L’une des plus grandes épreuves du peuple juif, sans doute la plus dure, est l’exil. Un peuple établi sur sa terre depuis des siècles qu’on chasse sans ambages, ni solution de relogement, pillé de ses biens et vilipendé dans d’atroces souffrances et violences. Femmes enceintes, enfants en bas âge et vieillards, tout le monde dehors. Pour aller où ? Nul ne sait…
Ce fut le début du triste sort du peuple juif qui dut implorer l’hospitalité des nations. Étrangers en terres inconnues, l’échine courbée et le faciès pointé du doigt. Ils payèrent plus d’une fois au prix de leur vie cette précarité. Combien de massacres vécurent-ils en terres étrangères ? combien de fausses accusations ont-ils subies pour le simple crime d’être “juifs”, différents des habitants locaux ?
Cet exil, nous y sommes et nous y serons encore tant que le Temple n’aura pas été reconstruit à Jérusalem, la ville sainte…
Alors, pourquoi tout ça ?
Le peuple juif est pourtant le peuple de D.ieu. Pourquoi a-t-il permis une chose pareille ? Quelle(s) faute(s) avons-nous commise(s) pour mériter une telle sentence ?
Le Talmud s’en étonne d’ailleurs (Yoma p. 9) « à l’époque du second Temple où les gens étudiaient la Torah et accomplissaient les Mitsvot, pourquoi le Temple a-t-il été détruit ? »
Et la Guémara de répondre « car il y a avait (à cette époque) de la haine gratuite ». C’est donc la haine gratuite qui est responsable de toute cette souffrance… Le poids et la mesure sont cependant assez difficiles à admettre, vous en conviendrez. Essayons de comprendre.
La Torah nous dit : « Tu sauras avec ton cœur que, comme un homme châtie son fils, Hachem ton D.ieu, te châtie » (Deutéronome 8, 5), c’est-à-dire que D.ieu a choisi de punir son peuple comme un père le ferait vis-à-vis de son fils. Et nous sommes d’accord qu’une punition infligée à son enfant a pour but principale la leçon de morale. On cherche par là à corriger le faux pas de l’enfant et non pas à le faire souffrir inutilement. C’est donc que l’exil corrige ce travers là, celui de la haine gratuite. Essayons de déchiffrer comment.
Avez-vous remarqué la différence entre les synagogues de diaspora et celles d’Erets Israël ? En Israël, il y a des synagogues d’ashkénazes, de sépharades, d’orthodoxes, de juifs sionistes, de ‘Habad, de Breslev etc. tandis qu’en Europe ou en Amérique, à part quelques cas isolés, nous retrouvons des synagogues où toutes les Kippot sont mélangées. Il y en a des noires, des blanches, des tricotées et même de celles qui s'enlèvent une fois hors de la synagogue… un vrai “melting pot”. Comment expliquer une telle pluralité ?
Cela tient principalement au fait que lorsqu'on se trouve en diaspora parmi les non-juifs, on a besoin de s’identifier, de se soutenir, de s’entraider face à l’autre, qui nous est parfois hostile. En Israël actuellement, le peuple israélien ne vit pas dans cette réalité : tout le monde est juif, il n’y a donc plus de raisons de se serrer les coudes. Commençons à bien se différencier les uns des autres pour mieux s’affirmer. Chapeau noir = ‘Harédi, Kippa tricotée = juif du courant sioniste, Shtreimel = ‘Hassid etc. Les disparités vestimentaires ne sont que le reflet des différences idéologiques et identitaires. Un besoin viscéral d’originalité. Je ne pense pas comme lui, je ne m'habille pas comme lui, je ne suis pas comme lui !
L’inverse d’un juif de diaspora où l’on cherche par tous les moyens à être comme l’autre, ne serait-ce que sur un seul point…
Fort de ce constat, nous comprenons que l’exil n’est pas une punition « exagérée » mais un remède miracle contre cette gangrène qu’est la haine gratuite.
Après avoir compris le sens de la « punition », essayons à présent de comprendre la gravité de la faute.
Est –ce si grave de haïr son prochain ? Est-ce grave au point que D.ieu détruise son Temple qui représente le but ultime de sa Création, comme il est écrit « D.ieu désira ardemment avoir une résidence ici-bas » (Midrach Parachat Nasso, Psikta Rabbati alinéa 7) ? Et puis, même si un juif n’aime pas son prochain, il reste tout de même un bon juif, non ?
Le peuple d’Israël n’est pas un peuple comme les autres. Il fut un peuple choisi et façonné par D.ieu dans le but de s’unir à Lui et de véhiculer son message aux nations, montrer l’exemplarité. Pour répondre de ce dessein solennel, D.ieu l’a peaufiné durant plusieurs générations en commençant par des particuliers qualifiés à recevoir la faculté divine, tel que Adam le premier homme, Chem, ‘Noah, ‘Ever, Avraham jusqu’au moment où une communauté se forma, apte à recevoir l’esprit divin : les douze fils de Jacob, qui donnèrent ensuite naissance à un peuple que D.ieu guida spécialement afin de faire reposer sur lui Sa présence. « A partir de ce moment-là, (lorsqu’un peuple se constitua), le divin, qui jusqu’alors n’avait résidé que sur des individus, commença à reposer sur toute une communauté. D.ieu se mit alors à la protéger, à la faire croître, à l’éduquer en Egypte comme un arbre en bonne souche qui pousse et donne des fruits parfaits. » (Khouzari livre premier, alinéa 95)
Ce n’est qu’après toute cette préparation que D.ieu put, si l’on peut s’exprimer ainsi, faire résider Sa présence sur son peuple, comme il est dit « Je résiderai au milieu d’eux » (Exode 25, 8). C’est alors qu’on atteignit l’apogée, celle que le Zohar défini par l’expression suivante « D.ieu, la Torah et Israël ne forment qu’une seul entité ». Une symbiose parfaite entre ces trois unicités, celle de D.ieu, de la Torah et du peuple d’Israël.
Cependant, pour que nous soyons toujours dignes d’être mis sur le même piédestal que celui de D.ieu et de la Torah, il y a comme un passe-droit à avoir, celui par lequel nous pourrions être confondus, attachés, c’est l’Unicité. La seule chose qu’il nous est réellement donné d’être en tant que peuple pour ressembler à D.ieu et à Sa Torah, c’est l’unicité du peuple, une union indispensable pour créer l’osmose.
C’est sans doute pour cela que Hillel dit à celui qui souhaita se convertir et apprendre la Torah : « Ne fait pas à d’autres ce que tu ne veux qu’il te soit fait, tout le reste n’est que commentaires » (Chabbat 31), le passe-droit nécessaire à l’acquisition de la Torah et à l’entrée au sein de la communauté juive.
Avons-nous bien intégré le message de l’exil ? Avons-nous saisi que son but n’était autre que de nous ressouder ? Partant de ce principe, nous devrions nous demander si les guerres en Israël et les tirs de roquettes n’ont pas le même but…