La vie est pleine de surprises. Il y en a des bonnes et d’autres qui nous apparaissent comme terriblement mauvaises. Mais le sont-elles vraiment ? En Israël nous sommes sortis du confinement. En France, on vogue entre déconfinement et reconfinement. Cette réalité se retrouve un peu partout dans le monde. On ouvre et puis on confine. Combien de temps et d’argent avons-nous perdus avec ce virus ?! Mais sommes-nous vraiment les perdants de cette histoire ?
La Torah nous raconte l’histoire de la vente de Joseph ainsi que les péripéties qui lui ont succédé. Le pauvre jeune homme s’est retrouvé esclave au service d’un couple de fous furieux. Il finit par être jeté dans une geôle sordide. Il a tout perdu. Il ne s’est pourtant pas plaint. Il a continué à croire. Rachi nous dit que le nom de D.ieu ne quittait pas sa bouche. Il était confiant. Car il savait qu’un mal cache souvent un bien. Il devint finalement Premier ministre de Pharaon et nourrit ses frères, une belle réussite. Joseph nous apprend qu’il faut garder un œil positif sur les choses, même les plus mauvaises. Le Talmud raconte l’histoire de Rabbi Akiva. Il se rendit un jour dans une ville où il demanda l’hospitalité. Mais après le refus des habitants, il fut obligé de dormir dans la forêt. Il avait avec lui un âne, un coq et une bougie. L’âne fut dévoré par un lion, le coq par un chat et la bougie fut soufflée par le vent. Quelle malchance ! Cela n’empêcha pas Rabbi Akiva de répéter : « Tout ce que D.ieu fait, c’est pour le bien qu’Il le fait » Il découvrit ensuite qu’une armée avait assiégé la ville et capturé tous ses habitants. Il comprit alors comment D.ieu l’avait protégé de cette tragédie. Nahoum Ich Gamzou, le maître de Rabbi Akiva, vécut une aventure similaire à celle de son illustre élève. Il fut choisi par la communauté pour apporter un coffret de pierres précieuses au roi. Ces dernières lui furent dérobées par l’aubergiste qui le logeait. Lorsque Nahoum constata que son coffret contenait du sable à la place des pierres précieuses, il s’écria : « Cela aussi, c’est pour le bien ! » Rabbi Akiva et son maître savaient qu’avec D.ieu qui perd gagne. Au-delà de la couche d’obscurité des épreuves de la vie, ils savaient révéler la bonté de D.ieu et inverser les apparences pour révéler l’intériorité des choses. C’est possible ! On doit seulement Lui faire confiance.
Cette crise sanitaire que nous vivons tous nous permet de retrouver du temps perdu, de se recentrer sur l’essentiel, la famille, les amis, la Torah et notre judaïsme. C’est une occasion unique de se retrouver. Après qu’Adam ait fauté, D.ieu lui demanda : « Où es-tu ? » Cette question nous devons nous la poser en permanence : « Où sommes-nous ? » Sommes-nous les héros ou les zéros de notre légende personnelle ? Les confinements successifs nous obligent à nous questionner et à créer de nouveaux rapports vis-à-vis des autres, mais surtout vis-à-vis de nous-mêmes. Si l’on conserve un bon œil, on peut découvrir la lumière en chacun de nous. On a le temps de définir sa mission dans la vie. Ben Azzai avait l’habitude de dire, ... « Il n’est personne qui n’ait son heure, et il n’y a rien qui n’ait sa place. » Cela s’applique aussi à la période que nous vivons. La période de confinement ou de couvre-feu nous “offre” ce temps d’ordinaire si précieux.
