Rafi n'oubliera jamais ces deux journées-là. Ce furent les deux jours les plus tendus et les plus stressants de toute sa vie. Aujourd'hui encore, alors que tout cela est déjà loin derrière lui, ils reviennent très souvent à sa mémoire et Rafi essaie toujours de retracer comment il a pu s'en sortir.
Cela s'est passé deux mois après son licenciement. Alors qu'il était habitué à mener une vie paisible et facile avec de confortables revenus, il s'est trouvé réduit à économiser chaque shekel et à réfléchir à deux fois avant d'acheter ses courses au supermarché du coin. Malgré tous ses efforts, la vie s'est avérée bien chère et Rafi a été aspiré dans un découvert énorme à la banque, un déficit qu'il ne parvenait pas à combler.
Il ne pourra jamais oublier ces journées des 9 et 10 octobre derniers. Après que le débit de sa carte bancaire soit passé, Rafi n'avait plus un sou sur son compte. Il était complètement désemparé et ne savait pas vers qui se tourner pour renflouer son compte. Il voyait déjà tous ses chèques retournés pour manque de provision, ses autorisations de découvert amoindries et la béance de son découvert augmenter encore. Il était pétrifié de peur et de honte. Il ne dut son salut qu'à un soudain revirement de situation, qu'il ne sait toujours pas décrire précisément aujourd'hui. Sortie d'on ne sait où, une ancienne connaissance le contacta par téléphone. Rafi avait par le passé tenté de faire quelques affaires juteuses avec cette personne, et lui avait même prêté quelque argent à l'époque.
« Rafi, tu te souviens de l'affaire qu'on avait essayé de lancer ensemble ? »
Redoutant déjà d'entendre ce qui allait lui tomber dessus, Rafi répondit : « Oui, oui. Elle en est où ?
- Eh bien on vient tout juste d'en recevoir les premiers bénéfices ! Alors je viens t'annoncer que tu vas toucher ta part ! »
Et Rafi stupéfait de recevoir la somme inespérée de 24 000 shekels, ce qui représentait exactement le montant dont il avait besoin pour clôturer le mois...
Des histoires similaires à celles de Rafi arrivent fréquemment, chaque jour. Une cascade de coïncidences étonnantes qui se produisent en faveur d'individus, au bon moment et au bon endroit, et leur sauvent la face, avec précision et à la dernière minute. Pensez à ce voisin qui a échappé par miracle à un accident grave, ou à votre ami qui était en retard à l'embarquement de son avion et dont le vol a été retardé par un heureux hasard tombé justement en sa faveur. Ce type d'événements fait partie intrinsèque de notre vie dans ce bas monde.
Et si ces événements n'intervenaient pas par hasard justement ? Quelle est la signification de ces coïncidences ? De façon générale, peut-on raisonnablement dire que notre propre volonté maitrise le fonctionnement de notre univers ?
A ‘Hanouka, où nous prononçons les bénédictions de l'éclairage face au chandelier à huit branches, prêtons attention au libellé de la deuxième bénédiction : « Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l'univers, qui a opéré des miracles pour nos ancêtres en leur temps, en ces temps-là ». Quels sont les miracles qui nous arrivent « en ces temps-là » ? De quoi parlons-nous ? Savons-nous les percevoir ?
En tant que Juifs qui croyons que D.ieu dirige le monde, qu'Il tire toutes les ficelles depuis des coulisses invisibles, nous savons qu’Il n'a pas seulement créé le monde lors des 6 jours de la Création, mais qu'Il continue de le conduire et de le guider chaque jour et à chaque instant selon Sa volonté. Pourtant, quand nous observons notre monde, nous voyons que des lois naturelles, automatiques, régissent son fonctionnement et permettent de prévoir et d'anticiper sa marche et son évolution. Prenons la loi de la gravité, la croissance des plantes, le débit de l'eau, et beaucoup d'autres phénomènes immuables parmi les lois de la nature. Ainsi, par exemple, savons-nous pertinemment que si l'on renverse un verre d'eau, son contenu va se répandre sur le sol. Tout simplement parce que cela est dans la nature du monde. De fait, où intervient la volonté de D.ieu quand le contenu de ce verre s'écoule effectivement ?
