Question d'une internaute : Lorsque j'étais en CE1, j'ai été victime d'attouchements de la part de mon instituteur. J'étais petite et j'avais tellement peur et honte que je me suis laissé faire. Aujourd'hui je viens de me marier mais j'ai des angoisses, des crises de colère et des émotions terribles, notamment lorsque mon mari s'approche trop près de moi. Comment oublier mes angoisses et m’épanouir dans ma vie conjugale ?
La réponse de Mme Nathalie Seyman
Vous avez vécu quelque chose de terrible. Pas seulement terrible pour le corps mais aussi pour l’esprit. Même si un événement date d’un certain temps, s’il n’a pas été assimilé correctement par notre psychisme, alors il chargera le corps de nous le faire rappeler. Et c’est probablement ce qu’il vous arrive. Nous allons ensemble comprendre pourquoi et surtout comment dépasser ce traumatisme.
Ce qu’il s’est passé en vous
Quand un enfant subit des attouchements de la part d’un adulte, le drame est que toute la vision de l’enfant s’en trouve changée. L’adulte, et d’autant plus un professeur, est celui qui représente la sécurité, l’exemple, l’autorité… Or dans ce cas-là, l’enfant se voit transformé en objet par cet adulte qui abuse de son pouvoir d’autorité sur lui. L’enfant sait instinctivement que ce qu’il a subi n’est pas normal et par conséquent, toutes ses références s’effondrent, emportant sa confiance en lui et en autrui. Les adultes ne représentent plus la sécurité mais la peur et accepter leur autorité devient à ses yeux une soumission. Par la suite, l’enfant passera par différents sentiments qui, s’ils ne sont pas rapidement pris en charge, ne feront que l’enfermer un peu plus sur lui-même et contre les autres.
- Un sentiment de honte : L’enfant sait que ce qu’il s’est passé n’est pas bien et a l’impression qu’il a fait une bêtise qu’il doit cacher à ses parents. Ce silence l’enferme ainsi dans une prison. C’est alors qu’il risque de somatiser, ce qui veut dire que c’est son corps qui parlera pour lui : cauchemars, mal au ventre, agressivité…
- Un sentiment de culpabilité : Du fait de n’avoir pas pu empêcher ce qu’il a subi, l’enfant se sent coupable : « Je n’ai rien dit alors c’est de ma faute, je me suis laissé faire » ou « S’il m’a fait cela à moi, c’est que j’ai dû faire quelque chose… ». Cette culpabilité pourra le poursuivre jusqu’à sa vie d’adulte et associer le fait de se laisser faire (notamment lors de la vie conjugale) à la position de faiblesse dans laquelle il s’est jadis retrouvé.
- Un sentiment de solitude et d’insécurité : L’enfant ne sait plus à qui faire confiance ni vers qui se tourner. Il essaie d’oublier ce qui lui est arrivé, mais plus il fuit ce traumatisme et plus il se rappellera à lui.
Ce qu’il se passe aujourd’hui en vous
Le traumatisme que vous avez subi s’est inscrit en vous dans ce qu’on appelle la mémoire traumatique. Et le problème de cette mémoire, c’est qu’elle est incontrôlable. C’est une véritable bombe à retardement. Même si vous pensiez avoir mis cette épreuve dans un petit coin de votre tête en attendant qu’elle disparaisse. Cela veut dire que si ce que vous avez subi n’a pas été accepté et compris par votre psychisme, alors le traumatisme pourra se rappeler à vous à n’importe quel moment. Votre corps se rappelle ce que votre esprit s’efforce d’oublier. Or c’est lorsque les deux ne sont plus en harmonie que la somatisation prend place. Car on peut enfouir les souvenirs insupportables mais on ne peut pas, hélas, les oublier. L’inconscient se rappelle à nous et le corps témoigne : insomnies, crises d’angoisse, douleurs chroniques, troubles alimentaires, crises de colère, anxiété… C’est ce qu’il vous arrive.
Mes conseils
- Tout d’abord, ce qu’il faut impérativement savoir, c’est que la façon la plus saine de dépasser ce traumatisme est d’accepter d’affronter la réalité. Plus vous parviendrez à mettre des mots sur ce qui vous est arrivé et ce que vous avez ressenti à ce moment-là, et plus il vous sera possible de retrouver une certaine paix. Car en ne cherchant plus à les enfouir, les mauvais souvenirs ne vous envahiront plus au moindre évènement de la vie quotidienne. Donc mieux un passé est digéré et accepté et plus on réussira à prendre de la distance par rapport à celui-ci et vivre pleinement son présent.
- Autre clé vers la guérison : en parler. Le silence pèse très lourd. La parole désamorce la mémoire traumatique car en mettant des mots à ses maux, on arrive à les rendre plus réels, on comprend mieux ce qu’il s’est passé et ce souvenir parvient à quitter notre mémoire traumatique pour s’intégrer à notre mémoire tout court. Quand on raconte ce qu’il nous est arrivé, on se rend ainsi plus facilement compte que le coupable était l’agresseur et non l’enfant que l’on était.
- Parlez à votre mari. Il ne faut pas qu’il se méprenne sur la raison de vos prises de distance affectives. Les non-dits de cette importance dans un couple peuvent être très néfastes. De plus, s’il vous comprend et vous soutient, vous serez plus à même de le laisser pénétrer votre champ de sécurité. Vous aurez la possibilité de retrouver la sécurité affective que votre agresseur vous a ôtée à un âge où elle était en construction. Pour une raison ou une autre, il se peut que votre mari ne vous comprenne pas ou ne parvienne pas à vous soutenir dans ce combat car nous sommes tous différents et chacun dépend de son histoire personnelle. Mais quoiqu’il en soit, le fait de lui en avoir parlé ne pourra qu’être bénéfique. Il sera ainsi encore plus indispensable de consulter un thérapeute pour avancer.
- Vous avez besoin de soutien. On se sort plus facilement d’une épreuve telle que la vôtre lorsque l’on se sent entouré. Parlez avec vos parents de ce que vous avez ressenti à l’époque mais aussi à d’autres personnes qui ont subi le même traumatisme. Tout ceci pourra vous aider à vous libérer de ce souvenir douloureux.
- Si cela est possible, confrontez-vous à votre agresseur. Que ce soit par le biais de la justice ou personnellement. Le but est que vous sortiez à tout prix de ce statut de victime dans laquelle il vous a enfermé. Vous allez reprendre le contrôle de votre vie et de vos émotions car vous en êtes capable. Vous êtes forte alors que lui, il n’est rien. Vous confronter à lui, avec vos yeux d’adulte, le fera paraître enfin tel qu’il est vraiment dans toute sa petitesse.
L’union entre un homme et sa femme est ce qu’il y a de plus saint aux yeux d’Hachem. Ce que vous avez vécu ne peut en aucun cas y être assimilé même si votre esprit en a fait le raccourci. Il est important de vous le répéter à chaque moment avec votre mari. Vous avez vécu une épreuve très douloureuse et lorsque que vous aurez réussi à dépasser cette souffrance, vous vous rendrez compte que vous aurez acquis une sagesse de vie rare. Et celle-ci vous donnera le pouvoir d’aider les autres, de profiter pleinement des beaux moments de la vie et de connaître les personnes qui sont vraiment présentes pour vous envers et contre tout. Cet homme a tenté de vous renverser, et non seulement il a échoué mais en plus vous allez le dépasser par votre force de vie.
Béhatsla’ha !
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.