Nous sommes en plein mois d'Eloul à l’approche des fêtes, les jours nommés « redoutables » par nos Sages.
Selon notre tradition, l’humanité, collectivement et individuellement, est jugée par l’Éternel en ces jours là ; c’est pourquoi le Klal Israël s’affaire à l’introspection et à la Téchouva pendant toute cette période.
Cependant, nos Maîtres nous mettent en garde sur la manière de nous y prendre quand nous analysons nos actions et notre passé, car on risque, au lieu d’améliorer notre conduite, de s’embourber et de s’enfoncer plus profondément dans nos échecs, comme nous allons l’expliquer.
Pour cela, nous allons rapporter l’interprétation du Rav Yossefi - conférencier bien connu du public israélien - sur un texte magnifique du Talmud (Brakhot 3a) :
« Rabbi Yossi raconte : j’étais une fois en chemin et je suis rentré dans la ruine d’une des maisons détruites de Jérusalem (après la destruction du Temple et de la ville) afin d’y prier. Entre temps, est arrivé Eliyahou (le prophète) de mémoire bénie et m’a attendu au seuil de cette bâtisse jusqu'à ce que je finisse ma prière.
Lorsque j’ai terminé, il m’a adressé un “Chalom” et je le lui ai rendu. Il m’a alors questionné : “Pour quelle raison es-tu rentré dans cette ruine ?”
(En effet, comme le texte le ramène plus tard, on doit éviter de s’y rendre pour 3 raisons. La première, pour ne pas éveiller de soupçons qu’on y rencontrerait une femme de mauvaise vie. La deuxième, il peut toujours y avoir dans une ruine un risque d’éboulement qui peut mettre la vie de celui qui y pénètre en danger. Et enfin, à cause des mauvais esprits qui y résident.)
Je lui ai répondu : “J’y suis entré afin de prier.” Ma réponse ne le satisfit pas et il me dit : “Tu aurais dû prier en chemin (et ne pas entrer dans un endroit dangereux).” Je me justifiai en argumentant : “Je craignais d’être dérangé par des passants.” À cela, il m’a enseigné que, dans un cas pareil, j’aurais dû prier une prière écourtée qui n’aurait pas pris beaucoup de temps. »
Le Rav Yossefi interprète ainsi le texte :
Rabbi Yossi voulait s’approcher de D.ieu (la prière étant la communion entre le fidèle et son Créateur), c’est pourquoi il est entré dans “une ruine”, qui représente ce qu’on aurait détruit par ses actes et ses pensées dans le passé. Il est donc dans une attitude d’introspection où il fouille dans ce qu’il aurait démoli, les ruines de son passé, en quelque sorte.
Mais il y a trois dangers à cette attitude de retour sur soi :
- En s’isolant dans son passé, on peut arriver à soupçonner son entourage d’être son ennemi, car, embourbé dans son introspection, on croit voir dans son prochain celui qui essaye de le freiner dans sa démarche. C’est presque une pathologie.
- Il risque de provoquer encore plus de dégâts, lorsqu’il se rend compte qu’il n’arrive pas à rebâtir ce qu’il a démoli.
- Les mauvais esprits sont présents dans ces ruines, ils s’appellent la tristesse, l’abattement et la dépression.
Pourquoi cette démarche est-elle fausse ? Car celui qui décide de se déconnecter, de se détacher du monde pour se concentrer sur ce qu’il a détruit, sans projection vers un avenir constructif, est voué à l’échec.
Eliyahou Hanavi qui va, à la fin des temps, annoncer la Délivrance, refuse de pénétrer dans cet endroit dangereux, car on risque d’y rester cloîtré. Il propose à Rabbi Yossi de prier en chemin, même au prix d’être dérangé par les passants et d’effectuer une prière courte, car le chemin, à l’opposé de la ruine, représente un élan, une dynamique, un engagement vers une construction positive. Il indique qu’il faut continuer à vivre en société et non pas en solitaire, même si cela peut freiner nos ambitions spirituelles “très élevées”.
Le message de Rav Yossefi est clair : la Téchouva est admirable quand elle est vécue dans la normalité, en se donnant des objectifs réalisables, qui permettent de progresser sereinement et sûrement.
Il faut absolument éviter de plonger dans les “égouts” du passé, en mortifiant sa conscience et en ruminant les dégâts que l’on aurait occasionnés. Car cette attitude est celle du Yétser Hara’ (mauvais penchant), qui utilise notre inclination naturelle au regret pour nous détruire.
Le Rav Na’hman de Breslev (“Likouté Moharan”) écrit qu’il ne peut y avoir de retour qu’en état de Sim’ha, la joie étant l’expression d’une confiance véritable et totale en D.ieu et en Sa bonté infinie.