Il est avéré que l’époque moderne implique, à tous les niveaux, une relation globale entre tous les habitants de la planète, une interdépendance incontournable entre toutes les nations. Cette dépendance, qui est à l’origine de tous les travaux sur les conditions climatiques, s’oppose, en théorie, à tous les problèmes particuliers qui préoccupent les peuples. Faire cette constatation, c’est souligner une contradiction essentielle entre l’universalisme et le nationalisme. Ici réside, en réalité, la source de tous les conflits, qui sont moins des problèmes idéologiques que des réactions particulières à chaque peuple. Ainsi le Général de Gaulle disait de Staline qu’il représentait le nationalisme russe, et nullement l’idéologie marxiste. Etudier ce problème, c’est s’attaquer aux sources fondamentales des développements historiques.
Il convient, en plus, de s’interroger sur la signification de ce développement dans le cadre historique du messianisme juif. Autrement dit : comment la globalisation s’inscrit-elle dans le devenir de l’Histoire qui tend à l’unité ? Dans divers domaines – scientifique, sociologique, idéologique – la quête de l’unité semble fonder le développement de la réflexion, c’est-à-dire l’idée créatrice de la recherche. Dans le domaine scientifique, on sait que le 4 Juillet 2012, les physiciens ont fait une découverte sensationnelle : ils ont découvert la particule qui permet la transformation de l’énergie en matière. Ce boson – appelé particule de Higgs – permet de comprendre comment l’énergie, le rayonnement originel, devient progressivement matière stable et pesante. C’est une avancée exceptionnelle pour comprendre l’infiniment petit. A peu près à la même époque, en 2003, dans le domaine biologique, une avancée remarquable a aussi été obtenue par les savants qui ont réussi à établir une carte complète du génome humain ; cela permet de comprendre l’organisation interne de l’A.D.N. (molécule qui est le support de l’hérédité). Cette découverte a été reconnue comme « un progrès important pour la santé de tous les peuples de la planète ». Le point commun de ces deux découvertes fondamentales est la recherche d’une unité première. La convergence de l’orientation de ces recherches se situe dans un besoin de retrouver une unité originelle. Tableau unique des phénomènes héréditaires, comme découverte dans le domaine de l’infiniment petit, ces deux recherches traduisent l’ambition des savants : globalité, unicité. N’y aurait-il pas ici une nostalgie d’une transcendance qui est cachée au-delà de l’immédiatement sensible ?
Or c’est précisément en hébreu que ce terme « caché » – נעלם – est de la même racine que le terme עולם – OLAM – exprimant le créé – temps comme espace. Cette convergence dans la quête du mystère de la création se retrouve au niveau de la société : l’unification des monnaies européennes dans l’euro provient du même souci de traduire une tendance à l’unité. Il apparaît assurément que ce désir de transcender le multiple pour aboutir à l’UN risque de conduire l’humanité à un nouveau complexe de Babel, qui était motivé par une volonté de rébellion contre le Créateur. Le Rav Bloch, dans le Chiourey Daath, ainsi que le Ramban, expliquent ainsi cette tentative de Babel, résumée dans le Commentaire « Kol HaTorah » (La Voix de la Torah) du Rav Elie Munk sur Beréchith (11.1) : « L’idée initiale fut de rassembler les contemporains en une même contrée en vue de concentrer les efforts collectifs pour la découverte des forces cachées dans la nature… Ces hommes pensèrent que la possession des secrets de la nature les rendrait indépendants de la Providence divine. L’union de toutes les races et de toutes les classes de la société devait leur procurer la liberté vis-à-vis de la Divinité omnipotente. Tel était le but final qu’ils visaient. » Ici apparaît le danger de cette convergence vers l’unité. L’intelligence artificielle, le transhumanisme, ne se cachent-ils pas derrière le désarroi actuel, l’impasse dans laquelle l’humanité se trouve engagée ? Il ne s’agit pas d’occulter les avancées technologiques, mais de les orienter vers une amélioration des conditions de vie.
Le Midrach nous rapporte que la lettre א (aleph), symbole de l’Unité, a voulu être la première lettre de la Torah. L’Eternel lui a répondu que la création est sous le signe de la pluralité, et donc le ב – beth, symbole de la pluralité, s’inscrit au début de la Genèse (בראשית – Beréchit). Alors quand l’unité pourra-t-elle être première ? Quand l’humanité saura dépasser la pluralité pour refléter l’Unité divine. Alors le א sera premier dans la Révélation du Sinaï comme la première lettre du Décalogue : אנוכי. N’est-ce pas vers cet objectif que devrait progresser l’humanité ?