Mon histoire s’est déroulée il y a 30 ans. J’avais 17 ans et j’étais fils unique. Mes parents veillaient sur moi… comme sur un fils unique. Qu’y a-t-il de plus précieux ? Pour les excursions, par exemple, je pouvais rêver de faire un parcours dans la nature. Une excursion se résumait à un lieu bordé d’une route, d’eau et une belle vue. Une petite forêt avec des tables était préférable, et bien entendu, avec mes parents. Tous deux étaient présents, avec un sac de premiers secours de la taille d’une armoire et des soucis de la taille du pays entier.
Un jour, c’était après Pessa’h - comme je l’ai dit, il y a 30 ans - mon père avait l’air un peu stressé. J’ai compris qu’un paquet très important était arrivé à Jérusalem et personne ne pouvait aller le chercher, et il en avait besoin le lendemain. Je l’entendis parler avec ma mère et celle-ci lui dit : « Tu ne l’envoies pas seul ! Tu es fou ? À Jérusalem ? Seul ?? »
Mais mon père avait vraiment besoin de ce paquet et convainquit ma mère de me laisser partir.
« Va à la gare des autobus, me dit mon père, tu arriveras à temps pour prendre le dernier autobus, dors chez ton oncle, et demain, à la première heure, prie et prends de bonne heure le bus de retour. » (Il avait besoin du paquet dès le matin, et si j’avais fait l’aller-retour le lendemain, je ne serais arrivé que dans l’après-midi.)
Le dernier autobus pour Jérusalem partait à 22h30.
Ils me donnèrent un sac contenant de l’argent, un pyjama, de la nourriture, des boissons et des médicaments. Ne me demandez pas pourquoi. Ma mère me mit mille fois en garde de ne parler avec personne, de ne pas faire de bêtises, de ne pas me perdre, jusqu’à ce que je l’interrompe : « Maman, je n’ai pas deux ans, j’ai 17 ans, tout va bien. »
***
Je me rendis à la gare des autobus, et de là, je pris l’autobus. Je m’assis à côté de la fenêtre, posai le gros sac et m’endormis rapidement.
À un moment donné, je me réveillai. L’autobus roulait encore. Je regardai ma montre et vis qu’il était minuit et demi.
J’espérais que nous arrivions bientôt à Jérusalem, sachant que mes parents se feraient certainement du souci. Je somnolai encore un quart d’heure, puis je sentis que l’autobus roulait en pente et je compris que nous étions très proches de ma destination.
Mais quelle était cette longue descente ? Je me souvenais qu’à Jérusalem, il y avait des montées et des descentes avant d’arriver à cette descente, qui était trop longue…
Je regardai par la fenêtre et vis une vue merveilleuse : la mer !
Très bien, me dis-je, nous sommes arrivés à la mer de Jérusalem.
Mais à ce moment-là, j’ai compris qu’il n’y avait pas de mer à Jérusalem !
Je me frottai les yeux et découvris que je ne rêvai pas, je pris ma tête entre les mains et je sentis la peur monter en moi.
« Où sommes-nous ? », demandai-je au passager assis à mes côtés.
« Dans cinq minutes, nous arrivons à la gare des autobus. »
« Ok, mais quelle gare des autobus ? »
« Quoi, quelle gare, de Tibériade, mon ami, tu ne vois pas la Kinéret ? »
Je ne dis plus un mot. Je compris que j’étais monté dans le bus pour Tibériade et non pour Jérusalem.
J’accourrai vers le chauffeur et lui dis : « Laisse-moi là, je me suis trompé d’autobus. »
« C’est bien que tu t’en sois souvenu maintenant, ricana le chauffeur, où voulais-tu aller ? »
« À Jérusalem. »
J’entendis la moitié de l’autobus rire. Mais moi, ça ne me faisait pas du tout rire.
« Fais-moi une faveur, laisse-moi descendre. »
« En quoi ça va t’aider de descendre ici ? Je vais te faire descendre à l’arrêt, mais de toute manière, tu n’auras pas d’autobus pour Jérusalem. »
***
Il arriva à un arrêt d’autobus au centre de Tibériade, je descendis et commençai à courir. Après deux minutes de course, je compris deux choses : la première négative et la seconde, vraiment catastrophique.
La première, c’est que je courais pour rien, il n’y avait de toute façon pas d’autobus pour moi.
Et la deuxième chose, c’est que j’avais oublié mon sac dans l’autobus.
Vous vous imaginez : l’enfant gâté, seul dans la nuit à une heure moins le quart, sans sac, sans Téfilin, sans pyjama, et le pire : sans un shékel en poche.
Mais ce qui me tourmentait l’esprit maintenant, c’était mes parents. Je savais que même ma grand-mère - si elle avait été vivante - serait morte dans une telle situation. Mais mes parents ?
