Nous nous rapprochons de Roch Hachana, qui en Israël sera marqué par la fin de l’année de Chémita durant laquelle on a laissé les champs en friche, sans les cultiver ni les labourer. Mais cette date est aussi marquée par une autre catégorie de Chémita, concernant quant à elle tous les Juifs du monde : c’est la Chémitat Kessafim, l’annulation des dettes. Toute personne qui a contracté un emprunt et qui ne l’a pas remboursé jusqu'à la fin de cette année verra sa dette effacée.
Cette loi apparaît explicitement dans le texte de la Torah (Dévarim 15, 1-3) et se renouvelle tous les 7 ans à la fin de l’année de la Chémita des terres. Mais il existe un procédé qui permet de “contourner” le problème et de récupérer son argent et ce, en rédigeant un Prozboul. Il s’agit d’un contrat dans lequel le créancier délègue un tribunal composé de trois Dayanim (juges), qui lui, est habilité à réclamer la somme à tout moment. Le grand Maître Hillel est à l’initiative de cette institution – un siècle avant la destruction du deuxième Temple –, car il s’était aperçu que les riches s’abstenaient de prêter aux pauvres à l’approche de l’année de Chémita. Cette situation était doublement problématique : d’un côté, les indigents ne trouvaient plus chez qui emprunter, et d’un autre côté les personnes aisées transgressaient l'interdiction explicite de la Torah de s’abstenir d’accorder un crédit aux indigents à l’approche de la Chémita (ibid., 9).
Le judaïsme nous ordonne d’aider les défavorisés : Léket, Chikhé’ha, Péa et Ma’asser ‘Ani sont des prélèvements de la récolte réservés aux pauvres ; la Tsédaka était recueillie chez les particuliers pour les besoins de subsistance journaliers des indigents. On sait toutefois que par dignité, un nécessiteux préfère contracter un emprunt plutôt que recevoir un cadeau. Mais il arrive qu’il ne parvienne pas à rendre sa dette à temps et se trouve dans l’obligation de contracter un autre emprunt pour rembourser le premier. Il risque alors de se retrouver dans un tourbillon de remboursement-emprunt sans fin. La Torah met un stop à cette situation en lui permettant tous les 7 ans de prendre un nouveau départ, un nouveau start sans dette. Et si le riche se sent “lésé” par cette loi, l’Éternel, Source de la prospérité, lui promet la bénédiction dans ses affaires par le mérite de son geste généreux. (Ce n’est que lorsque les riches ont refusé de “jouer le jeu” que les Sages ont mis au point la solution du Prozboul).
Dans le même esprit, lorsqu’un homme se trouve acculé financièrement, il peut en arriver à vendre sa terre, mais il la récupérera à l’année du Yovel (le jubilé) – qui tombait une fois tous les 50 ans – car ainsi en a décrété la Torah. Ainsi, tous les 7 ans pour les emprunts et tous les demi-siècles pour les terrains, on permet à un pauvre de rebondir et de tourner la page de son passé d’indigent. Sans communisme ni socialisme, la Torah depuis plus de trois millénaires a fixé des lois pour éviter que le pauvre ne sombre dans la détresse, le riche devant contribuer à ce rétablissement. D’ailleurs n’oublions pas qu’il nous est interdit de prêter avec usure, loi qui permet un équilibre entre les couches sociales.
Il est symptomatique par ailleurs que la date pour annuler les dettes soit Roch Hachana et que celle de la récupération des terres soit le jour de Yom Kippour (de l’année du jubilé), comme pour nous dire qu’à ces moments clés du calendrier juif, il a été donné à l’homme la possibilité de prendre une nouvelle voie, les “dettes” spirituelles effacées et les “terrains” malheureusement cédés au Yétser Hara’ récupérés, afin de commencer une nouvelle vie avec espoir.