L’un des dilemmes les plus douloureux dans la communauté juive aujourd’hui est celui de la population sans cesse croissante des célibataires.
Il existe de nombreux organismes (y compris notre propre Hinéni), des comités sponsorisé par les communautés, et des clubs de rencontre où des femmes bien-intentionnées se rencontrent et créent des réseaux pour mettre en place des Chiddoukhim, des rencontres en vue du mariage. Malheureusement, le dilemme demeure, ce qui nous indique qu’il faut davantage s’impliquer dans ce domaine.
Ceci dit, je pense qu’il vaudrait la peine d’examiner le revers de la médaille et de déterminer s’il existe des problèmes dans le monde des célibataires qui exacerbent la situation, et si les célibataires eux-mêmes, même sans le vouloir, contribuent à cette crise.
Pour avoir été en contact pendant de longues années avec des célibataires, j’ai eu, grâce à D.ieu, le privilège d’organiser beaucoup de rencontres ayant abouti au mariage. Mais j’ai également rencontré de nombreuses situations affligeantes. Je connais malheureusement d’innombrables célibataires venus à Hinéni il y a environ trente ans à la recherche de leur âme sœur, qui ont aujourd’hui la cinquantaine ou soixantaine, et qui sont tragiquement toujours à la recherche d’un conjoint.
Permettez-moi de préciser que je leur ai présenté de nombreux candidats potentiels, mais pour une raison ou une autre, cela n’a pas marché. Il y avait toujours une excuse - la plus facile, bien entendu, étant de prétendre : « Il/elle est très sympathique, mais je ne pense pas qu’il/elle soit pour moi. »
Il y a évidemment des cas où une telle réponse est légitime, lorsqu’il n’y a aucun rapport entre les candidats. Néanmoins, certains poursuivent un rêve irréaliste. Ils rejettent des opportunités de rencontres, et, des années plus tard, ils le regrettent. De nombreux célibataires m’ont confié avoir réalisé qu’ils avaient commis de grosses erreurs.
Mais malgré cette prise de conscience, ils poursuivent sur cette voie irréaliste, à la recherche d’une « image », manquant de réaliser qu’ils poursuivent une illusion. Pour s’en assurer, lorsqu’on les met au défi, ils répondront qu’ils n’ont que des requêtes très modestes, « juste quelqu’un de bien », mais lorsque je les interroge plus dans le détail, il apparaît rapidement que « juste quelqu’un de bien » n’est qu’une petite partie de l’équation. De nombreuses autres considérations entrent en jeu : l’allure, l’argent, etc.
Parfois, il m’est arrivé de mettre au défi certains de ces candidats au Chiddoukh. Je leur ai dit : « Regardez-vous dans le miroir et demandez-vous franchement : "Est-ce que je voudrais rencontrer quelqu’un comme moi ?" »
Je me rappelle d’un homme obèse qui ne voulait rencontrer qu’une fille mince. « Pardonnez-moi, lui dis-je. Je ne veux pas vous blesser, mais en suivant cette logique, pourquoi une fille mince vous voudrait-elle, vous ? » Malheureusement, de telles situations ne sont pas des incidents isolés. Très souvent, les célibataires n’ont pas d’attentes réalistes. Ils « rêvent en couleur » quelque chose qui n’existe pas.
Il y a bien entendu de nombreux autres facteurs jouant contre la réussite de ces Chiddoukhim. Avec le passage du temps, ils sont nombreux à apprécier leur confort et à développer une phobie de l’engagement. C’est particulièrement vrai parmi les hommes, bien que les jeunes filles puissent également en souffrir. Personne ne l’avouera - ils pensent sincèrement vouloir se marier (et personne ne doute qu’ils le souhaitent), mais ils ne peuvent se résoudre à faire le pas, alors ils multiplient les rencontres, et les années passent.
Aujourd’hui, un Chadkhan qui réussit doit non seulement être un marieur, mais très souvent, assumer aussi le rôle de « conseiller de vie » qui doit encourager, convaincre, et aider le candidat au mariage à surmonter les doutes et craintes entretenus par de nombreux célibataires (souvent sans s’en rendre compte).
Être un « coach de vie » est une tâche considérable, nécessitant une grande patience, de la persévérance, de la sensibilité, et du souci pour les autres, des qualités pas si fréquentes dans notre monde indifférent et hédoniste.
Les célibataires ont l’obligation de s’examiner et de déterminer s’ils font leur Hichtadlout, dévouant leurs meilleures énergies pour que la rencontre ait lieu. L’une des difficultés les plus répandues que j’ai rencontrées dans mes relations avec les célibataires est leur manque de réalisme.
Les célibataires se forment souvent une certaine image de l’homme ou de la femme qu’ils veulent épouser. Malgré le passage du temps, l’image ne bouge pas. Ils désirent toujours « la fille » ou « le garçon » qu’ils avaient à l’esprit des années plus tôt, et ils refusent de faire des compromis. Ceux qui éprouvent ces sentiments les rejetteront rapidement et objecteront qu’ils sont prêts à trouver des compromis, mais qu’ils n’ont tout simplement pas encore trouvé la bonne personne.
J’ai rencontré des hommes de soixante ans qui ne veulent que des jeunes femmes en âge d’avoir des enfants. Ils ne sont pas intéressés à « prendre des risques » avec des femmes plus âgées qui devraient peut-être avoir recours à des traitements médicaux pour pouvoir enfanter. « C’est trop aléatoire », affirment-ils, et ils refusent de faire des compromis. Il est vrai que des hommes qui ont réussi (entendez : aisés) trouveront certainement de jeunes candidates. D’autres, qui observent ce phénomène, se disent : « Si untel a pu trouver une femme jeune, pourquoi pas moi ? »
Les femmes peuvent elles aussi se montrer difficiles, bien que, par nature, elles désirent construire leur nid, anxieuses de se marier et aspirant à tenir un bébé dans leurs bras. Mais elles peuvent également se montrer réticentes à faire des compromis dans leur recherche du « candidat parfait » qu’elle s’étaient mis en tête des années plus tôt lorsqu’elles commencèrent leurs recherches en vue du mariage.
Une clarification est nécessaire à ce stade. Je ne suggère pas qu’il faut épouser quelqu’un qui ne nous attire pas. Je recommande toutefois aux célibataires d’être plus réalistes et d’apprendre à passer à autre chose.
Il va de soi que je me suis exprimée en termes généraux. Je me rends compte qu’il y a de nombreuses exceptions qui n’entrent pas dans ce moule. Mais cette attitude est tout de même largement répandue. Tout en écrivant ces lignes, je réalise que mes propos soulèveront de vives protestations auprès de ceux qui renient la validité de cette analyse. Ils ne peuvent reconnaître cette réalité : bien qu’ils désirent se marier, ils vivent dans le passé, s’attachant à des visions désormais irréalistes, et refusant de passer à la suite.
À suivre…