Je m’avançai en direction de la promenade de Tibériade, un enfant-adolescent perdu, sans saisir vraiment dans quel pétrin je m’étais mis, et surtout, comment m’en sortir.
Je m’approchai d’un kiosque et vis une pancarte : « Le kiosque de Yossi », je vis un homme fermer le kiosque et criai : « Un instant, attends une minute. »
En m’approchant, je vis que j’avais fait erreur.
C’était un gars baraqué, haut de deux mètres, d’une largeur de deux mètres, avec des sandales aux pieds et possédant un gros cou, ainsi qu’un visage colérique.
-
Que veux-tu ?, hurla-t-il.
Je m’arrêtai devant lui. Je ne pouvais pas m’enfuir…
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Je… je…
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Tu veux téléphoner, c’est ça ?, me dit-il sur un ton énervé. Pas de téléphones, pas de chewing-gums et pas de cigarettes gratuitement.
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D’où sais-tu que je voudrais téléphoner ?
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D’où je le sais, hein ? Car tu es le 300ème jeune homme depuis ce matin qui veut téléphoner.
J’ouvris la bouche, sans savoir que dire.
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C’est urgent, n’est-ce pas, dit-il en s’énervant encore plus, c’est urgent et tes parents sont morts d’inquiétude pour toi ?, hurle-t-il.
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D’où le sais-tu ?, lui demandai-je.
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Je rigole avec toi, me dit-il, même s’il avait l’air sur les nerfs, pour tout le monde c’est urgent et tous les parents sont sur le point de mourir tant ils sont inquiets.
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Que D.ieu préserve, dis-je.
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Bien sûr, que D.ieu préserve, répondit-il sur un ton moqueur, mais leur faire du souci, vous savez, et après, vous dites : que D.ieu préserve, hein ?
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Mais je suis fils unique et je me suis trompé de bus, je devais aller à Jérusalem et je suis arrivé à Tibériade, et j’ai oublié mon sac dans l’autobus…
***
Il commença à rire. En réalité, ça n’avait pas l’air d’un rire pour moi, on aurait dit plutôt une explosion, il riait à gorge déployée.
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Celle-là, je ne l’ai jamais entendue, et tu peux me croire que j’ai entendu des tonnes d’excuses dans ma vie.
Je commençai à pleurer : « Je suis vraiment fils unique et je me suis vraiment trompé… »
-
Ok, fais ton téléphone, arrête de pleurnicher, mais 30 secondes, parce que c’est un appel longue distance. (À cette époque, un appel longue distance était une raison de porter un costume et une cravate…)
Je composai le numéro de mes parents.
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Que s’est-il passé ? J’entends mon père stressé. Pourquoi tu n’as pas appelé ? L’oncle dit que tu n’es pas arrivé chez lui…
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Oui, papa, je voulais te dire, je me suis trompé d’autobus…
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Où tu es ?
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Tout va bien… Je suis à Tibériade…
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Que D.ieu préserve, il est à Tibériade, qu’as-tu fait ? Pourquoi es-tu parti là-bas ?
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Je me suis trompé…
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Mais où vas-tu dormir ?
Là, je fis quelque chose que je n’avais jamais osé faire. Mentir à mes parents. Mais dans ce cas-là, je me le suis permis, je connaissais leur caractère hystérique. Je m’autorisai à dévier de la vérité pour maintenir la paix et en jugeant que c’était un cas de Pikoua’h Néfech.
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C’est bon, j’ai rencontré ici un ami et je suis chez lui.
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Qui est cet ami ?
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Ra’hmilevski, répondis-je, surpris par mon pouvoir d’improvisation.
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Une bonne famille ? Où tu es ?
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Je suis avec lui, calmez-vous, c’est un ami de la Yéchiva.
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Finis déjà, cria Yossi, qui était le plus éloigné possible de ce Ra’hmilevsky que j’avais inventé.
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Qui crie là-bas ?, demanda ma mère.
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C’est le père de mon ami. Il s’énerve que c’est un appel longue distance.
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Ah, dit ma mère - et je sentis qu’elle était sur le point de s’évanouir. Dis-moi, tout va bien avec ce Ra’hmilevsky ?
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Bien sûr, un Tsadik. Un excellent élève. Rassurez-vous, je suis obligé de raccrocher.
Je sortis du kiosque. Il se mit à fermer la porte et les volets, et soudain, le téléphone sonna.
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C’est drôle, qui ça peut être ?, se demanda Yossi.
Je savais qui c’était. Mon père n’était pas tranquillisé et avait décidé de rappeler le numéro. Il n’y avait pas à l’époque la fonction « étoile 42 », il fallait appeler Bézeq pour leur demander de composer le dernier numéro.
