avait peur de vols.”
Après un moment de silence, tout le monde se pencha sur la représentation du tableau. Sophie et Léa, ne comprenant pas ce qu’elles voyaient, Yinon, le fils de la Rabbanite, leur expliqua le sens :
“Regardez, le tableau représente un boitier de Mézouza, comme celui que vous voyez ici (il désigna du doigt la Mézouza du salon). Et là au premier plan, dans les mains du monsieur, c’est le parchemin de la Mézouza.
- Et ça signifie quoi ?, demanda Léa avec une naïveté touchante.
- C’est un extrait de la Torah, qui dit : ‘Ecoute Israël, l’Éternel [est] notre D.ieu, l’Éternel [est] un ‘.
- Hein ?”
Yinon sourit, il comprenait que Léa ne comprenne pas.
“Ça signifie que Hachem, ou D.ieu si tu préfères, est unique. Il n’y en a pas d’autres, Il est infini. Et de ce fait, la suite du texte dit que nous nous engageons à L'aimer de tout notre cœur, de toute notre âme et de tous nos moyens.
- Voilà, c’est ça.” C’était le Rav, le mari de la Rabbanite Margalite, d’ordinaire si discret, qui venait de répondre. “Il faut savoir que chez nous les Juifs, on se doit de poser une Mézouza aux portes de chacune de nos habitations. Le Talmud dit que la Mézouza assure la protection divine sur la maison juive : tandis qu'un roi humain réside dans son palais, gardé à l'extérieur par ses serviteurs, le Roi de l'univers — au contraire — protège Lui-même le lieu de résidence de ses fidèles !
- Ouah ! C’est chanmé, dit Léa.
- N’est-ce pas ?”, repris le Rav, qui s’était mis à rire.
“Je pense que tout ça mérite une petite célébration, ajouta la Rabbanite. Ca tombe bien, c’est le moment de faire Mélavé Malka !”
Le Mélavé Malka était le quatrième repas de Chabbath, qui avait lieu le samedi soir, justement après la fin de Chabbath, pour adoucir la transition entre un moment de sainteté intense qu’était le jour de Chabbath et la nouvelle semaine qui s’annonçait.
Après ce nouveau repas copieux, tout le monde partit dans sa chambre, seules restaient Sophie et la Rabbanite qui débarrassaient en silence.
“Sophie, je comprends que la découverte de ce tableau vous a bouleversée mais je vous trouve bien pensive. Vous n’avez pas parlé pendant tout le Mélavé Malka.
- Je ne saurais pas décrire tout ce que je ressens au fond de moi, mais en me tendant le paquet tout à l’heure, j’ai eu le sentiment que vous me donniez une pièce d’un puzzle, comme si je retrouvais quelque chose qui me manquait.
- Je comprends tout à fait, au contraire ! C’est aussi pour ça qu’Ida était à la recherche du tableau et de ceux qui l’avaient gardé tout ce temps. Et c’est aussi pour cela que vous allez continuer vos recherches.
- Alors d’après vous, qu’est-ce-que je dois faire ?
- Ida pensait que le coupable était un marchand d’art nazi qui les avait volés, parce que les toiles avaient de la valeur. Mais je n’ai jamais su si elle avait trouvé des preuves.
- Je ne veux pas manquer de respect à mon grand-père, je trouve ce tableau magnifique, mais ça ne veut pas dire qu’il vaille quelque chose, encore moins à notre époque.
- Je connais un monsieur, Yoël Kissler, il était galeriste en France et aujourd’hui il travaille dans un musée à Jérusalem. Allez le voir de ma part avec le tableau, il vous aidera à en savoir plus.”
Quelques jours après, Sophie avait rendez-vous au musée d’Israël. Elle était venue seule, Léa ayant préféré sortir avec ses amies Ariella et Batchéva, qui voulaient à tout prix faire découvrir à Léa l’attraction au Kotel qui permettait de visualiser le second Temple en 3 dimensions !
Sophie se réjouissait de voir sa fille épanouie et n’était pas déçue d’aller seule, par cette belle et chaude journée de printemps.
Elle alla se présenter à l’accueil du musée et s'assit sur un banc, en attendant l’arrivée de Yoël Kissler.
Au bout de quelques minutes, elle vit un homme assez grand, mince, portant une Kippa sur la tête, avec des franges dépassant de sa chemise, comme elle en avait vu chez le Rav, et qui s’avançait vers elle en souriant. Elle se sentit soudain décontenancée. Cet homme avait du charme et ça, ça n’était pas du tout prévu au programme !
“Sophie Grinbaum ? Enchanté, je suis Yoël Kissler. Suivez-moi, nous allons dans ce département.”
Ouf, heureusement qu’il lui montrait la route sans se retourner, ça lui laissait le temps de se ressaisir, elle avait carrément senti ses joues rosir comme une ado. Elle espérait qu’il n’avait rien remarqué, ce serait bien trop embarrassant !
