Dans la semaine où l’on lit, dans la Torah, l'événement essentiel de l’Histoire, la Révélation du Sinaï, il ne faut pas oublier que la Révélation n’est pas liée à une date, mais elle implique toutes les générations. La Révélation, un des trois points cardinaux de la foi – avec la Création ex-nihilo et la Rédemption – dépasse le temps. Elle est éternelle, comme le Tout-Puissant. Venant de l’Infini, elle est au-delà du fini. Cet aspect concerne chaque membre du peuple d’Israël, qu’il l’accepte ou non ! La pérennité de l’être juif est liée à l’aspect intemporel de la Révélation. Trois niveaux différents donnent à la Révélation sa place historique dans le devenir d’Israël : dimension humaine, dimension sociétale et dimension métaphysique. Sur le plan humain, psychologique, d’abord, la rencontre avec le Créateur est l’équivalent d’une secousse tellurique pour les récipiendaires. L’individu est saisi par le Créateur, en d’autres termes : la créature est transformée par sa rencontre avec le Tout-Puissant. A ce niveau-là, les Sages nous expliquent que tous les malades, tous les infirmes ont été guéris le jour de la Révélation. Mais il est évident qu’il s’agit d’un évènement qui ne concerne pas seulement le jour de la Révélation. La rencontre avec le Créateur doit nous concerner, personnellement, à chaque période de notre existence. L’individu n’est pas un animal passager dans l’univers. Il y a une Intelligence Supérieure Qui dirige, et c’est cette Présence qui s’adresse à l’homme, qui doit donner une signification à la vie terrestre de chacun. Certes, le peuple d’Israël est particulièrement concerné, mais la Révélation a eu lieu, au Mont Sinaï, en dehors de la Terre Sainte, car elle s’adresse assurément à toute l’humanité. Les Sages, dans le Commentaire sur Chir Ha-Chirim, comparent la rencontre entre le peuple d’Israël et l’Eternel au Mont Sinaï à une histoire d’amour entre un berger (l’Eternel) et une bergère (le peuple d’Israël). Ainsi s’exprime Rachi sur le verset : « Sortez, filles de Tsion, au-devant du Roi Salomon, paré de la couronne dont sa mère l’a orné le jour de son mariage » (Cantique des Cantiques 3, 11). Le roi, c’est l’Eternel, orné de Sa couronne, c’est la Torah, et le mariage, c’est le jour de la promulgation de la Torah. Les filles de Tsion, c’est le peuple d’Israël marqué (Tsion, en hébreu, signifie « marque ») par les Mitsvot, circoncision, Tsitsit et Téfilines (Commentaire de Rachi sur ce verset). Le Juif est attaché à l’Eternel par les Mitsvot, comme la femme est attachée à son mari. C’est ici l’aspect humain, individuel de la Révélation.
Au niveau collectif, la scène du Sinaï exige une unité du peuple dans le désir de recevoir la Torah. Le verset dit : « (A leur arrivée au Sinaï) Israël campa là-bas, en face de la montagne » (Chemot 19, 2). Le verbe est employé au singulier, pour signaler qu’ils étaient unis comme un seul homme, d’un seul cœur (Rachi ibid.). L’union était absolument nécessaire pour recevoir la Torah. C’est la seconde condition obligatoire pour la Promulgation de la Torah. De ce fait, le peuple uni reflète l’unité du Créateur Qui s’est adressé à la créature. Leçon déjà essentielle pour dépasser l’aspect ponctuel de la Révélation du Sinaï, pour souligner la portée de l’événement.
Mais la Révélation a un troisième visage. Elle doit interpeller le Juif à chaque génération : c’est la dimension métaphysique de l’évènement sinaïtique. L’annonce de la Révélation a suscité, on le sait, la réponse des enfants d’Israël : « Nous ferons et nous comprendrons » (Chemot 24,7). Cet engagement explique que la Révélation s’exprime, pour la créature, en Loi. De même que le Tout-Puissant a causé une déchirure dans l'Être en effectuant la Création, de même la créature, grâce à la Révélation, et à la sensation d’amour, affirme dans le monde la présence de la Transcendance, et donc se lie à elle, par l’observance de sa Loi. Ainsi doit-on comprendre la phrase énoncée plus haut : à travers la Révélation, nous ferons ce qu’Il nous dit de faire (l’observance de la Loi) et sa Lumière sera connue dans le monde (nous comprendrons). La Révélation est la suite de la Création, et nous conduit, par l’observance, vers l’achèvement de l’Histoire. Ainsi, à ce stade, on retrouve les trois principes énoncés par le Rambam dans les Treize Articles de la foi : l’Eternel a créé (5 Articles), S’est révélé (4 Articles) et conduira la Création vers son but, le sens ultime de l’Histoire (4 Articles).
Il est clair, ainsi, que la Révélation concerne le Juif, à chaque époque, et cela doit nous interpeller aujourd’hui, plus que jamais. L’observance des Mitsvot est la dimension permanente de la Révélation du Sinaï, et de son écho talmudique. S’éloigner de cet engagement serait, ce qu’à D.ieu ne plaise, nier la Révélation, refuser de reconnaître l’intervention divine dans l’Histoire. Aujourd’hui, les bouleversements actuels vérifient, plus que jamais, la nécessité de voir la lumière au-delà de l’obscurité ambiante. La phrase exprimée lors de la Révélation : « Nous ferons et nous écouterons » résume parfaitement le programme de notre époque. Le Midrach rapporte qu’au moment où D.ieu a donné les Tables de la Loi (qui mesuraient 6 pouces) à Moché, l’Eternel tenait 2 pouces et Moché tenait deux pouces en bas. Les deux pouces du milieu représentaient le lien entre le Créateur et les enfants d’Israël. S’ils reçoivent la Loi et l’observent, ils acquièrent les deux pouces du milieu, et font rayonner sur le monde la lumière de la spiritualité ! L’intention du Tout-Puissant, dans la Révélation, est de faire briller sur l’univers la lumière de la spiritualité, objectif toujours actuel. Souhaitons voir bientôt la réalisation de cet objectif.