Je ne sais pas avec quelles paroles les croyants des autres religions débutent leur journée, mais chez nous, tout commence par le « Modé ani », une courte prière pour remercier le « …Roi Vivant et Existant, de m’avoir rendu mon âme avec compassion… ».
Cette fantastique invitation au nouveau jour qui s’ouvre, se clôture par deux mots : ”Rabba Émounatékha ”, à savoir : « Grande est Ta foi [en nous] ».
Final hallucinant.
Car c’est bien D.ieu qui croit en nous, Ses Créatures, étant Certain que nous ferons quelque chose de ce jour qui naît, alors qu’en général, nous en conviendrons, c’est plutôt les hommes qui mettent espoirs et attentes en leurs divinités…
Chez les Juifs, comme toujours, c’est différent !
Cette âme, qui est remontée vers Lui le temps de notre sommeil, Il nous la rend chaque matin avec ‘Hemla – clémence –, et nous la réinvestissons à notre réveil, par elle anoblis et « obligés ».
Un enfant trahira difficilement un père éminemment bon, qui lui fait confiance…
Et si l'on cherche un bon conseil d’éducation, y en a-t-il de meilleur que celui de donner foi en notre progéniture ?
Marche arrière, la meilleure vitesse
Être créé à l’image de D.ieu n’est pas l’apanage des seuls Juifs, mais de l’humanité entière. Lorsque le Créateur va insuffler dans les narines d’Adam l’étincelle de vie, ce souffle divin est « exhalé » des profondeurs même de l’Éternel, à partir d’une essence qui nous échappe et nous dépasse totalement, mais dont un « quelque chose » désormais nous habitera.
Le chemin le plus court pour se mettre en recherche du « Divin » passe donc tout d’abord par nous-même ; il serait vain de commencer cette quête en dehors de soi, dans le cosmos, dans la nature où même chez nos pairs – aussi outstanding et exemplaires soient-ils –, avant de partir explorer à l'intérieur de soi, cette parcelle de D.ieu qui réside en chaque homme.
En fait, toute tentative de se rapprocher de Lui commence d’abord par un retour à soi. Et même le fait de faire le bien à autrui, appelé 'Hessed en langue sainte, ne sera que la conséquence d’une totale introspection et acceptation de soi.
La Torah le dit mieux que quiconque, comme à son habitude, synthétisant le concept en 4 mots : « Véahavta léré'akha kamokha – Tu aimeras ton prochain comme toi-même » : pas de raccourci possible ! Il va falloir passer par sa propre case pour aimer l’autre véritablement.
On va donc se mettre sur la vitesse « marche arrière » et en spéléologue, bien encordé, descendre prudemment mais courageusement en soi. La lampe de poche sur le casque nous permettra de découvrir, cachés dans les replis de notre âme et de notre être, les trésors et les abîmes dont nous sommes constitués.
Sans faire connaissance avec nos matériaux, ceux dont l’Éternel nous a gratifiés, pas de travail possible ; et même si nichée là-bas au fond, on trouvera une boue épaisse et nauséabonde en très grande quantité, pas d'inquiétude, c’est ainsi chez tous les hommes, même les plus grands…
Mettre en lumière ces serpents et ces scorpions, ces moucherons entêtants et ces petites bêtes tapies dans l’ombre, nous permettra justement, une fois remontés à l’air libre, de ne plus être surpris par eux et donc de les neutraliser.
Les éruptions soudaines de lave brûlante, trop bien enfouies, hermétiquement camouflées, qui, n’y tenant plus, nous éclatent au visage, se feront alors de plus en plus rares…
Ceux qui persistent à ignorer ces scories, sont des personnes hautement dangereuses pour elles-mêmes et leur entourage, qui se baladent, désinvoltes, avec des charges de dynamite et de nitroglycérine sur elles, prêtes à exploser à tout moment.
Les avantages de la spéléologie sur l’alpinisme…
Si l’alpinisme est un sport très gratifiant, où l’on conquiert des sommets, où l’air se purifie au gré de notre escalade, où les neiges éternelles et immaculées dévoilent des décors d’une beauté inouïe, où l’on sent un progrès, et où l’on peut inscrire à son actif encore et encore des succès, il possède un défaut : celui de nous faire croire que c’est encore « nous » qui gravissons et franchissons cols et pics.
En spéléologie, par contre, dans le silence et l’obscurité des tréfonds, notre « moi » – en général hypertrophié – , se rapetisse, et recadré par les rencontres pas toujours très flatteuses que l’on fait dans nos souterrains, il devient enfin ce réceptacle, cet ustensile simple et sans aspérités, prêt à recevoir véritablement un « quelque chose » de l’Éternel.
