Il y a tout juste un an, je perdais mon père. Ma peine et ma douleur étaient si fortes que pendant toute la semaine des Chiva', je restais murée dans le silence… Jusqu’à ce qu’une histoire racontée pendant les Hespedim (discours) vienne me bouleverser à jamais…
Edward Reichman est un Israélien multimillionnaire. Il est aussi un Juif très pieux. Quand la fin de sa vie approche, il remet deux lettres à ses fils : une à ouvrir avant son enterrement et la seconde pour après. Juste après sa mort, ses enfants ouvrent la première enveloppe : “Mes chers enfants, voici ma dernière volonté. Je souhaite absolument être enterré avec une paire de chaussettes aux pieds ! Je compte sur vous”.
Très étonnés mais prêts à tout pour leur père, ils vont consulter un Rav qui leur confirme que malheureusement, cette requête est impossible à respecter, car c’est interdit selon la Halakha (loi juive) ! Ils insistent et proposent même de payer une fortune, mais impossible d'accéder à sa dernière demande ! On enterre ainsi Edward Reichman sans ses chaussettes...
Après l’enterrement, comme promis, les enfants ouvrent la seconde enveloppe et découvrent le dernier message de leur père : “Mes enfants, vous voyez qu’à la fin de la vie, vous ne pourrez emporter avec vous ne serait-ce qu’une simple paire de chaussettes !”.
Avant qu’il ne soit trop tard...
Cette histoire me toucha au plus profond de mon cœur. C’était tellement vrai !
Mon père venait de nous quitter et il n’avait rien emporté avec lui. Aucune voiture, aucune maison, pas même la vieille montre que son père lui avait offerte à sa Bar-Mitsva…
Accablée de tristesse, je ne pouvais plus retenir mes larmes et j’éclatai en sanglots.
Le roi Chlomo dans Kohélet nous enseigne qu’il est préférable de se rendre dans une maison d’endeuillés que d’aller à un festin. Le Ibn Ezra nous explique que c’est parce que nous prenons alors conscience qu’un jour, nous aussi nous partirons, et qu’en réalité nos jours sont comptés…
On entend souvent les gens dire “Je ferai Chabbath quand je serai à la retraite”, “J'étudierai la Torah quand j’aurai plus de temps”, “Je passerai du temps avec mes enfants quand je serai en vacances”...
Mais qui sait quand sa mission sur terre prendra fin ?
Alors la question essentielle qui m’accompagne depuis ces Chiva', c’est surtout : “Quoi faire avec ce temps ?” On a le sentiment de toujours en manquer et parfois, on se trompe dans la façon dont on l’utilise. On peut être amené à penser que travailler à l'extrême pour obtenir une promotion vaut la peine de manquer un événement important à l'école de son enfant, que pour une réunion de travail, il est normal de sacrifier le Chabbath. Ou que pour un salaire plus élevé, on doit accepter de nombreux déplacements, au risque de mettre en péril son couple et sa vie de famille.
Mais comme le dit si bien Rav Benchetrit : “On sait combien notre argent nous rapporte… Mais sait-on ce qu’il nous coûte ?”
Le sens des priorités
Noyée dans mon chagrin, je ne faisais pas attention à mon frère qui vint s'asseoir à côté de moi. Et doucement, il me dit : “Sais-tu ce que papa a dit au Rav la veille de son départ ? Il a dit que happé par la vie et le travail, son seul regret était de ne pas avoir consacré plus de temps à l’étude de la Torah. Mais qu’en même temps, quand il voit combien ses enfants aiment apprendre la Torah et sont respectueux des Mitsvot, il sait qu’il a accompli ce qu’il y avait de plus important dans ce monde. Et que c’est ça qu’il emporte avec lui.”
A nouveau mes larmes coulaient… Mais cette-fois-ci, c’étaient des larmes de joie ! Quelle magnifique leçon d’éducation nous transmettait mon père ! La seule chose qu’on prendra réellement avec nous seront nos bonnes actions (nos Mitsvot). Et c’est dans cela que doit passer mon temps.
Depuis ce moment, je trouve le temps pour ce qui compte vraiment : je prends quelques heures par semaine pour étudier nos si beaux textes, je fais du bénévolat et j’appelle ma famille tous les jours (même quelques petites minutes) pour leur dire combien je les aime.
A chaque fois que j’ai une inquiétude au sujet de mon travail ou de l’argent, je pense à la phrase du Ba'al Chem Tov : “L’argent, si tu n’en as pas maintenant, tu en auras plus tard. Mais le temps, si tu n’en as pas maintenant, tu n’en auras jamais.”
Mesdames, vous qui avez encore ce temps (que je n’ai déjà plus avec mon cher papa…), ne remettez rien au lendemain ! Allez sans tarder dire à vos proches combien vous les aimez et profitez de ces précieuses minutes que Hachem nous donne en cadeau pour accumuler les véritables richesses de ce monde, celles qui vous accompagneront pour l’éternité…