Yossi dit : « Un instant, il y a un téléphone, kiosque de Yossi, bonjour ».
À ma grande joie, mon père ne comprit pas que c’était un kiosque. « Ah, un instant, j’ai parlé avec mon fils... »
« Que veux-tu de lui ? », demanda Yossi, et cette fois-là, il était le plus éloigné possible de Ra’hmilevsky. Encore plus que la dernière fois.
J’accourus vers le téléphone et lui pris le combiné des mains.
***
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Papa, tout va bien, que voulais-tu ?
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C’était qui ?
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Son père, dis-je à voix basse.
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Tu es sûr ?
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Tout va bien, papa, calme-toi.
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Comment m’as-tu dit qu’il s’appelle ?
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Ra’hmilevsky, je vous ai parlé de lui, un bon garçon, assidu.
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Sors ! Déjà comme ça, tu m’as assez embêté, cria Ra’hmi-Yosssi.
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Bonne nuit, dis-je en raccrochant.
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Merci beaucoup, dis-je au géant Yossi.
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Quoi, merci beaucoup ? Tu viens chez moi à la maison.
Si je pensais que l’horreur était derrière moi, je compris que ça venait de commencer. Suivre ce géant chez lui à la maison ? Même dans son pire cauchemar, mon père ne se serait pas imaginé une telle chose. À ce stade-là, j’avais deux possibilités : la première, m’enfuir et la seconde, ne pas m’enfuir. J’avais peur de rester, mais encore plus de m’enfuir.
Je décidai de le suivre. Nous marchâmes quelques minutes. Nous arrivâmes dans une sorte de grotte. Au premier étage, des tapis orientaux, une pipe, une maison bizarre. Et moi, ne l’oubliez pas, un enfant gâté qui n’avait jamais dormi ailleurs que chez lui, même pas chez un ami.
***
On monta à la maison. Il me dit : « Tu as certainement faim. On ouvre la table ? Viens, on va prendre du whisky, du bon alcool. »
Aujourd’hui, trente ans plus tard, je pense à cette scène étrange. Moi, un jeune homme naïf en face d’un homme grossier qui me proposait du whisky.
Je lui dis : « Laisse tomber, j’ai de gros maux de tête, je voudrais juste dormir. »
Il vit que j’étais déterminé, il haussa les épaules - il avait de quoi faire - il mit un matelas par terre dans une chambre ; sur les étagères, il y avait des éléphants et des tigres empaillés, un vrai zoo, composé d’animaux morts. Je m’allongeai, mort de peur, m’interrogeant sur ce qui m’attendait cette nuit et ce que j’allais faire le lendemain, sans argent ni rien.
Je savais que mes parents ne dormaient pas, je les connais si bien, eux et leurs frayeurs. Je savais qu’ils étaient morts de peur, ils téléphonaient certainement au kiosque et personne ne répondait.
Je me souvins soudain que je n’avais pas prié ‘Arvit. Mon père veillait à ce que je prie toujours en Minyan.
Je savais que je ne pourrai trouver de Minyan, mais prier, c’était évident. Et ô combien j’en avais besoin, surtout dans ma situation.
Je me levai pour prier ‘Arvit. Je n’ai jamais prié une telle Téfila d’Arvit, je priai la ‘Amida pendant trois quarts d’heure, je priai pour moi, pour mes parents, chaque mot prenait un sens nouveau. J’achevai la prière et je ressentis pourquoi la prière se nomme « ‘Avoda, un travail » : j’avais transpiré.
À un moment donné, je m’endormis.
***
À six heures du matin, quelqu’un me secoua : « C’est le matin, lève-toi. »
Je bondis du lit. « Tu veux un café ? » Ok, un café, pas de problème. Je vis, il ne m’a pas tué pendant la nuit, prenons un café.
Ensuite, il me demanda : « Comment vas-tu rentrer chez toi ? »
Je ne savais pas quoi répondre. J’étais bloqué sans un shékel, je lui demandai s’il pouvait me donner l’argent correspondant au prix du voyage.
Il monta sur une chaise, prit un bocal rempli de centimes et me dit : « Prends ce bocal et donne-le au chauffeur. J’espère que ça suffira. »
Je me rendis à la gare des autobus et m’assis sur un banc. Je commençai à compter les centimes. Soudain, un homme passa et me lança quelques centimes…
Il me manquait quelques pièces. Je montai dans le bus et annonçai au chauffeur que c’est ce que j’avais et que la veille, j’avais perdu mon sac.
« Alors, c’est toi le garçon qui a perdu ton sac ?, cria le chauffeur. Nous l’avons retrouvé. » Il ouvrit la fenêtre et cria : « Chim'on ».
