Il n’est pas évident de grandir avec un frère avec lequel on n’a ni point commun ni affinité et qui, de plus, nous cherche querelle tout le long de notre existence. Pourtant, il s’agit de l’expérience de notre patriarche Ya’akov avec son frère jumeau ‘Essav.
Déjà dans le ventre de leur mère, ils ont des pôles d’attraction opposés : alors que Ya’akov recherche la maison d’étude, ‘Essav est attiré par les lieux d’idolâtrie. A leur adolescence, le premier rejoint les bancs du Beth Hamidrach, tandis que le second ne s’intéresse qu’à la chasse et aux plaisirs matériels. ‘Essav vendra même son droit d'aînesse (primordial pour le service divin) dont il n’a que faire, pour un plat de lentilles. Alors qu’ils reçoivent une éducation exemplaire de leurs parents Its’hak et Rivka, ‘Essav enfreint les fautes les plus graves (crime, vol, viol) sans éprouver le moindre remord. Lorsqu’il apprendra que son frère Ya’akov s’est approprié des bénédictions de son père - de droit puisqu’il avait acquis auparavant le droit d'aînesse -, il cherchera même à le tuer.
“Ma’assé avot siman labanim”, “les actions des pères sont des marques pour leurs enfants”, nous enseignent nos Sages. Effectivement, le peuple d’Edom, descendant de ‘Essav, cherchera tout le long de l’Histoire à exterminer le peuple juif. Décrets des Romains célèbres pour leur cruauté, autodafés, Croisades au Moyen-âge, pogroms en Europe de l’Est et jusqu'à dernièrement la Shoah : ‘Essav ne nous a pas laissé de répit.
Ya’akov représente le peuple d’Israël et il est surprenant de voir que depuis sa naissance jusqu'à sa mort - ils décèdent également le même jour -, ce frère jumeau malfaisant l’accompagne comme une ombre. Comme si quelque chose du destin du juif ne peut se réaliser qu’aux côtés de ‘Essav, aussi étonnant soit-il.
Israël est appelé à remplir le rôle crucial de l’Histoire universelle : témoigner de la divinité sur terre. ‘Essav, lui, n’a pas de raison d’être intrinsèque et n’a d’existence que pour Ya’akov. Depuis la faute d’Adam, le Yétser Hara’ est entré en l’homme et il n’est pas toujours évident de le déceler car parfois, il revêt l’habit de la sagesse, de la vérité, et même du bien et il peut réussir à nous tromper. ‘Essav, qui est l’incarnation extérieure du mauvais penchant, va faire fonction de miroir et nous “aider” à identifier le mal qui est en nous.
‘Essav est reconnaissable à ses traits de caractère. Sa carte de visite est celle d’un être superficiel, figé, incapable de progresser, qui agit sous le coup de ses désirs sans réfléchir, et le regrette plus tard. Si nous lui ressemblons dans notre conduite morale, c’est que nous faisons fausse route. Il nous permet de prendre conscience de nos erreurs, de rectifier le tir, de déraciner un comportement, une inclinaison, un sentiment défectueux.
Un autre point important est que les bénédictions de réussite et d’abondance qu’Its’hak a octroyées à la descendance de Ya’akov dépendent de la fidélité de celui-ci à la Torah. Faute de quoi ces Brakhot passent automatiquement chez ‘Essav. Il s’avère dès lors que lorsque l’un des deux peuples monte, l’autre descend et jamais ils ne se retrouvent au même niveau. La position de ‘Essav dans le monde est un indice exact qui permet de vérifier notre niveau spirituel. Ce frère jumeau est donc à la fois le reflet de nos manquements et le baromètre de notre niveau spirituel.
Pour l’instant, l’exil d’Edom se poursuit et le mouvement de balancier reste à son avantage. C’est là la preuve que nous devons persévérer et que l’expédition n’a pas encore abouti. Mais le jour où Israël parviendra à surmonter toutes les épreuves qui se tiennent sur son chemin et à accomplir sa mission de dévoiler l'unité de D.ieu sur terre, le royaume d’Edom s’écroulera de lui-même, car il n’aura plus de raison d’exister.