L’entamé, l’incurvé, le manquant, le défaillant et même l'abimé, sont les meilleures configurations pour une quête vraie du divin, puisqu’elles n’appellent qu’à être remplies, qu'à être comblées et tendent sans cesse à la complétude.
Les pleins sont beaux, mais tellement fatigants…
Sina - Sinaï
Demain soir, c’est le 6 Sivan, et il y a 3336 ans, le peuple hébreu allait recevoir la Parole de D.ieu sur terre, qui reste toujours aussi pertinente, 3 millénaires plus tard.
Lorsque le Texte Saint énumère dans la première section de la Genèse, les 7 jours de la Création, le seul à recevoir l’article défini, c’est le sixième, « Yom Hachichi », qui renvoie à ce fameux 6 Sivan, finalité de la Création, pour lequel Cieux et Terre valaient la peine d’être créés (Rachi).
Nos Sages de mémoire bénie savent parfaitement dater le début de l’antisémitisme. Le Midrach raconte, que veille du jour J, tous les peuples ont été sollicités pour recevoir l’Écriture et les Commandements, et ont décliné l’offre, chacun butant sur un trait inhérent à lui-même, auquel il ne pouvait renoncer : l’Occident (Edom) le meurtre, Ismaël le vol et l’impétuosité, etc…
Et de même qu’Essav hurla de douleur regrettant d’avoir vendu son droit d'aînesse à Ya'acov (Toledot), de même les Nations, tout au long de l’Histoire, vont hurler d’avoir raté ce pacte éternel entre elles et le Saint Béni Soit-Il.
Le monumental événement du Sinaï, va déboucher sur la Sina – la haine –, envers les seuls qui ont eu « l’effronterie » d’accepter le cadeau, sans même demander ce qu’il contenait.
La suite, on la connaît, et on peut la suivre dans les manuels d’Histoire relatant les chroniques de l’antisémitisme, où l’on voit à travers les siècles de quelle manière on a tenté de faire taire ces outrecuidants, qui se sont saisis avant tout le monde de la potion magique, du Graal convoité, et qu’on appellera tout au long des pogroms et des massacres, les « usurpateurs » !!!
Le Déclin, avec une majuscule
En feuilletant le journal, veille de cette fête de Chavou'ot, et en lisant les tribulations de notre monde, humaniste, tolérant, démocratique, technologiquement à la pointe, un seul mot me vient : abject.
Et ce n’est pas n’importe quel mot, j’en conviens.
Mais il n’y a que lui pour qualifier ce qui se fait et se dit dans les sphères des bien-pensants, des politiques, des Hautes Instances de Justice, des ONG, de médias, et des humoristes bêtes et vaseux, qui utilisent pour plaire et flatter la foule, des vocables sortis tout droit du Der Stürmer de 1939, où le Juif est à nouveau un objet de dégoût, sur lequel on transfert ses propres fantasmes, et où la circoncision reste irrémédiablement sa marque d’infamie (Guillaume Meurice, France Inter, 29.10.2023 ).
Oui, 2023… !
L’Occident lit en ce moment son testament : en faisant sciemment l’amalgame du bien et du mal, en promettant aux assassins les plus vils un prix de bonne conduite, en choisissant le camp de l’infamie et en se vautrant dans la fange de l’immoralité et de l’hédonisme.
Dernière station, Sodome ! Tout le monde descend.
On ne peut pas tomber plus bas, ni aller plus loin, dans la salissure de son image divine.
Mais c’est lorsque la nuit est la plus noire, que l’aube pointe.
Nous restons, nous, le peuple juif, l’espoir et la respiration de l’humanité. Sa lucidité.
Cette Torah que nous allons recevoir à nouveau, demain comme il y a 3 millénaires, combien il faut la chérir, l’apprendre, l’enseigner, l’approfondir, s’en imprégner, la transmettre avec justesse et nuance à nos enfants – selon leur âge et prenant en compte leurs environnement –, et parfois à nos parents, qui en ces époques si bousculées, s’en sont parfois éloignés.
Et pour la recevoir comme il se doit, faisons-nous petits, en creux, humbles et désarmés devant elle et le Très-Haut, qui nous l’a donnée.
La Torah est la dernière bouée, le dernier phare allumé sur l’humanité, et nombreux sont ceux qui le reconnaissent et nous reconnaissent comme ses dépositaires.
Ne les décevons pas.
Le Saint Béni Soit-Il croit en nous, comme en chaque individu créé à Son image.
Ne Le décevons pas.