La Rabbanite Mazal Amar est l’épouse du Richon Létsion et Grand-Rabbin de Jérusalem, le Gaon Rav Chlomo Moché Amar. C’est dans une joyeuse ambiance qu’elle nous raconte sa vie aux côtés du Rav, l'éducation de ses enfants et aussi ce qu’elle pense sur la carrière des femmes religieuses.
Derrière tout érudit en Torah se tient une femme forte qui est capable de gérer entièrement sa maison pour permettre à son mari d’étudier avec assiduité.
La Rabbanite Mazal Amar est une de ces épouses qui donnent la possibilité à leur mari d’étudier avec dévouement, lui permettant également de remplir sa fonction pour le peuple d’Israël. Parallèlement à cela, elle élève ses douze enfants de façon à ce que chacun d’entre eux se sente un enfant unique.
Pour la première fois, elle raconte sa vie aux côtés du Richon Letsion et nouveau Grand-Rabbin de Jérusalem.
Une femme qui aspire à fonder une maison de Torah doit-elle sacrifier sa vie au profit de son mari ?
La Torah nous a définis le rôle de la femme, ‘Ezer Kénégdo (une aide en face de lui). Avant qu’Adam et Eve ne soient chassés du Gan Eden, ils n’avaient pas besoin de laver, cuisiner, de s’occuper des besoins existentiels comme nous le faisons de nos jours. À cette époque la femme était définie comme une aide car elle perfectionnait la personnalité de l’homme selon les besoins.
Et à l’époque les influences extérieures étaient différentes. Au fil du temps les besoins ont évolué pour s’adapter à la génération. Il fut un temps où la place de la femme était uniquement à la maison, ce qui n’est plus le cas de nos jours. Malheureusement l’obligation pour une femme, dont le mari étudie la Torah, d’aller travailler pour subvenir aux besoins de sa famille, a pris un sens erroné.
La confiance absolue, qu’Hachem "nourrit et pourvoit a tout un chacun" et que "les besoins de l’homme sont déjà déterminés" a disparu auprès de nombreuses personnes.
L’effort personnel pour la Parnassa doit se limiter au stade de l’effort uniquement et non pas se dire "je suis l’unique source de revenus de cette maison".
Une maison de Torah signifie se contenter de peu. Comment cela se concrétise dans la vie de la Rabbanite ?
Et bien justement, j’en parlais récemment avec mon mari. Nous habitions une maison dans laquelle nous vivions dans des conditions très restreintes. Je ne travaillais pas, je m’occupais d’élever mes enfants. Malgré cela je n’ai jamais ressenti un manque quelconque.
Il nous suffit de faire l’effort de chercher à subvenir aux besoins de notre famille et Hachem s’occupera de combler nos manques. Concrètement, c’est notre choix qui exprime notre confiance en Hachem. Nous ne devons pas penser "je suis la seule responsable de ma vie" mais qu’il y a Quelqu’un qui me dirige.
Comment ressentez-vous le fait de partager la vie d’un Talmid ‘Hakham (érudit en Torah) ?
Quand je me suis mariée, je ne cherchais pas à épouser un Talmid ‘Hakham. J’ai prié pour me marier à un homme craignant véritablement Hachem et possédant de bonnes qualités. Je ne pensais pas me marier au Rav de la ville ou au Grand-Rabbin d’Israël, mais à un homme qui sert Hachem sincèrement. Les fonctions qui ont été attribuées à mon mari reflètent son assiduité et sa ‘Avodat Hachem.
Chacun peut se servir de ses fonctions pour bénéficier du pouvoir et des honneurs, mais aussi à l’inverse, comme nous l’enseigne Moché Rabbénou "ce n’est pas un honneur mais une servitude". Il faut toujours se demander pourquoi Hachem nous a mis à cette place ? Que fait-on réellement pour Lui ?
