Aya Kremerman, ancien top-model et présentatrice TV israélienne ayant fait Téchouva, a définitivement renoncé aux strass et aux projecteurs pour revenir à une vie authentique de Torah. Dans les lignes qui suivent, elle partage avec nous ses vues sur le couple !
Je me dois d’être honnête : beaucoup de surprises nous attendaient au détour de notre Téchouva. Nous ne savions pas vraiment dans quoi nous mettions les pieds, mais notre Néchama (âme), elle, n’en avait que faire. Elle avait décidé de revenir aux sources, c’est tout ce qui l’intéressait. Nous savions qu’une fois par semaine, c’était Chabbath, mais n’avions jamais entendu parler des 39 travaux interdits ; nous savions qu’à Pessa’h, il fallait manger des Matsot, mais ignorions que ce petit folklore était précédé d’un mois de course-poursuite contre les restes de biscottes insidieusement dissimulés dans la doublure des manteaux des enfants ; nous savions ce qu’était Yom Kippour, mais nous pensions qu’il s’agissait juste de ne pas manger et mourir d’ennui devant la télé dont nous ne pouvions pas changer la chaîne.
Quand Chalom rencontra Bayit
Pourtant, sans l’ombre d’un doute, la surprise des surprises, celle qui nous a frappés de stupeur, fut la découverte de cette nouveauté qu’on appelle le « Chalom Bayit ». En fait, ces deux mots ensemble n’existent tout simplement pas dans le monde non-religieux. Je crois qu’ils ne se sont jamais rencontrés, pas même en Chiddoukh. Ce n’est pas que les couples non religieux ne s’intéressent pas à la qualité de leurs relations ni qu’ils n’entreprennent pas de thérapie de couple – au contraire, ça marche même très fort, les thérapies de couple –, mais je veux parler du sens profond des deux termes ensemble. La seconde raison de notre stupéfaction, c’est qu’on nous avait toujours raconté que la Torah était misogyne, surtout envers les femmes mariées. Ça commence très jeune, lorsque la “pauvre" jeune femme se voit forcée de rencontrer un jeune homme qu’elle ne connaît pas ; ça continue sous la ‘Houppa, lorsque le même jeune homme qu’elle épouse sans amour, l’acquiert avec une bague qui ne vaut qu’« un centime » ; enfin, ça se finit avec la belle-mère qui se rase la tête et convainc sa bru d’en faire de même… Bref, vous avez compris.
Et c’est précisément dans ce domaine que nous avons rapidement réalisé, mon mari et moi, que bien que nous étions tous deux diplômés de la fac, nous étions en fait totalement ignorants et qu’il nous fallait tout reprendre depuis la Genèse. Nous nous sommes mis à fréquenter assidûment tous les cours de Chalom Bayit et tous les Chabbath pleins possibles. C’est un nouvel univers qui s’est alors offert à nous, et dans ce nouvel univers, la chose la plus précieuse et la plus importante, c’était le couple. Wouah ! En faisant Téchouva, je m’attendais à tout sauf à ça. Nous savions bien qu’une relation de couple naît et meurt, dans des circonstances tragiques en général, mais nous ne nous étions jamais attardés sur tout ce qui se trouve entre ces deux évènements. Nous avons soudain réalisé que personne n’avait jamais pris la peine de nous expliquer ce que nous étions censés faire avec cet « entre-deux » et comment en faire quelque chose de vivable, d’agréable, de beau même. Car oui, c’était possible ! La Torah proposait de faire de nous, et de tous les autres couples, des gens heureux et épanouis. Tout ce qu’il fallait, c’était de la bonne volonté et surtout des outils, et ça, la Torah en avait tellement, que même la boîte à outils de Bob le bricoleur faisait pitié à côté.
