Ça n’avait l’air de rien, un échange cordial entre deux collègues. Je ne pouvais pas prévoir les conséquences. Si j’avais su, j’aurais mis des distances… avant qu’il ne soit trop tard !

Un aveu glaçant

Je suis une femme comme les autres, ni plus ni moins. Et je me suis retrouvée dans une situation bien délicate… qui peut nous arriver à toutes !  

Je travaillais dans cette grande entreprise depuis déjà 2 ans. À l’époque, j’avais 23 ans et je me souviens que c’était une période où je doutais beaucoup (de mes compétences, de mon travail...). Mais après tout, c’était normal, c’était mon premier poste ! Il y avait plusieurs étages, plusieurs centaines d’employés et de nombreuses heures de travail. Pourtant, l’ambiance était cordiale, chacun faisant attention à se saluer dans les couloirs et du coup, il régnait une certaine convivialité.

Un jour, un collègue plus âgé que je croisais me dit en passant “Bonjour Mademoiselle !”. C’était agréable d’être remarquée au milieu de tout ce monde. Je comprenais d’autant mieux la nécessité d’être avenante au travail. Pendant plusieurs semaines, les “Bonjour Mademoiselle” et “Bonjour Monsieur” avec ce collègue que je ne connaissais que de nom furent échangés sans autre forme de politesse.

Un matin que j’attendais mon tour devant la machine à café, ce fameux collègue vint se placer derrière moi dans la file d’attente qui s’était formée. “Bonjour Mademoiselle ! Comment ça va ce matin ? Moi je vais avoir besoin d’une grande quantité de café pour me réveiller”. Intriguée, je lui demandais pourquoi (tant mieux, ça me permettait de passer le temps en attendant mon tour) et il m’apprit qu’il prenait des cours du soir pour se former à la médecine chinoise. Étant moi-même intéressée par le sujet, j’étais très curieuse.

Par la suite, quand je le croisais, je ne manquais pas de lui demander comment se passait son apprentissage. Un jour qu’on se retrouvait dans une réunion d’équipe, il vint s’assoir à côté de moi, heureux de m’annoncer qu’il venait d’avoir son diplôme de fin de formation. J’étais sincèrement contente pour lui ! Après tout, rares sont les gens qui prennent des cours le soir après le travail. Mais d’un coup, il me dit avec sérieux : “Merci, ça me touche d’autant que je n’ai pas le soutien de ma femme. Elle passe tout son temps à ne se soucier que de notre fille”. Le pauvre ! Ça ne devait pas être facile pour lui. Moi j’étais célibataire et je me promis mentalement de trouver un jour quelqu’un qui saurait me soutenir dans tous mes projets.

Jour après jour, semaine après semaine, même si on ne travaillait pas ensemble, j’avais plaisir à le croiser, à discuter de sa passion et parfois à lui demander conseil sur mon travail. C’est donc tout sourire que je le croisais une fois de plus dans l’ascenseur. Cette fois-ci, toute absorbée à discuter avec lui, je ne m’étais pas aperçue que nous n’étions que tous les deux dans la cabine. À cette époque, je portais très souvent un collier que j’adorais : il était très long et bordé de petites perles. Pourquoi je m’en souviens si bien ? Parce qu’à un moment, ce fameux collègue a pris mon collier dans les mains en disant : “C’est très joli ça, tout comme toi... Ça me donne envie de t’embrasser”.

Je crois que j’ai cessé de respirer sous le choc ! Je n’ai pas compris ce qu’il m’arrivait : comment pouvait-il me dire une chose pareille, alors qu’il était marié ! À ce moment-là, les portes de l’ascenseur se sont ouvertes et j’ai pris la fuite ! J’étais choquée. Même si je le trouvais gentil, drôle et intelligent, à aucun moment je n’avais imaginé quoi que ce soit de romantique, alors quel était son problème ?

Les jours suivants, bien sûr je fis super attention à ne pas le croiser mais je ne pouvais apaiser la culpabilité de ce qu’il s’était passé ni la peur que ça puisse se reproduire. Est-ce que mon attitude avait envoyé de mauvais messages ? Comment faire alors ? Est-ce que je devais lui dire ma façon de penser, mettre les choses au point ou le fuir comme la peste ?