Nos Sages nous apportent la réponse. Ils nous enseignent que TOUT ce qui se passe dans le monde, y compris les choses apparemment les plus habituelles et les plus banales, tout cela n'arrive que si et seulement si D.ieu en décide ainsi. S'Il ne souhaitait pas que ces évènements aient lieu, rien n'arriverait. Toutefois…
D.ieu a choisi de diriger le monde en n'y apparaissant pas clairement, sans se dévoiler à tous, d'une façon qui peut laisser les hommes penser que le monde fonctionne de façon autonome, naturelle, et sans lien automatique avec Lui. « Selon les lois de la Nature ». A ces fins, D.ieu a bâti un immense système de phénomènes « naturels », de principes et de processus en trompe l'œil qui semblent régir le monde et son existence, de sorte que quiconque veuille se méprendre puisse le faire à sa guise. C'est de cette façon qu'Il permet à tout homme d'exercer son libre-arbitre et donc en conséquence d'agir pour le Bien et de mériter la vie éternelle. Aux yeux des hommes que nous sommes, cela apparait comme la marche naturelle du monde ; mais la vérité est qu'une main invisible tire les ficelles à chaque instant, de manière à ce que chaque chose positive ou négative qui doit arriver à une personne lui arrive effectivement, et qu'à l'inverse elle soit épargnée de toute chose qui ne lui est pas destinée. Pour illustrer cela, notons qu'en hébreu, l'anagramme des lettres du mot « hasard » (« Mikré ») forme l'expression talmudique « Tout vient de l'Eternel » (« Rak Mé-Hachem).
Parfois, selon les besoins du moment ou bien pour dévoiler Sa parole créatrice à l'humanité, D.ieu déroge aux règles de la nature qu'Il a lui-même instaurées et dirige le monde de façon « surnaturelle », par le biais de miracles, en façonnant des évènements tellement contraires à la « nature » que chacun les remarque, s'en émerveille et puisse distinguer à travers eux la « main de D.ieu ». C'est ainsi qu'Il a agi lors de la sortie d'Egypte, de l'ouverture de la Mer rouge ou encore pour le miracle de la fiole d'huile à ‘Hanouka. Mais de façon générale, D.ieu se retranche derrière les lois de la nature, derrière la marche normale du monde, et seules les personnes qui réfléchissent et recherchent la vérité distinguent qu'il n'y a pas de hasard dans ce monde.
Lorsque D.ieu décide d'attribuer ou de retirer une chose particulière à une personne, Il agit dans le cadre habituel de fonctionnement du monde. Mais Il fait en sorte que le résultat voulu soit le fruit du déroulement naturel des choses qu'Il dirige. Peu importe les coïncidences qui se présenteront en chemin, Il fera en sorte que Sa volonté se matérialise dans les faits. C'est ainsi qu'Il dirige Son monde.
Cela signifie qu'en réalité le monde fonctionne de façon surnaturelle, mais que cela est dissimulé à nos regards. On parle de « miracles permanents, cachés », bien différents des « miracles dévoilés » que l'on trouve dans la Torah. C'est la raison pour laquelle nous prononçons la bénédiction « qui a opéré des miracles pour nos ancêtres en leur temps, en ces temps-là ». Car même aujourd'hui, ce sont des miracles, des miracles cachés, qui permettent au monde de fonctionner naturellement.
Le Ramban, l’un des plus prestigieux Richonim (NDT : Sages de l'époque post-babylonienne), qui a vécu il y a de cela mille ans, affirmait que le fait de reconnaître que le monde est géré par Hachem, même quand il fonctionne apparemment de façon naturelle et banale, est un élément fondamental de la croyance en D.ieu : « Nous ne méritons pas la Torah de Moïse notre Maitre si nous ne croyons pas que toutes nos paroles et nos actions sont des miracles décrétés par le Très-haut ».
Par ailleurs, selon la loi juive, en raison du fait que D.ieu dirige le monde sous couvert des lois de la nature, il est interdit à l’homme de se mettre en danger de façon inconsidérée en comptant sur le fait qu’un miracle survienne. L’homme devra vaquer à ses occupations et mener sa vie de façon normale, en fournissant les efforts raisonnables pour que les choses adviennent selon leur cours naturel.
Nos Sages ne se contentent pas seulement de décrire la façon dont l’Eternel gère ainsi les affaires du monde ; ils nous enseignent aussi la manière dont nous devons nous comporter pour que le monde fonctionne de façon qui nous soit favorable. Nos Sages enseignent que lorsque l’homme accorde sa pleine confiance et sa foi en l’Eternel, il méritera par là que le monde évolue autour de lui d’une façon positive. Ils ont déduit cela du supposé dans le verset « Celui qui a confiance en D.ieu sera drapé par sa Miséricorde ». Ce sentiment de confiance absolue fait que la personne se décharge un peu du poids de la conduite de sa vie et limite ses efforts au strict nécessaire, en se disant que tout ce qui arrivera est commandé par le Miséricordieux, Lequel l'enveloppe dans une aura de bienveillance et lui accorde une énorme bénédiction dans tous les domaines de la vie. Comme il est écrit : « Heureux soit l’homme qui a confiance en D.ieu et que D.ieu protège. »
Si nous gérons notre vie en étant conscient et convaincu de cela, notre existence apparait aussitôt plus calme et détendue. Il n'y a plus lieu de se mettre en colère, plus de raison de se plaindre ni d'être découragé, comme il est dit : « Même si une épée tranchante est placée sur le cou d'une personne, cette dernière ne doit pas désespérer de la miséricorde divine. »