Et Chim'on courut vers le département des objets perdus et me rendit mon grand sac contenant mes Téfilin, mon pyjama et mon portefeuille.
Je rentrai chez moi. On aurait dit que mes parents avaient perdu leur fils unique. Je reçus la douche froide de ma vie.
Je les rassurai. Je leur racontai tout du début jusqu’à la fin, ma mère s’évanouit presque deux fois, et mon père, seulement une fois, lorsqu’il comprit qui était Ra’hmilevsky et ce que j’avais dû affronter.
Mes parents m’enlacèrent et me promirent en récompense qu’ils ne me laisseraient jamais partir sans être accompagné, même à l’épicerie…
Cinq ans plus tard, je me mariai, et au fil des ans, sept enfants nous naquirent.
***
20 ans plus tard je devais me rendre à Tibériade pour un rendez-vous important.
Bien que j’eusse été à plusieurs reprises à Tibériade, pour une raison ou une autre, j’avais un peu fait abstraction de la dette que je devais au propriétaire du kiosque, il se trouve que les dettes, on ne s’en souvient que lorsqu’on nous doit de l’argent…
Je décidai que le moment était venu d’aller au kiosque, de remercier l’homme et de lui rendre l’argent.
Arrivé à Tibériade, je recherchai le kiosque de Yossi, sans succès, un magasin d’habits se trouvait à sa place.
« Sais-tu où est Yossi, du kiosque ? », demandai-je à la vendeuse.
« Oui, me répondit-elle, tu descends les marches de la promenade, et là tu verras le kiosque de Yossi. »
Je suivis ses instructions et trouvai le kiosque. J’aperçus un kiosque et une pancarte : « Kiosque Yossi, friandises », mais je ne vis pas Yossi.
J’étais déçu, je m’approchai du vendeur, qui portait une barbe et des Péot.
« Dis-moi, demandais-je au vendeur, sais-tu où est Yossi ? »
Le vendeur me lança un regard suspicieux : « Qu’est-ce que tu veux de lui ? »
« Je ne suis pas du service des impôts, répondis-je. »
« Et si tu étais des impôts, tu me le dirais, hein ? Qu’est-ce que tu veux de Yossi ? »
-
Je lui dois de l’argent.
-
Impossible, peut-être que Yossi en doit aux autres, mais personne ne lui doit rien.
-
Moi, oui.
-
Combien ?
-
Pas beaucoup, cela fait vingt-cinq ans, aujourd’hui ça vaut peut-être 5 shékels, j’étais un jeune homme sans un sou en poche, et il m’a donné un bocal rempli de pièces…
Il entend ce que je dis et dis : « C’est toi ? Toi qui voulais mon royaume pour des mules ? »
Je ne comprenais pas.
-
C’est toi qui voulais aller à Jérusalem, mais qui est arrivé à Tibériade, un fils unique ?
-
Oui, c’est moi.
L’homme me regarda sans bouger, puis il sauta par-dessus la caisse, m’attrapa et me lança un mètre en hauteur et commença à danser avec moi comme un fou.
Je lui dis : « Calme-toi, laisse-moi respirer. »
« Je suis Yossi, me dit-il, je me suis juste fait pousser la barbe et les Péot. J’ai fait Téchouva, et tu sais grâce à qui ? Grâce à toi. Tu sais ce que tu représentes pour moi ? »
Il sortit de sa poche une photo d’un bel enfant avec une Kippa et des Péot.
-
C’est mon enfant, me dit-il.
-
Mais quel rapport avec moi ?
-
Lui et tous les enfants Tsadikim, grâce à toi.
-
Calme-toi, lui demandai-je, et explique-moi le rapport entre mon histoire et ton retour aux sources.
-
Écoute bien, ce n’est pas ton histoire, ni le bocal, mais ta prière d’'Arvit. Le soir, lorsque tu as été dormir, tu as laissé la porte ouverte et tu as prié comme je n’ai jamais vu personne prier. Tu as prié et prononcé chaque mot, et moi, j’en ai pleuré. Après ton départ, je suis allé voir un Rav. Je lui racontai qu’un jeune homme avait dormi chez moi qui avait crié et pleuré, qu’est-ce que ça voulait dire ? Il commença à m’expliquer l’importance de la prière et la foi dans le Créateur, et c’est comme ça que j’ai fait Téchouva, grâce à ta prière d’'Arvit.
J’ai créé un cours de Torah ici, une fois par semaine depuis vingt-cinq ans, et tout ça, grâce à ta prière, qu’est-ce que tu en dis ?
***
En vérité, que pouvais-je bien dire ? J’étais ému et je gardai le silence.
Mais à mon retour, je me dis que je ne pouvais pas garder cette extraordinaire histoire qui renferme un profond message uniquement pour moi.