Il y a deux ans, une merveilleuse jeune personne que je connais a commencé à sombrer. Bien qu'elle ne pût le voir ou l'admettre à l'époque, l'alcool entravait et sabotait sérieusement sa vie. Quelques-uns de ses amis très proches et moi nous sommes coordonnés pour la défier dans le but de l’aider. Avance rapide jusqu'à cette semaine – ces amis et moi avons assisté à une réunion ouverte des Alcooliques Anonymes pour célébrer l’obtention de sa médaille, reconnaissant deux ans d'abstinence.
J'ai déjà eu le privilège d'assister à des réunions pour célébrer des jalons de sobriété, et à chaque fois, je suis reparti extrêmement fier du "vainqueur", reconnaissant et ému, mais surtout, infiniment enthousiaste. Je ne connais pas un endroit regroupant des personnes plus fragiles, authentiques, pures et plus unies dans leurs efforts pour lutter contre une pulsion et une inclinaison autodestructrices. Les membres des Alcooliques Anonymes font partie d'un groupe particulier, un groupe uni par un combat commun. Ils sont liés les uns aux autres d'une manière telle que personne d'autre dans leur vie ne le peut. La loyauté, la proximité et les démonstrations extraordinaires de soutien sont quelque chose de vraiment spécial. Des hommes et des femmes, jeunes et vieux, assistaient à la réunion, certains semblant conventionnels et au look net, certains arborant des tatouages et des piercings, tous se soutenant mutuellement pour combattre un ennemi commun.
Certaines parties de la réunion des Alcooliques Anonymes sont cohérentes et identiques, tandis que d'autres changent et vacillent. Cette réunion particulière s'est concentrée sur la troisième étape du rétablissement – "Nous avons pris la décision de confier notre volonté et notre vie aux soins de D.ieu, tel que nous Le concevions."
En réfléchissant à cette étape, le Rav Dr. Abraham J. Twerski zal écrit : L'expression "D.ieu, tel que nous Le concevions" a été une source de confusion. Il visait à éviter toute référence à la divinité de toute religion. Le Juif devrait dire : "Nous avons pris la décision de confier notre volonté et notre vie aux soins d’Hachem". Cette étape exprime deux concepts de la Torah : 1. "Annihile ta volonté devant Sa volonté" (Éthique des Pères 2,4), et 2. "Décharge-toi sur D.ieu de ton fardeau, Il prendra soin de toi" (Téhilim 55,23). Moché Rabbénou nous avertit de ne pas supposer que nous contrôlons notre destin : "Et tu diras en ton cœur : « C'est ma propre force, c'est le pouvoir de mon bras, qui m'a valu cette richesse. » Non ! C'est de l'Éternel, ton D.ieu, que tu dois te souvenir, car c'est Lui qui t'aura donné le moyen d'arriver à cette prospérité" (Dévarim 8,17).
Au cœur du rétablissement se trouvent l'acceptation et la soumission à D.ieu, une reconnaissance que nous ne pouvons pas faire par nous-mêmes, comme quoi nous comptons sur Hachem et que nous ne pouvons trouver la force d'endurer et de persévérer que si nous nous attachons à Lui. Au cœur de la réunion, les participants ont l'occasion de partager. J'ai été époustouflé par la perspicacité, la profondeur et la sincérité de ceux qui ont ouvert leur cœur.
Un jeune homme, relativement nouveau dans le domaine de convalescence, a expliqué qu'il avait toujours considéré la religion, D.ieu et la prière comme quelque chose pour les faibles, pour ceux qui ont besoin d'une assistance et ne peuvent rien faire seuls. Chaque fois qu'il trébuchait, chaque fois qu'il tombait, il continuait à choisir la peur plutôt que la foi. Ce n'est que lorsqu'il a touché le fond qu'il a réalisé que s'abandonner et se soumettre à D.ieu est un signe de force, pas de faiblesse. Il a commencé à prier quotidiennement, et, bien qu'il ait été athée toute sa vie, il se rend compte maintenant que la seule façon de trouver la force de rester sobre est de choisir D.ieu.
Je me suis souvenu de l'histoire d'une jeune fille et de son père qui marchaient le long d'un chemin forestier. À un moment donné, ils sont tombés sur une grosse branche d'arbre. La fille a demandé à son père : "Si j'essaie, penses-tu que je pourrais déplacer cette branche ?". Son père a répondu : "Je suis sûr que tu le peux si tu utilises toutes tes forces." La fille a fait de son mieux pour soulever ou pousser la branche, mais elle n'était pas assez forte. Elle dit avec déception : "Tu avais tort, papa. Je ne peux pas la déplacer." "Essaye encore de toutes tes forces", répondit son père. Encore une fois, la fille s'efforça de pousser la branche. Elle se débattit, mais elle ne bougea pas. "Papa, je ne peux pas le faire", dit la fille. Finalement, son père lui dit : "Ma fille, je t'ai conseillé d'utiliser "toutes tes forces", mais tu ne l'as pas fait. Tu n'as pas demandé mon aide."
