Armée de patience pour affronter ce grand jour, je me souviens des mots de Hanna.
Contrairement à ce que tu crois, le jour de ta ‘Houppa n’est pas le plus beau jour de ta vie ! Si c’était le cas, tu n’aurais plus rien à attendre de l’avenir ! Or, chaque jour est un cadeau du Ciel, un cadeau précieux que l’on doit savoir apprécier à chaque instant de la vie…
Maquillée et parée de ma belle robe blanche perlée, je rentre dans la voiture avec mes parents. Ma mère est très nerveuse : Ils ont prévu de la pluie aujourd’hui ! Si c’est le cas, cela sera vraiment une catastrophe. Nous avons tellement investi d’argent et d’énergie pour cette fête…
Je la regardais et je me taisais. Malgré toute la reconnaissance que j’avais pour eux et pour l’investissement dont ils avaient fait preuve, je ne portais pas le même regard sur les choses. Peu importe la pluie ou le beau temps, j’étais heureuse de me marier et ma joie ne dépendrait pas de la météo ! Je souhaitais surtout que tout se passe de la façon la plus pure que possible, dans la paix, la sérénité, et la sainteté.
J’arrivais avec mes parents à la synagogue de la rue des Tournelles. Le photographe me demande de sourire : “Après ton mariage, il ne te restera plus que les photos !”, me dit-il.
Comment ça il ne me restera plus que les photos ! Il me restera bien plus que les photos : il me restera un mari !
Lorsque la musique démarrait, je me mis en marche vers la ’Houppa, accompagnée de mes deux parents. J’apercevais les sourires des amis et des familles venus se réjouir pour nous. Quelle émotion, quelle chance ! J’avançais doucement, et lorsque j’arrivais au pied du dais nuptial, Benjamin vint me chercher et me mit le voile. Le rabbin expliqua chacune des étapes.
D’où vient la coutume de ce voile ? La Torah relate qu’après avoir reçu les Tables de la loi, le visage de Moïse était si brillant de sainteté que personne ne pouvait en soutenir l’éclat. Il devait donc porter un voile chaque fois qu’il s’adressait au peuple pour atténuer cette lumière Divine. A ce moment présent, où les mariés s’unissent pour ne plus faire qu’un, leurs âmes connaissent une élévation incommensurable. La Chekhina (présence Divine) brille plus spécialement sur le visage de la Kala… Cette lumière est si intense qu’elle a besoin d’intimité, elle doit être voilée, tout comme celle qui émanait du visage de Moïse.
Après la cérémonie des sept bénédictions de la ’Houppa, le Rabbin demande à Benjamin de casser le verre.
Pourquoi casser un verre ? En souvenir de Jérusalem, qui n’a pas été encore reconstruite.
Pourtant, nous y avons été l’été dernier : cette ville ne cesse de se construire et de s’étendre magnifiquement !
Ce que cela vient symboliser est la chose suivante : nous allons affronter des épreuves, tel ce verre brisé. Mais nous allons aussi bâtir un foyer juif dans l’esprit de la Torah, et, ainsi, contribuer à construire Jérusalem de façon spirituelle, la protéger, et l’embellir. Par ce biais, nous mériterons de voir vraiment Jérusalem reconstruite.
Après la brisure de verre et les Mazal Tov qui fusent, nos amis et nos familles vinrent nous embrasser et nous demander des bénédictions. Benjamin s’étonne : “Moi, donner des bénédictions ? Mais je ne suis pas Baba Salé !”
Le rabbin lui explique :
“Aujourd’hui tu renais : tu es comme un enfant tout juste sorti du ventre de sa mère, tu es dénué de toute faute. Par ce mérite, tu as une grande sainteté qui permet à tous tes voeux d’être exaucés. Donc bénis les autres et prie pour toi et Emma, et vos enfants à venir. On dit d’ailleurs que leurs âmes se trouvent là avec vous sous la ‘Houppa, avec ceux de tes ancêtres, jusqu’aux dix générations précédentes. Profite de leur présence et de celle d’Hachem pour emmagasiner un maximum de bénédictions.”
Une fois l’émotion de la cérémonie passée, nous nous sommes mis en mouvement pour la salle de fête. J’arrivais donc, et je constatais que la décoratrice avait pris des “initiatives” : des nappes fuchsia au lieu du gris perlé dont nous avions convenu… c’était vraiment de très mauvais goût ! Mais peu m’importe, car, même si la couleur des nappes n’était pas à mon goût, mon mari au moins l’était, et c’est l’essentiel !
Les premières danses, chacun de son côté de la Mé’hitsa, étaient remplies de joie. Je m’amusais comme une petite fille que les amies faisaient tourbillonner dans tous les sens ! Je voulais parfois me reposer, mais elles ne me laissaient pas de répit ! De l’autre côté de la barrière, j’aperçus Benjamin se faisant sauter comme une crêpe sur une nappe fuchsia ! “Faites bien attention à lui !”, dis-je à ses amis, un peu inquiète.
Après les premières danses, comme prévu, mes parents ont retiré la Mé’hitsa… plus par peur du qu’en dira-t-on que par conviction. En effet, eux aussi s’étaient beaucoup amusés et avaient profité de la bonne ambiance. A ce moment-là, l’ambiance changea du tout au tout. Musique rock, les gens se sont précipités sur la piste pour danser les uns avec les autres et nous ont un peu oublié… Ce n’est pas bien grave, car Benjamin et moi n’avions pas la tête à danser au milieu de ce tumulte.
Nous allons saluer les invités à chaque table et les remercions d’être présents ce soir. Lorsque nous sommes arrivés à la table des religieux (vous savez, celle un peu éloignée de la piste où l’on s’assoit de façon à ce que chaque femme soit entre son mari et une autre femme !).
- Alors; vous ne dansez pas les mariés ? Que se passe-t-il ?
- On préfère se reposer un peu…, dit-on le regard un peu gêné.
Ni une, ni deux, Hanna et son mari prennent les devants : toute la table se lève, et, de chaque côté des danses mixtes, remettent une Mé’hitsa. Elle me prend par la main, et appelle toutes mes amies à venir continuer à me faire la fête ! Elles se joignent toutes à moi, et, de nouveau, je ressens une véritable Sim’ha ! Ma grand-mère se joint à nous : “Quelle ambiance me dit-elle, j’ai l’impression de retrouver ma jeunesse !” Même ma mère abandonne ses invités pour venir danser avec nous !
Par principe, mon père refusait à rejoindre le cercle qui entourait Benjamin, mais peu m’importe : la joie débridée qui me pénétrait à ce moment était indescriptible. Bien que séparée de Benjamin, je sentais tout son être danser et sauter, et cela me réjouit jusqu’à la fin de la fête.
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