Rav Moshé Haïm Luzzatto écrit que l’une des ruses du mauvais penchant est de nous distraire. Il nous bombarde de sollicitations diverses et nous empêche ainsi de réfléchir et de nous réaliser. Ceci est d’autant plus vrai à notre époque. La société moderne nous pousse à vivre à l’extérieur de nous-mêmes. La Torah, cependant, nous demande de construire nos mondes intérieurs – d’entretenir notre individualité de l’intérieur, car ceci est l’essence de l’homme. Rav Luzzatto propose donc de nous recentrer sur nous-mêmes par la « Hitbodedout », la méditation. Rav Shlomo Freifeld écrit à ce sujet : « Je réfléchis à ma propre expérience, quand j’ai finalement commencé à faire quelque chose de ma vie..., et je me rappelle clairement ce jour. En ce temps-là, j’étais à la yéchiva entouré d’un groupe de jeunes gens brillants, frôlant le génie. Ils étaient mes amis, mes associés, mes modèles, et je tentais de prendre exemple sur eux. C’est alors qu’un jour, alors que j’étais assis seul dans ma chambre, je mis ma tête dans mes mains, et j’eus une discussion à cœur ouvert avec moi-même. « Tu n’es pas brillant », me dis-je, « tu n’es pas un génie ni même presque un génie. Tu dois être celui que tu es. Tu dois commencer ton étude par l’acquisition des bases fondamentales et à partir de là progresser. Il n’existe pas de raccourcis pour toi. » Croyez-moi, l’expérience fut douloureuse, j’avais senti comme si on m’avait transpercé d’un poignard. Mais ce fut ma libération, mon exode personnel. Ce jour-là fut le tournant de ma vie. » Il suffit d’une bonne introspection pour devenir le héros de sa légende personnel.
Concluons par une petite histoire : Il était une fois un roi qui n’avait pas d’enfant. Après des années de supplications, il eut un fils. Il chérissait le prince comme la prunelle de ses yeux et lui offrit toutes sortes de cadeaux. Malgré cela, le prince était malheureux. Il avait tout, mais il se sentait vide de tout. Il passait ses journées dans sa chambre à se perdre dans des pensées mélancoliques ou à jouer de la harpe. Un jour, il entendit qu’un grand sage rendait visite au roi. Il pensa que ce dernier aurait sans doute un remède à sa tristesse. Lorsque le sage fut dans le palais, il le consulta. Il lui exposa ses sentiments et lui demanda son aide. Le sage lui dit alors : « Il y a dans la contrée Plounith, à l’endroit Almoni, une pierre merveilleuse. Elle soigne les malades de tous leurs maux et réjouit le cœur des mélancoliques. Si tu la trouves, tu seras heureux pour toujours. Mais fais très attention. Elle est protégée par un sorcier vil et cruel. Il transforme en bloc de pierre tout celui qui s’en approche. » Les paroles du sage plurent au prince. Il décida de partir à la recherche de la pierre merveilleuse. Après avoir convaincu le roi et la reine, il prit la route. Suite à maintes péripéties, il parvint au lieu que lui avait décrit le sage et où se trouvait la pierre merveilleuse. Elle était placée dans un écrin entouré de blocs de granite. Le sorcier se tenait à proximité et la surveillait d’un regard farouche. Le prince sortit alors sa harpe et en joua. Il en joua si bien que le sorcier s’endormit. Le prince en profita pour prendre la pierre et s’enfuir. De retour au palais, il l’examina. Il ne lui trouva rien d’extraordinaire. En fait, elle lui apparaissait comme une simple roche transparente. Il la posa dans un coin de sa chambre et replongea dans sa mélancolie. On annonça alors que le sage rendait une nouvelle visite au roi. Le prince profita de l’occasion pour le confronter. « La pierre dont tu m’as parlé ne possède aucun pouvoir, lui dit-il. Ce n’est qu’une vulgaire roche sans valeur. » « Tu dois la tailler et la rapprocher du soleil. Ses rayons réjouiront ton cœur. » Le prince tailla donc la pierre et la plaça en face du soleil. Des rayons fabuleux, une brillance extraordinaire, et des couleurs magnifiques en sortirent. Le spectacle était si beau qu’il illumina le cœur du prince. Il accrocha la pierre sur le fronton de la fenêtre de sa chambre, juste en face de son lit. Il pourrait ainsi la voir à son coucher et à son lever. Chose faite, il décida de sortir de sa retraite. Il améliora ses traits de caractère en aidant le roi, la reine ainsi que tous les sujets du palais. Il s’investit dans les affaires du royaume et bonifia la vie de ses habitants. Il soutenait les pauvres. Il contribuait à la guérison des malades. Il réjouissait le cœur des mélancoliques avec sa harpe. Il fit la fierté de ses parents, le roi et la reine, ainsi que de l’ensemble du royaume. Il rayonnait. Lorsque le sage revint au palais, il le remercia grandement pour sa pierre merveilleuse. « Tu n’as pas à me remercier, reprit le sage. Tu as compris que la vie est comme cette pierre. Il faut la tailler afin qu’elle reflète les lueurs du soleil. Elle rayonne alors, et devient la plus précieuse de toutes les merveilles. »