Question de Elsa L.
Bonjour Mr. le Rav Scemama,
J'aimerais vous demander un conseil.
Je dois tout d'abord vous avouer que je ne suis pas pratiquante (mais je jeûne le jour de Kippour et ne mange pas de porc). En fait, je ne m'adresse pas à vous pour un problème qui me concerne.
Grâce au Ciel, je suis "rangée" : je suis mariée, mère de deux enfants, et j'enseigne dans un lycée. Mais je me tourne vers vous au sujet de mon jeune frère. Celui-ci souffre depuis sa petite enfance de troubles psychiques qui n'ont fait qu'empirer à son adolescence. Il a raté toute sa scolarité et n'est même pas capable de suivre une formation pratique. Il travaille occasionnellement et le peu d'argent qu'il gagne, il le dépense bêtement.
Je ne lui connais pas d'amis, ni de copine, juste des fréquentations douteuses avec lesquelles il fume de la drogue. Il dort beaucoup et passe son temps affalé dans un fauteuil à jouer avec son portable.
Nous avons, mes parents et moi-même, essayé de le faire soigner, mais cela n'a rien donné.
C'est alors que j'ai pensé que peut-être la religion pourrait l'aider : la prière à la synagogue, la fréquentation de juifs pratiquants, les obligations religieuses auront sûrement un effet positif sur lui. Il trouvera d'un côté le calme et la sérénité qu'apporte la religion, et d'un autre côté les barrières morales du Judaïsme l'empêcheront de plonger dans le néant dans lequel il baigne.
J'aimerais donc que vous me conseilliez un rabbin ou une famille religieuse qui soit prête à s'occuper de lui, évidemment nous assumerons le coût de ce service. Je vous laisse mes coordonnées [...]
Réponse du Rav Scemama
Bonjour Elsa,
De vos propos, il ressort que le Judaïsme n'est pas l'apanage de tout un chacun, mais plutôt une roue de secours pour des cas désespérés comme celui de votre frère. Or, la vérité, c'est que tout le contraire est vrai, comme je vais le développer.
Il est certain que la foi en D.ieu apporte une sérénité à l'homme, car elle résout les grandes questions existentielles de l'être humain. Elle lui permet de supporter les souffrances de ce monde , en sachant que notre destin est régi par un D.ieu Tout-Puissant qui cherche le Bien parfait pour Ses créatures (bien qu'il nous arrive de ne pas toujours Le comprendre). Les Commandements concernant l'homme envers son prochain vont l'obliger à surmonter son égoïsme naturel afin d'octroyer du bien à son entourage. Les interdictions et restrictions du Judaïsme nous écartent des déviations d'ordre sexuel et immoral, etc. En d'autres termes, la Torah est le guide nécessaire et incontournable pour aider l'homme à éviter les écueils du monde matériel et l’amener vers une qualité de vie dans laquelle il trouvera bonheur, sens et vérité.
Mais tout ce message s'adresse à une personne saine et équilibrée. Par contre, pour des personnes comme votre frère qui souffrent de maux d'ordre psychique, il n'est pas certain que la Torah seule pourra les aider à guérir, sans l'accompagner d'une thérapie adéquate (j'y reviendrais plus tard).
Pire que cela, la Torah risque d'être pour ces gens un poison, comme nous en avons nous-mêmes été témoins :
- Le cas d'un juif dépressif, qui interprétait tout ce qui lui arrivait avec pessimisme et qui percevait le Créateur comme un tyran qui n'aime pas Ses créatures (qu'à D.ieu ne plaise).
- Un autre qui souffrait de complexes d'infériorité en était arrivé à penser que le Judaïsme désire l'annihilation de l'homme, en faisant l'amalgame entre la modestie - qui est un bon trait de caractère - et l'infériorité, qui est un défaut.
- Certains, incapables de se prendre en main, s'enfuient dans la prière et l'étude au détriment de leurs obligations familiales et personnelles.
- D'autres souffrants de dérèglement obsessionnel cachent leurs maux derrière la religion. Par exemple, ils relisent plusieurs fois le "Chéma’ Israël" pour être sûrs de s'en être bien acquittés ou se regardent sans arrêt dans un miroir pour s'assurer que les Téfilines de la tête sont bien placés au bon endroit.
Quelque part, ces gens vont devenir encore plus malades qu'ils ne l'étaient avant d'être pratiquants. Car jusqu'à maintenant, ils n'avaient aucun justificatif à leur conduite, et aujourd'hui, ils l'expliqueront par une soi-disant piété ordonnée par la Torah.
C'est pourquoi, il faudra s’adresser à des thérapeutes pratiquants qui sauront combiner une connaissance et une expérience médicales (du psychisme humain) avec celle d'un Judaïsme authentique. Cette dernière est indispensable car, comme nous l'avons rapporté plus haut, la Torah est la seule normalité authentique, donnée à l'homme par l'Eternel Lui-même au Mont Sinaï. C'est aussi l'assurance de s'éloigner de pratiques païennes qui se sont infiltrées dans la thérapie qui a trait à la psyché. Dernièrement, se sont ouverts plusieurs centres de thérapie dans ce domaine en Israël dans le milieu religieux (comme le "Beth ‘Ham" de la ville de Bné Brak) et ils parviennent à obtenir d'excellents résultats. Ils sont soutenus par nos Grands Maîtres de la génération, ce qui montre bien la nécessité d'une telle initiative.
Par contre, pour des personnes comme vous, qui vous définissez comme "rangée", vous êtes entièrement concernée par le Judaïsme, comme tout juif. Nous vous invitons par cette occasion à découvrir la richesse de notre patrimoine. Ces dernières années se sont ouvert des sites qui permettent à tout un chacun, quelque soit son niveau de religiosité et de connaissance, de savoir ce qu'est la Torah (Torah-Box.com, Leava.fr, Espace-Torah.com, Koltorah.com,...). Votre démarche généreuse envers votre frère pour lui trouver une guérison aura au moins servi à éclairer votre propre existence afin de la diriger - on l'espère - vers le chemin de nos Ancêtres, de mémoire bénie.