La fête de Pourim a la particularité de ne pas être commémorée partout à la même date de l’année : généralement Pourim tombe le 14 Adar, mais pour certaines villes - comme Jérusalem - on le marque le 15 Adar. La raison provient du fait que le miracle dont ont été témoins nos ancêtres à l’époque de Mordekhaï et Esther a eu lieu lui aussi à deux jours différents : dans la ville de Suse (ville entourée de murailles comme d’ailleurs Jérusalem) le 15, et le reste des contrées le 14.
Cependant, à l’époque du deuxième Temple en terre d’Israël, on pouvait aussi lire la Méguilat Esther le 11, 12 ou 13 Adar, comme cela est rapporté au tout début du traité Méguila. Cette permission concernait les villageois qui n’avaient pas toujours la possibilité de trouver un office en semaine sur leur lieu d’habitation et se déplaçaient dans les grandes villes les lundis et jeudis afin d’écouter la lecture de la Torah réalisée en ces jours. C’est pourquoi, lorsque le jour de Pourim tombait un jour de semaine autre que le lundi et jeudi, on leur permettait de devancer la lecture (le lundi ou le jeudi qui précédait) afin de profiter de leur déplacement à la synagogue de la ville pour s’acquitter aussi de la Mitsva d’écouter la Méguila. Ce qu’on appelle aujourd’hui : faire d’une pierre deux coups…
Il est intéressant de relever que le critère défini pour statuer sur ce qui s’appelle un village (et donc pouvoir devancer la lecture), est un lieu dans lequel on ne trouve pas 10 “pensionnaires”. Il s’agit de personnes entretenues par la communauté afin d’assurer la présence du Minyan indispensable pour effectuer une prière collective. La réalité de l’époque était que les gens commençaient à travailler dès le lever du jour, et qu’on n’avait aucune assurance de trouver 10 personnes à l’heure de la prière. C’est pourquoi les citadins des grandes villes se cotisaient afin d’octroyer une pension - permettant de vivre - à dix personnes qui se libéraient de leurs activités afin d’être présentes à la synagogue tous les jours de l’année à l’heure de la Téfila. Maïmonide nous précise qu’en réalité ces “pensionnaires” étudiaient la Torah le reste de la journée et s’occupaient aussi des autres besoins spirituels de la communauté.
Ce texte du Talmud nous indique les priorités de nos ancêtres dans leur conception d’une vie juive authentique. Tout d’abord, c’est d’assurer le Minyan dans une synagogue, sans compter les dépenses quand cela s’avère nécessaire. Ce souci est d’autant plus d'actualité quand on sait combien le Beth Haknesset et le Beth Hamidrach sont depuis la destruction du Temple les sources “d’oxygène” principales du Klal Israël ! Nos Sages (Brakhot 6b), rapportent à ce propos que “si l’Eternel ‘Se déplace’ et ne trouve pas la présence de dix adultes à la synagogue, Il en est mécontent”, illustrant par cette allégorie l’importance cruciale de la prière collective (Téfila Bétsibour) qui repousse les mauvais décrets.
Deuxièmement, toute ville qui se respectait et se distinguait d’un village se devait d’engager dix érudits en Torah, permettant de créer la dynamique indispensable d’un lieu de culte et d’étude de Torah. On était conscient que sans leur présence, certes les commerces et les établissements municipaux donneraient à cette ville un certain prestige, mais elle resterait une ville sans âme.
A l’heure où certaines personnalités politiques israéliennes, bien éloignées de la Tradition, s’étonnent de l’intérêt des institutions toraïques pour pères de famille (le Kollel) et font tout pour les démunir des droits minimums accordés à tout citoyen, il est important de tourner notre regard vers notre patrimoine vieux de plus de 3000 ans d’histoire qui souligne leur place indispensable dans la société, insistant sur la protection qu’ils apportent, écartant par leur étude et leurs prières les mauvais décrets pesant sur la ville.