J’étais perdue dans toutes mes pensées et j’avais honte. À l’époque, j’allais à un cours hebdomadaire de Torah chez une Rabbanite dont j’étais proche. Même si ce n’était pas simple, je pris mon courage à deux mains et je lui racontai toute l’histoire à la fin du cours. Savez-vous ce qu’elle m’a dit ? “C’est malheureusement l’évolution classique de ce genre de relations. Tu sais que 14% des couples se forment sur le lieu de travail ? Ce qu’on ne dit pas, c’est combien de couples se forment sur la base d’un adultère...”

Je ne m’attendais pas à cette réaction ! Comment pouvait-elle trouver du mal à mes propos quand au contraire je prônais la bonne entente ? “Tu sais, me répondit-elle, il vaut mieux parfois subir des paroles un peu dures que de devoir vivre une situation plus dure encore.

- Mais je ne comprends pas, je parle juste d’être polie et cordiale avec tout le monde, pas d’adultère !

- Connais-tu Guila Manolson ? Elle a écrit un livre formidable qui s’appelle “La magie du contact”. Elle y rappelle justement que ‘des hommes et des femmes qui n’appartiennent pas à la même famille doivent être extrêmement réservés dans leur façon d’exprimer leur affection l’un à l’autre.’”

Grâce aux paroles de la Rabbanite, je comprenais enfin : ce qui me pesait depuis le début, c’était la crainte de savoir que ce drame pouvait arriver à tous, moi y compris, si on n’y prenait pas garde. Je pensais à cet homme marié qui dépassait les limites... et si jamais j’avais moi aussi cédé à la tentation ? Quelles en auraient été les conséquences ? Une famille brisée, des enfants marqués à jamais…

Une protection nécessaire

La Rabbanite m’expliqua comment se nouent les relations : d’abord on est poli, ensuite on est cordial, après on est amical et après... En fait il s’agit d’un rapport si puissant entre les hommes et les femmes qu’il dépasse tout, surtout notre bonne volonté ! Et que le meilleur moyen de ne pas s’y perdre est de placer un maximum de remparts autour de soi.

“Je suis d’accord qu’il ne faut pas se livrer à trop de proximité avec les hommes, mais là, il s’agit du lieu de travail, je ne peux pas refuser de parler aux hommes ni tourner la tête quand je les croise !

- Sais-tu ce qu’enseignait le Rav Moché Feinstein ? Lorsqu’une situation enfreint la Halakha mais qu’on ne peut la redresser entièrement, on est cependant dans l’obligation de l’améliorer (Igrot Moché vol. 1, Yoré Déa 53).

Alors à partir de ce jour, je mis en place des distances marquées sans pour autant manquer de cordialité :

Je me fis un devoir de ne jamais tutoyer les hommes, même ceux que je connaissais depuis des années. Je me mis même à les appeler par leur nom de famille. Au lieu d'être choqués, au contraire tous étaient flattés par cette nouvelle marque de respect. Bien sûr, plus de déplacement en ascenseur s’il n’y avait qu’un homme avec moi. Après tout, je pouvais patienter quelques secondes de plus si cela pouvait m’apporter la sérénité.

Une autre règle subtile que je mis en place avec mes collègues masculins : fini les sujets de conversation autres que ceux liés au travail. Personne ne le remarqua et ce fut même l’inverse ! Bientôt on se mit à me complimenter sur mon professionnalisme.

Quand à ce collègue, je ne lui adressais plus la parole et malheureusement, un an après cet épisode, les rumeurs allaient bon train sur des familiarités qu’il avait eues avec une réceptionniste !  

Ce fut à ce moment que je remerciai Hachem d’avoir su m’ouvrir les yeux et les oreilles à temps. Depuis, je ne déroge pas à mes règles. Aujourd’hui encore, je réserve toute mon affection uniquement pour mon mari et ma famille !

Anonyme.