Je remarque le nombre d’amis que les gens ont sur Facebook et je suis embarrassé. Je ne me compare pas à des célébrités qui ont certainement des millions d’amis dans leur cercle intime. Je parle de gens moyens comme moi qui ont accumulé des amis par dizaines de milliers et semblent constamment étendre leur réseau de relations privilégiées.
Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Ceux que je considère comme de véritables amis sont une petite dizaine. En cependant, je suis un personnage public qui a beaucoup de connaissances.
Ça me perturbait beaucoup jusqu’à ce qu’enfin, je trouve la solution.
Je n’ai pas moins d’amis que les autres. Mais c’est juste que je refuse d’autoriser le terme « ami » à être déprécié par l’inflation verbale. Je ne souhaite pas qu’une description réservée normalement aux plus proches relations soit gaspillée sur des connaissances qui n’ont pas la moindre idée de mes sources de joie ou de peine.
Pour moi, l’inflation verbale est aussi grave que son homonyme financier. Cela dégrade la valeur de nos mots, tout comme son pendant monétaire diminue la valeur de notre monnaie. Je me rappelle de l’époque où le dollar valait quelque chose. Et avant l’invention de Facebook, je me souviens qu’un ami valait plus qu’une connaissance dont je connais l’adresse e-mail.
Joseph Zabara, le poète et médecin hébraïque du 13ème siècle l’a formulé de manière mémorable : « L’amitié est un cœur dans deux corps. »
Une véritable amitié est un cadeau de D.ieu qui nous a dit dans la Torah : « Il n’est pas bon pour l’homme de vivre seul. » Nous avons besoin de nourriture pour vivre, mais avons besoin d’amis pour donner un sens à notre vie. Et les amis, d’après Maïmonide, doivent manifester leur engagement afin de mériter ce titre de noblesse.
Commentant ces propos célèbres de l’Ethique des Pères : « Acquérez un ami » (1:6), Maïmonide explique que l’amitié digne de ce nom est une expérience en trois volets. Un ami doit tout d’abord être un « ami prêt à aider. » Il doit être quelqu’un sur qui on peut compter, préférablement sans même lui demander son aide.
Puis, il doit être un « ami pour la conversation. » Les amis doivent se sentir libres de communiquer leurs pensées les plus profondes, même si elles peuvent sembler inappropriées aux autres.
Enfin, un ami doit être un « un ami dans la manière de voir les choses. » Ils doivent partager la même vision, les mêmes buts et valeurs.
Difficile à trouver ? Bien entendu. C’est pourquoi les véritables amis sont rares. Et je trouve offensant que ce terme soit employé de façon aussi inconsidérée.
Si je les décris comme des amis, quel terme dois-je employer pour ceux qui sont très proches de moi ?
J’ouvre ma boîte d’e-mail sur Google et je trouve invariablement des invitations d’inconnus qui m’invitent à rejoindre leur cercle d’amis. Je les connais à peine. S’il s’agissait uniquement de connaissances, je n’aurais aucun problème à accepter. Mais si je les décris comme « amis », quel terme employer pour ceux qui sont plus proches de moi que ma famille ?
Je ne suis plus un jeune homme. J’ai vécu beaucoup de choses dans la vie. J’ai eu des moments de grandes réalisations. C’est alors que j’ai réalisé la vérité de la remarque d’Oscar Wilde : « Il faut une nature très délicate pour sympathiser avec le succès d’un ami », et seuls les véritables amis ont réellement participé à mes joies.
Aujourd’hui, je traverse une période assez difficile. Avec l’âge, des questions de santé et de survie se posent. Les connaissances font tout ce qu’il faut. Elles veulent mon bien et je sais que c’est sincère. Mais j’ai aussi des amis qui non seulement font preuve de sollicitude envers mes soucis, mais les partagent également. Et ça fait toute la différence.
Je sais désormais que chaque ami véritable est un miracle. Les miracles doivent être chéris. Les miracles ne doivent pas être attendus de manière naturelle, comme si on devait y avoir automatiquement droit. Les amis de Facebook se comptent peut-être par milliers, mais ce ne sont pas eux qui comptent vraiment. Ma liste est bien plus courte, mais bien plus significative.
Et une dernière remarque : je remercie D.ieu pour chaque ami authentique, car je réalise qu’en avoir même un seul a rempli ma vie de bénédictions.
Rabbi Benjamin Blech / Aish