Jérémie n’arrivait pas à trouver la consolation après le décès de son père. Les mois passaient, et on le voyait souvent pleurer. Il est vrai que rien ne peut combler la perte d’un papa, mais ses proches pensaient tout de même qu’il devait se reprendre. Après tout, le défunt avait bien vécu et sa propre famille comme sa bonne situation auraient dû normalement projeter Jérémie vers l’avenir. Mais voilà qu’un jour, il confia à son ami : “Sache que je ne pleure pas le départ de mon père, mais je pleure le fait que je n’ai jamais eu de père ! Il était toujours pris par son travail et même lorsqu’il était à la maison, on le trouvait toujours occupé à lire son journal ou à regarder une émission. Il ne s’est jamais intéressé à ma scolarité, à mes problèmes ni à mes choix de vie. Toujours absent lorsque j’avais besoin d’un conseil ou de soutien, je n’ai même pas “mérité” une remontrance ou une punition. Tu sais, parfois, le fait de recevoir une bonne raclée fait du bien ; chez moi, rien ! Comprends-moi bien, ce n’est pas que mon papa ne m’aimait pas. Il a prouvé à maintes occasions qu’il avait des sentiments envers moi. Mais il était inexistant lorsque j’avais besoin de lui.”
Chaque année, à Roch Hachana, toutes les créatures de la terre sont jugées pour leurs actions, et en ce jour est décidé de l’avenir de chacun de nous. C’est pourquoi, afin d’être méritants, nous nous employons tout le mois d'Eloul à faire le bilan de l’année passée, “réveillés” (dans tous les sens du terme) par le son du Chofar et le chant des Séli’hot. Cependant les commentateurs s’interrogent sur la pertinence de ce jugement à Roch Hachana, alors qu’on sait pertinemment que le véritable jugement n’aura lieu que lorsqu’on quittera ce monde pour le repos éternel.
L’une des explications consiste à dire que ce jugement a pour but de bien marquer l’idée que D.ieu S’intéresse à nous et ne nous oublie pas. En effet, imaginons qu’Hachem nous laisse vacants tout le long de notre existence, libres d’agir comme bon nous semble, chacun assumant seul son destin. Après 120 ans, on aura assurément des réclamations : “Comment peut-on nous juger après nous avoir délaissés tout au long de nos 70-80 ans ? Comment aurions-nous pu nous frayer un chemin dans les dédales d’un monde matériel, attirés par des fruits interdits, subjugués par des serpents malicieux, happés par le mauvais penchant ? C’est vrai, D.ieu, que Tu nous aimes mais nous ne sommes que des enfants qui ont besoin du soutien et de la protection de leur Père !”
C’est pourquoi chaque année D.ieu, dans Sa bonté, nous rappelle qu’Il est présent, Maître du monde, mais aussi Père de Ses créatures et soucieux de leur avenir. En nous jugeant le premier jour de l’année, Il provoque une prise de conscience et nous rappelle les bons choix à faire. Déjà, durant tout le mois d’Eloul, l’Éternel quitte Son palais pour venir à la rencontre de Ses sujets afin de connaître leurs besoins et d’écouter leurs requêtes, pour reprendre la fameuse allégorie du Ba’al Hatanya. C’est un moment particulièrement propice pour Lui demander de l’aide et Lui exprimer nos doléances. Nul besoin de s’habiller honorablement (d’être lavés de nos fautes), comme il sied lorsqu’on pénètre dans un palais royal, puisque c’est le Roi en personne qui descend à notre rencontre dans les champs et nous y trouve vêtus de nos vêtements souillés de paysans (avec nos égarements). Ainsi, lorsque le Klal Israël perçoit le sentiment de proximité et de préoccupation que leur prodigue le Créateur, il prend confiance en lui et se sent en mesure d’assumer son rôle de phare auprès des Nations.
C’est ainsi que nous entamerons une nouvelle année avec l’assurance que notre Père qui est dans les cieux Se tient à nos côtés et ne nous délaisse pas.
Rav Daniel Scemama