“Vous m’avez dit au téléphone que vous avez besoin de faire authentifier et expertiser un tableau ? Sachez qu’en principe nous ne faisons pas ça ici. Mais, reprit-il cette fois en souriant, pour la famille Presburg, je suis toujours prêt à faire une exception !”
Il lui présenta ensuite les experts qui allaient se charger du travail et lui proposa de prendre un café à la cafétéria du Musée, en attendant.
Sophie était gênée. Elle se retrouvait dans cette belle cafétéria, dans la cour du musée, sans savoir combien de temps elle devrait attendre avec Yoël Kissler, cet inconnu.
“M. Kissler, comment connaissez-vous la famille Presburg ?
- Ah… eh bien pour faire court, disons que je leur dois tout.
- Comment ça ?
- C’est grâce à eux si je vis ici à Jérusalem, si je travaille dans ce musée et si je suis devenu l’homme que je suis, une personne dont...dont je n’ai pas honte.
- J’ai du mal à vous suivre”, admit Sophie.
Au début, elle lui avait posé la question pour meubler le silence. Maintenant, elle était intriguée.
“Il y a plusieurs années de ça, dans ma vie d’avant, je vivais à Paris, je dirigeais la galerie d’art que m’avait léguée mon père, place des Vosges. A l’époque, l’art n’était pour moi qu’un bon moyen de gagner toujours plus d’argent, il n’y a que ça qui m’intéressait. Je n’hésitais pas à arnaquer les jeunes artistes en sous-évaluant leur cotte, sans aucun scrupule. J’étais jeune et je me croyais tout permis. Bien sûr, je n’avais aucun lien avec le judaïsme et le Chabbath, ma galerie restait ouverte. Un samedi, je me tenais sur le trottoir, quand j’ai croisé le Rav Presburg. Il m’a souri et m’a souhaité un chaleureux ‘Chabbath Chalom !’ La première fois, j’ai cru qu’il m’avait confondu, mais le samedi suivant, il a recommencé, et ainsi de suite. Au début, je l’ignorais, mais il continuait à me saluer chaleureusement, puis un jour, j’ai fini par lui répondre ‘Chabbath Chalom’. Et puis un jour, alors qu’il me souhaitait Chabbath Chalom, je lui demandai : ‘Où allez-vous comme ça ?’ Alors, il me répondit : ‘Je vais faire Min’ha, voulez-vous venir avec moi ?’ Bien sûr, je ne savais pas ce qu’était Min’ha, mais, j’avais envie de savoir où il allait chaque semaine. Donc je l’ai suivi, et vous l’aurez compris, j’ai été bouleversé par ce que j’ai découvert, comme si je découvrais quelque chose qui m’avait manqué toute ma vie, comme si j'allumais une étincelle. Je me suis rendu à l’évidence que ma vie était vide, sans but ni profondeur et pas à pas, je me suis mis à étudier la Torah. Quelques années après, j’ai voulu venir vivre ici à Jérusalem. Et me voici. Mais je me rends compte que je parle trop !”
Sophie le regardait les yeux écarquillés. La vie de Yoël Kissler était, certes, différente de la sienne mais il avait décrit mot pour mot ce qu’elle ressentait intimement.
“Et vous, Mme Sophie Grinbaum, que faites-vous quand vous ne menez pas des enquêtes ?”
Sophie, d'ordinaire réservée, lui raconta l’appel reçu à Paris, qui avait tout déclenché, la découverte de la lettre d’Ida, jusqu’au tableau.
“Eh bien, le Rav Presburg n’avait pas menti quand il parlait de mener une enquête !”
A ce moment, le portable de Yoël Kissler se mit à sonner, il lut le message et dit :
“Suivez-moi, nous retournons voir le tableau”.
Ils retournèrent dans le bureau où attendaient les experts, qui parlèrent vite en hébreu à Yoël. La curiosité était à son comble. Puis, Yoël Kissler se tourna vers Sophie et lui dit : “Vous aviez raison, c’est bien un authentique Grinbaum. Grâce aux archives de Yad Vachem, les experts ont pu retrouver des esquisses d’avant la guerre. Apparemment, il avait bien une cotte avant la Shoah, ce qui signifie qu’aujourd’hui ce tableau vaut beaucoup plus qu’avant. Félicitations Mme Grinbaum, vous avez retrouvé un tableau volé, sûrement par les Nazis. Vous devez être fière. Vous pouvez rentrer en France sereine, vous avez résolu votre enquête”.
A ces mots, Sophie regarda Yoël Kissler, une lueur inédite dans les yeux et lui répondit :
“Vous avez raison, je rentre en France. Mais l’enquête ne fait que commencer !”
La suite, la semaine prochaine...