Lors d’un récent voyage en avion, j’ai pris place sur mon siège, fatigué et en proie à la faim. Je fais partie des rares personnes à ne pas être incommodé par la nourriture servie dans l’avion, et j’attendais donc impatiemment mon repas. À l’approche de l’hôtesse de l’air, je fus déçu d’apprendre qu’ils n’avaient pas mon repas Cacher, mais je fus encore plus déçu de la désinvolture avec laquelle elle m’en informa. Je n’ai ni levé la voix ni manifesté d’agressivité, mais je dois admettre que j’ai senti ma pression artérielle augmenter et mes muscles se tendre lorsque j’ai vivement protesté : comment était-ce possible ? J’avais ordonné un repas spécial à l’avance, payé dans le cadre du vol, et ils ne me le fournissaient pas, sans afficher le moindre remords ?
Elle me gratifia d’un « désolé » sans enthousiasme qui ressemblait plus à un « oh, eh bien tant pis » et je commençai à m’agiter sur mon siège et à composer mentalement le message de plainte à envoyer à la compagnie aérienne. Peu de temps après, une autre hôtesse s’adressa à moi pour m’expliquer ce qui s’était passé. Quelqu’un d’autre avait commandé un repas sans gluten et mon repas lui avait été servi par erreur. Elle répondit que c’était entièrement de la faute de l’équipage, elle endossa toute la responsabilité de l’erreur, s’excusa et poursuivit en m’assurant qu’elle rassemblerait des produits Cacher des autres repas afin de me procurer de la nourriture.
Je me détendis immédiatement et ce fut à mon tour de balayer cette erreur et de lui dire que ce n’était pas bien grave : ces choses-là se produisent, elle ne devait pas se faire de souci, et je pouvais me passer d’un repas. J’éliminai le message que j’avais prévu mentalement, mon corps se détendit et je replaçai ce désagrément à sa juste perspective.
Assis dans mon siège, je réfléchis (les voyages en avion sont parfaits pour ça) et réalisai que rien n’avait changé à propos de mon estomac qui gargouillait et de mon repas manqué, mais mes sentiments étaient totalement différents, non seulement parce qu’ils avaient trouvé mon repas, mais parce qu’ils étaient sincèrement désolés.
La plupart des gens veulent simplement entendre quelqu’un endosser la responsabilité et présenter des excuses sincères.
Une étude publiée dans le Journal of Patient Safety and Risk Management révèle que le personnel médical et les médecins prêts à discuter, à s’excuser et à résoudre des événements médicaux défavorables par un « programme de résolution à communication collaborative » a connu une baisse sensible en termes d’actions en justice, de coûts de la défense, de coûts associés à la responsabilité civile et du temps requis pour fermer ces dossiers. D’après cette étude, 43 % des cas d’ erreurs médicales ont été résolus avec de simples excuses.
Même avec des erreurs qui prêtent à plus de conséquences qu’un repas d’avion, la plupart des gens veulent entendre quelqu’un endosser la responsabilité de l’erreur et présenter des excuses sincères.
L’an dernier, une certaine Lauren a tweeté le message suivant :
Je viens de lire quelque chose sur l’idée de remplacer « Je suis désolé » par « Merci. » Alors, au lieu de dire : « Désolé, je suis en retard », dites plutôt « Merci de m’avoir attendu. » Remplacer la négativité par la positivité et la gratitude brise le cycle du « Je suis désolé. » Puissant message.
Ce tweet est devenu viral avec près de 800 000 personnes qui cliqué sur « Like » et 230 000 qui l’ont retweeté. Il a certes fait grand bruit, mais ce n’est pas nécessairement un bon signe. Contrairement aux apparences, assumer ses responsabilités et s’excuser ne relèvent pas du domaine de la positivité et de la négativité. Il n’est pas question d’éviter de se sentir mal. S’excuser appartient au domaine de la responsabilité, indépendamment des sentiments que l’on ressent.
Le Choul’han Aroukh (606:1) explique si nous avons blessé quelqu’un, en action ou en parole, nous devons assumer la responsabilité et nous excuser. Si nous ne sommes pas pardonnés au départ, nous devons revenir à la charge une seconde et même une troisième fois, peu importe si cela nous donne un sentiment négatif, et demander pardon à plusieurs reprises. Cette règle s’applique toute l’année et à toute personne que nous avons offensée, intentionnellement ou accidentellement.
Une recherche publiée dans le Journal of Negotiation and Conflict Management du mois de mai 2016 relève qu’il faut six éléments pour former des excuses efficaces, mais l’élément le plus important est une reconnaissance de responsabilité. « Merci d’avoir attendu » n’est pas du même niveau que : « Je suis désolé d’avoir tardé et de t’avoir fait attendre. »
Dr. John Gottman est parvenu à la même conclusion sur le mariage. Il a découvert qu’au lieu de tenter de changer son conjoint, on peut adopter quatre mesures pour améliorer la relation, et la plus importante étant d’assumer ses responsabilités. Il écrit : « Nous sommes responsables de la manière dont nos propos et actions affectent les sentiments de notre partenaire. Excusez-vous auprès de votre partenaire en assumant la responsabilité du problème, même partiellement, et cela valide leurs sentiments, encourage le pardon et vous permet à tous deux d’avancer. » Et de conclure : « Plutôt que de tenter de changer votre partenaire, devenez le moteur du changement que vous désirez instaurer dans votre relation. »
D.ieu n’a pas puni Adam et Ève lorsqu’ils ont commis l’erreur de manger de l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Il les tint pour responsables lorsqu’Il les appela : « Ayéka - où êtes-vous » et qu’ils manquèrent de saisir l’occasion d’assumer leur responsabilité.
En outre, Rav ‘Haïm Chmoulévitz (Si’hot Moussar 15) souligne que la monarchie a été accordée à Yéhouda en particulier parce que lorsqu’il a été confronté à un défi, il a assumé la responsabilité de sa transgression et a déclaré : « J’admets qu’elle est plus vertueuse que moi ! » Remarquez que Yéhouda n’a pas dit : « Merci, Tamar, de m’avoir laissé t’accuser faussement, de t’avoir fait honte, ce qui t’a presque coûté la vie. » Le leadership exige d’avoir la volonté de dire : « Elle a été correcte et moi je me suis trompé, et j’en suis responsable. »
Les hôtesses de l’air, les professionnels de la médecine et chacun d’entre nous seront un jour ou l’autre inévitablement confrontés à la question : « Ayéka ? Où étais-tu ? » lorsque nous avons fait patienter quelqu’un, donné par erreur un repas à quelqu’un d’autre, commis une erreur dans son traitement médical, ou autre.
Soit nous manquons de répondre à cet appel, sachant qu’il donne un sentiment de négativité, soit nous assumons avec positivité nos responsabilités ; ce choix révèlera tout sur notre personnalité.
Rabbi Efrem Goldberg de Aish