À quel point vous a-t-il été difficile de concilier l’éducation de vos enfants avec la réussite de votre carrière professionnelle tout en vous tenant aux côtés de votre mari ?
Mon mari était Avrekh (étudiant en Torah) et moi j’étais enseignante. Lorsque je travaillais c’était la course contre la montre, j’essayais de jongler entre envoyer les enfants à l’école, m’occuper du ménage, préparer les cours et cuisiner.
Au cours des premières années, lorsque l’un de mes enfants est tombé malade, j’ai demandé à mon mari de l’emmener chez le médecin, il m’a répondu : "Je suis désolé mais je ne peux pas. Si j’étais employé dans une banque et que mon employeur aurait refusé de me laisser sortir, m’aurais-tu demandé de l’emmener chez le docteur ?"
À ce moment-là, je me suis sentie brisée ! Je lui ai dit : "Je ne me sens plus épanouie, ni dans mon travail, ni dans ma maison, je n’arrive pas à concilier les deux." J’étais dans une grande détresse. Et mon mari m’a répondu simplement : "Où est le problème ? Arrête de travailler !"
Je lui demandai : ''De quoi va-t-on vivre ?" Il fut très étonné par ma question et il me dit : "Celui qui nous a nourris jusqu’à présent continuera à le faire à l’avenir. Ton travail, c’est d’élever les enfants à la maison. C’est le plus important."
À partir de ce moment-là, j’ai décidé d’être une maman à temps complet.
Vous n’avez pas ressenti de l’amertume lorsque vous avez fait ce choix ?
Amertume n’est pas le mot. Au contraire, j’ai ressenti une grande satisfaction. Car c’était véritablement le choix qui s’imposait. J’ai placé entièrement ma confiance en Hachem pour remplir mon rôle d’élever mes enfants.
Actuellement dans le monde orthodoxe, il y a une fausse interprétation de la notion de "faire carrière" et "d’ascension sociale", ce qui cause l’abandon des vraies valeurs. Il n’y pas de mal à travailler pour subvenir aux besoins de sa famille, mais à partir du moment où la carrière devient prioritaire ça devient un véritable problème.
Même après 11 ans en tant que mère au foyer, lorsqu’on me disait : "Dommage Mazal tu aurais pu faire une excellente carrière…", cela ne me dérangeait absolument pas car je me sentais en accord avec moi-même.
Bien des années après, on m’a proposé de fonder un séminaire et comme les enfants étaient déjà grands, je suis retournée dans le monde de l’enseignement sans pour autant délaisser ma maison. Ces années m’ont bien confirmé ce que je pensais : s’occuper de sa maison n’empêche pas l’épanouissement personnel. J’ai le mérite de me tenir auprès d’un homme qui travaille sur ses traits de caractères de façon extraordinaire et c’est un véritable exemple pour moi.
Comment réussissez-vous à gérer une maison ouverte au public tout en gardant la chaleur du foyer familial ?
Là aussi intervient la notion de ‘Ezer (aide). Mon rôle en tant qu’épouse est de pallier à ses besoins en tant qu’homme public. Je m’efforce de remplir cette fonction au mieux : répondre au téléphone, recevoir les gens, filtrer ce qui est superflu et empêcher toute perte de temps dans l’étude de la Torah. D’un côté mon rôle est de protéger et de l’autre de l’aider à agir pour le public, et je dois faire cela de la meilleure manière possible.
Il est important pour moi de préserver la chaleur de mon foyer de manière à ce que chacun de mes enfants se sente comme s’il était unique tout en conciliant le fait que ma maison soit ouverte au public. Gardons bien à l’esprit que notre devoir est de savoir faire face aux difficultés, que le but de notre vie est l’accomplissement de la Torah et surmonter les épreuves.
Je me demande toujours qu’est ce que Hachem attend de moi, et ainsi je m’efforce d’agir avec un grand amour d’Hachem et du peuple d’Israël.
Source : Mama