Il n'y a rien de tel que de se réveiller avec un texte qui dit : "As-tu vu ce qu'ils ont publié à ton sujet sur les réseaux sociaux ?"
Certes, lorsque vous êtes une personnalité publique, surtout si vous vous mettez en avant en prenant la parole, en écrivant des articles et en exprimant des opinions, les critiques non sollicitées sont inévitables et sans surprise. En revanche, lorsqu'elles sont exprimées durement ou injustement, cela irrite.
J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps à la citation attribuée à Eleanor Roosevelt : "Ce que les autres pensent de moi ne me regarde pas." Tout en me réconfortant, je me suis demandé : est-ce vrai ?
Lors des négociations avec les tribus qui voulaient s'installer à l'est du Jourdain, Moché leur dit qu'une fois la terre d'Israël entièrement conquise, alors (Bamidbar 32,22) : "Vihitèm Nékiim MéHachem Oumiisraël" "Et vous serez quittes envers D.ieu et envers Israël". Sur cette base, la Michna (Chékalim 3,2) nous oblige non seulement à éviter de faire une mauvaise chose, mais à éviter même la perception que l'on a commis une violation. Nous devons rester innocents aux yeux, non seulement de D.ieu, mais aussi de nos semblables. Le ‘Hatam Sofer (Téchouvot 6,59) écrit qu'il a été troublé toute sa vie par cette obligation et cette responsabilité. En effet, c'est une chose d'être purs aux yeux d'Hachem, puisqu'Il connaît la vérité et sait ce que nous faisons, en revanche, s'attendre à ce que nous puissions mener nos vies de manière à ce que personne ne puisse y jeter un doute ou une critique semble presque impossible.
Nous avons une loi appelée Marit Ha’ayin, une interdiction de faire quelque chose qui peut être interprété comme une violation de la loi juive. Vous avez probablement entendu ce terme invoqué lors de la discussion de la possibilité de rentrer dans un restaurant non-Cachère pour commander une boisson Cachère ou utiliser les toilettes.
Rav Moché Feinstein (Iguérot Moché Ora’h ‘Haïm 2,40, 4,82) explique que le problème de Marit Ha’ayin est que quelqu'un interprète de façon erronée que quelque chose de mal est en fait convenable, et en viendra ainsi lui-même à violer une loi. D’autre part, le concept similaire de ‘Hachad (suspicion) est le fait de se comporter d'une manière qui incitera les autres à se méfier de vos actes répréhensibles, même si cela n'aura pas d'impact sur leur propre comportement.
Le dénominateur commun des deux interdits est que, dans les deux cas, je dois me préoccuper de ce que les autres pensent de moi et réguler mon comportement en conséquence. Ou peut-être pas.
La Paracha de Vayakèl comporte l'obligation d'assembler le Kiyor, la cuve que les Kohanim utilisaient pour se laver les mains et les pieds en vue de la ‘Avoda, le service du Michkan. Lorsque les hommes ont considéré la persécution et l'oppression qu'ils subissaient en Égypte et ont renoncé à un avenir meilleur, ils ont refusé de mettre des enfants au monde. Cependant, les femmes pieuses sont restées optimistes, pleines d'espoir et pleines de foi. Elles se servaient de leurs miroirs pour s'embellir et rapprocher leurs maris. A présent, ils ont fait don de ces mêmes miroirs au Michkan pour qu'ils soient utilisés dans ses ustensiles sacrés. Rachi nous dit que Moché a rejeté ce cadeau, troublé que des accessoires de "vanité" soient utilisés dans le saint Michkan, mais Hachem lui a dit que ce sont, en fait, les cadeaux les plus saints, et qu'ils doivent être acceptés.
Peut-être que pendant que les Kohanim se préparaient à faire leur service, ils avaient besoin de regarder dans ces miroirs, d'examiner leur vie, leurs décisions et leur comportement, et de considérer comment ils étaient perçus par ceux qui les entouraient. Ce n'est que lorsqu'ils pouvaient se regarder avec succès dans le miroir et être satisfaits, qu'ils pouvaient continuer à faire la ‘Avoda, à servir dans le saint Michkan.
Oui, nous devons considérer l'impact de notre comportement sur les autres, comment il sera perçu, ce que les autres pourraient en apprendre et quel type d'impression ou de fausse impression nous pourrions donner. Marit Ha’ayin est quelque chose dont nous devons être conscients. En même temps, si nous pouvons nous regarder dans le miroir et être véritablement satisfaits, je pense que nous n'avons pas besoin de regarder en arrière et de réfléchir à la façon dont les autres réagissent ; nous devrions plutôt nous rappeler que ce que les autres pensent de nous ne nous regarde pas.
Lorsque des gens, en particulier des étrangers, font des commentaires désagréables, cela en dit beaucoup plus sur eux que sur nous. Oui, nous devrions nous demander si le message a de la valeur, même (peut-être surtout) lorsque nous n'aimons pas la personne l’ayant écrit ou la façon dont elle a conçu son message. Mais si le message est injuste, si nous pouvons nous regarder dans le miroir et être honnêtement satisfaits de ce que nous voyons, nous ne pouvons et ne devons pas absorber la négativité projetée sur notre chemin.
Dans mon enfance, ayant grandi à Teaneck, nous avions un barbier nommé Chubby. Sur son miroir, il y avait une pancarte qui disait : "Celui qui se taille pour convenir à tout le monde se taillera bientôt lui-même." Nous ne pouvons tout simplement pas rendre tout le monde heureux tout le temps, et nous ne devrions pas non plus essayer. Nous devons être purs aux yeux d'Hachem et faire de notre mieux pour nous comporter d'une manière irréprochable pour les autres. Mais une fois que nous le faisons, non seulement nous ne devrions pas prendre trop au sérieux ce que les autres disent de nous, mais nous ne devrions même pas écouter.
Un collègue m'a récemment raconté comment sa secrétaire commençait à lui dire ce que les autres disaient à son sujet. Il l'a coupée et a demandé : "Est-ce important de le savoir ? Pensez-vous que j'ai fait quelque chose de mal ?" Quand elle a répondu non, il a dit : "Dans ce cas, je préférerais ne pas savoir. S'il vous plaît, ne me dites rien." Elle était incrédule et époustouflée qu'il ait la discipline de ne pas vouloir ou avoir besoin de savoir ce qui se disait. Si ce que les autres pensent de moi ne me regarde pas, pourquoi voudrais-je le savoir ?
A la fin de notre ‘Amida, nous demandons à Hachem : "Vélimkalélay Nafchi Tidom" "que mon âme se taise à ceux qui me maudissent". Il est compréhensible que nous demandions le courage et la force que nos lèvres restent silencieuses, mais que signifie demander à notre âme d’en faire de même ? Peut-être que nous ne craignons pas de réagir ou de répondre durement, mais nous craignons que la malédiction ou la critique d'une autre personne puisse tourmenter et torturer notre âme. Et donc nous demandons que notre âme reste silencieuse, ne devienne pas brisée ou frustrée par ce que les autres disent de nous.
Nous devons faire de notre mieux, et lorsque nous sommes convaincus de l'avoir fait, nous devons travailler à ne pas trop nous soucier de ce que les gens disent. Si tout le reste échoue, souvenez-vous de cette généralité (origine inconnue) : "Quand vous avez 20 ans, vous vous souciez de ce que tout le monde pense, quand vous avez 40 ans, vous arrêtez de vous soucier de ce que tout le monde pense, quand vous avez 60 ans, vous réalisez qu’en réalité, personne n'avait jamais pensé à vous."
Rabbi Ephrem Goldberg