Utiliser toutes nos forces signifie nous considérer comme dépendants, et non indépendants, comme ayant besoin d’Hachem, ne pouvant vivre sans Lui. Une femme a décrit son dernier souvenir en tant qu’alcoolique lorsqu’elle criait et insultait sa petite fille qui lui demandait de ne pas prendre le prochain verre. Elle s'est retrouvée en cure de désintoxication, a franchi les étapes, y compris cette troisième, et lorsqu'elle s'est remise entre les mains de D.ieu et s'est tournée vers Lui pour obtenir de l'aide, sa vie a basculé.
Elle a partagé avec nous que maintenant, elle prie deux fois par jour, exprime sa gratitude régulièrement et demande toujours à D.ieu de l'aider. Parfois, elle demande de l'aide pour être honnête ce jour-là, parfois pour travailler dur, d'autres fois pour surmonter l'envie et l'impulsion de décisions et de comportements autodestructeurs. Chaque jour, après avoir prié, elle passe quelques instants en méditation. Elle a décrit que lorsqu'elle prie, elle parle à D.ieu et lorsqu'elle médite, elle vide son esprit, écoute et sent qu'Il lui parle.
Pendant que j'étais assis là à écouter, j'ai pensé à nos réunions appelées Minyanim et à nos prières quotidiennes appelées Téfilot. Sont-ils les exercices d'humilité et de croissance personnelle qu'ils sont censés être ? Fermons-nous le Siddour et sentons-nous que nous avons parlé à D.ieu et que nous L'avons entendu nous parler ? Avons-nous fait le pas de tout abandonner et de nous attacher à Hachem ?
Les auteurs de la ‘Amida, les Aneché Knesset Haguedola, ont eu une inspiration Divine en composant une prière qui capturerait les besoins universels de l'humanité, transcendant le temps et l’endroit. Nous utilisons quotidiennement leur formulation pour exprimer notre gratitude, nos rêves, nos aspirations et nos besoins.
Mais ils n'ont jamais eu l'intention que leurs paroles soient la totalité de nos prières. Ils ont proposé un modèle, et nous sommes censés remplir les "blancs", nous sommes censés écrire nos propres pensées, sentiments et besoins personnels et individuels entre les lignes. J'ai toujours trouvé que cela ressemblait aux cartes que l'on donne dans les grandes occasions. Si j'écris des pensées sincères au dos d'une serviette et que je la donne à ma femme le jour de notre anniversaire, c'est un beau geste, mais le fait de ne pas acheter de carte casse les efforts. Si j'achète une carte de vœux et la donne à ma femme, mais que je ne la remplis jamais ni n'écris rien de personnel, c'est un bon début, mais cela est nettement incomplet.
Il faut réciter la prière, lire le texte chaque jour pour bénéficier de la formulation brillante, mais reprendre les paroles du Siddour sans les personnaliser, sans une conversation sincère avec notre Créateur, sans exprimer notre gratitude, nos besoins et nos demandes spécifiques est insuffisant. Ce n'est pas que D.ieu ait besoin de plus, mais nous, oui.
Que ce soit pendant la prière, en conduisant, en cuisinant, en faisant de l'exercice ou simplement en restant assis, parlez à D.ieu avec vos propres mots, demandez-Lui de l'aide pour ce dont vous avez besoin ce jour-là, remerciez-Le pour les bénédictions et les cadeaux dans votre vie, et, lorsque vous avez terminé, passez un moment en méditation silencieuse et voyez si vous pouvez L'entendre vous répondre.
Je suis sorti de la réunion en retard à ma prochaine obligation. Je suis monté dans la voiture et ai instinctivement attrapé mon téléphone pour passer un appel. Mais ensuite, je me suis souvenu de ce que je venais d'entendre et j'ai décidé de passer un autre type d'appel, celui qui m'obligeait à éteindre mon téléphone, pas à le rallumer. J'ai passé ce court trajet à parler à D.ieu et à Lui faire savoir que, parmi les choses pour lesquelles j'étais et je suis si reconnaissant, il y avait le fait d’avoir assisté à cette réunion.
Rabbi Ephrem Goldberg