Dans la première des Bénédictions du matin, on remercie le Créateur de donner au coq « l’intelligence de savoir distinguer entre le jour et la nuit ». La première bénédiction que l’on récite à l’issue du Chabbath est la « Havdalah » dont le but est de marquer la distinction entre le Chabbath et les jours de semaine. Il est très important de relever et d’approfondir cet aspect de la création : la distinction ou plutôt l’opposition entre le positif et le négatif.
On connaît la conception du manichéisme selon laquelle deux forces antagonistes – le Bien et le Mal – dirigent le monde et s’opposent constamment. Certes, cette conception s’oppose à la doctrine de la Torah, mais il faut comprendre, cependant, le sens et le but de la négativité. Dans son livre « Emounah Ou-Bita’hon », le ‘Hazon Ich écrit, à deux reprises, que le Créateur ressemble à un Ingénieur géant qui a écarté tous les obstacles afin de construire un monde parfait. Le problème qui nous concerne est de comprendre ce que signifie l’expression « a écarté tous les obstacles ». Pourquoi était-il nécessaire de souligner qu’il y avait des obstacles, et que le Tout-Puissant les a retirés ? Cela signifie évidemment que Celui qui a retiré les obstacles les avait aussi évoqués. Nous comprenons donc que l’existence d’obstacles est nécessaire puisqu’il faut les retirer pour que la création soit parfaite. Ces obstacles sont la nécessité de la négativité, c’est-à-dire que pour construire un monde parfait, il faut nécessairement supprimer les difficultés. Mais l’existence de ces obstacles nous interroge. Il importe, en effet, de comprendre les nombreux versets des Tehillim qui parlent constamment de la disparition du mal. L’avant-dernier chapitre (Psaumes 149) souligne, avec force, la nécessité de lier les méchants avec des chaînes, de les attacher avec des liens très très puissants. Pour pouvoir arriver au dernier chapitre des Tehillim (le Psaume 150) – qui est un hymne final de louange, il fallait éliminer au préalable les méchants. La disparition du mal est nécessaire, pour arriver au salut de la Rédemption. La négativité doit, bien sûr, être éliminée, mais elle est une potentialité nécessaire de la création, pour deux raisons différentes. D’abord, elle est nécessaire pour qu’il soit possible de distinguer le bien du mal, c’est-à-dire d’utiliser notre liberté à bon escient, de séparer le bien et le mal, de distinguer le bon grain de l’ivraie. En second lieu, essentiellement, la négativité renforce la valeur du « positif ». Elle souligne les défauts, permet de mieux voir la différence entre le bien et le mal. Elle est une arme essentielle pour construire une action positive. Elle est certes un danger, mais le but de la Torah est d’élever l’homme. Les épreuves renforcent le fidèle dans sa foi. Le terme « nissayon » (épreuve) est basé sur une racine (« nèss ») qui exprime une élévation. « J’ai créé, dit l’Eternel, le mauvais penchant, mais Je lui ai donné un antidote : la Torah », ainsi s’expriment les sages pour expliquer la nécessité de l’existence du mal. Il ne faut pas se laisser abattre par les obstacles, mais rester ferme dans la foi que le monde a été créé pour permettre de s’élever dans la spiritualité, et de voir la grandeur et l’infinie bonté du Créateur.