« Une bonne poire »
Il y a quelques semaines, des amis à nous ont fêté la Bar-Mitsva de leur fils. Lior, le père, est la personnification de l’expression « Na Na’h Na’hma Na’hman Méouman », si vous voyez un peu le genre. Le style de personne qui diffuse tout autour de lui des torrents de Sim’ha (joie), de lumière, d'Émouna (foi en D.ieu) et de musique techno du haut d’une camionnette toute colorée. Et là, au beau milieu de la soirée, Lior prend le micro pour prononcer le discours le plus original depuis que les discours de père de Bar-Mitsva existent : « Chaï, mon fils, tout ce que je te souhaite, c’est d’être une bonne poire. Une très bonne poire. Toute ta vie. Que les gens te voient dans la rue et te pointent du doigt en disant : “Ah, voilà la bonne poire !” Oui, tu as compris : je te souhaite de toujours céder. De toujours tendre la main aux autres, même à ceux qui ne te tendent pas la leur. Que tu cèdes, encore et toujours. Que tout le monde sache qu’à toi, on peut toujours demander de l’aide. Une bonne poire qui donne, qui aide, qui soutient, qui écoute et qui rend service. Et le plus important, que tu saches toujours ravaler ta fierté. Que l’orgueil soit quelque chose de détestable à tes yeux… »
Bref, vous avez compris.
Esther ou Vachti ?
Pendant que j’écoutais Lior, je ne pouvais m’empêcher de réfléchir à ce terrain sur lequel il nous est le plus difficile de céder : la relation de couple. Du coup, ça m’a rappelé une conversation que j’avais surprise il y a quelques mois à la synagogue avant que ne commence la lecture de la Méguila. Deux femmes assises derrière moi, l’une religieuse et l’autre pas encore, étaient en train de discuter. Celle pas encore religieuse dit à son amie : « Je n’ai jamais aimé les messages véhiculés par la Méguila sur le couple. Vachti, dont le seul crime fut de dire non à son mari, s’est vue condamnée à mort puis pendue sur la place publique, tandis qu’Esther a dû se mettre à plat ventre devant lui pour lui demander de ne pas massacrer son peuple. "Si j’ai trouvé grâce aux yeux du roi, et gnagnagna", vraiment ça m’énerve ! » Tout le temps de son monologue, je suis restée silencieuse. Je me souvenais à quel point moi aussi, pendant des années, je tenais le même discours à chaque Pourim. À quel point, avant, je trouvais normal d’être « contre » mon mari et non « à ses côtés ». Tout ça, jusqu'à ce que, petit à petit, des couples d’amis se sont mis à divorcer autour de nous ; jusqu’à ce que je fasse Téchouva et apprenne à préserver ce que j’avais de plus cher au monde, à savoir mon mariage. Tout le temps qu’elle parlait, je me demandais : Et alors ? Et alors si Esther s’est adressée avec déférence à son mari ? Qu’y a-t-il de si terrible à se faire un peu plus petite et à faire preuve d’humilité ? À offrir à son mari la place qui lui revient ? Pourquoi trouvons-nous normal de prendre des gants avec notre famille ou nos amis, tandis qu’envers notre mari, cela est tout de suite considéré comme étant de la faiblesse ? Pourquoi Hachem trouve-t-Il normal d’effacer Son Nom pour faire régner la paix entre les époux, tandis que nous, nous n’en sommes pas capables ? Et qui sont ces gens, frustrés et malheureux en couple pour la plupart, qui prêchent l’égalité et le féminisme à gros bras ?
Le secret du bonheur, par le Rav Steinman zatsal
Pour finir, j’aimerais mentionner ici les paroles du Rav Steinman concernant le bonheur dans le couple, telles qu’elles nous ont été rapportées par l’un de ses plus proches élèves, le Rav Azriel Munk. Le Rav Munk a assisté il y a peu à un repas de Chéva’ Brakhot que j’avais organisé à la maison. Il a alors pris la parole pour bénir le jeune couple et l'abreuver de conseils puisés chez son maître, le Rav Aharon Leib Steinman zatsal : « Mon maître disait toujours que le secret du bonheur dans le mariage tient dans les trois mots suivants : céder, céder et encore céder ! Je vous souhaite de toujours céder l’un à l’autre, de toujours rester attentifs aux besoins de l’autre et de savoir mettre votre ego en sourdine. Ainsi, vous serez heureux tous les jours de votre vie et vivrez en paix à jamais. » Et moi, en mon for intérieur, je me remémorais les paroles de Lior et leur souhaitais à voix basse : « Chers ‘Hatan et Kalla, puissiez-vous être vous aussi… des bonnes poires ! »
Aya Kremerman