Si vous désirez acquérir un Vuitton, vous avez deux possibilités : soit mettre le prix et l’acheter à la maison-mère (ou dans l'une de ses succursales agréées), soit vous accommoder d’un faux, en prenant en compte que la qualité et la texture seront en conséquence.
Mais il faudra courageusement assumer son choix.
Le vrai est beau, très cher, rare, original, ne se vend pas dans les petits commerces et en général tient toute une vie.
Le faux est cheap, reste une reproduction - plus ou moins réussie - et n’est pas censé tenir la route longtemps. On a le droit d’opter pour le plagiat, chaque homme est libre de gérer ses achats et son budget comme il le veut. Mais il ne faudra pas se plaindre que la marchandise est défectueuse, qu’on nous a trompés et qu’une anse s’est déjà détachée après un mois. Un homme avisé, c’est évident, qui aura opté pour un objet de marque, vérifiera la provenance du produit et cherchera où se trouvent les points de vente attestés. C’est une précaution minimale lorsqu’on s’apprête à faire un achat coûteux.
« Maison fondée en… »
Si donc on a opté pour l’original, le « vrai », que ce soit un whisky, un parfum ou un bijou, l’objet devra porter une inscription attestant de l’ancienneté et du sérieux de la maison de laquelle il est issu, label de respectabilité et de confiance.
Tradition est le terme qui revient fréquemment pour présenter ces objets prisés, car il fait écho à quelque chose d'ancestral, de familial, d'authentique et au final, de rassurant. Le procédé de fabrication est en général transmis de père en fils, de génération en génération, dans un souci minutieux de préserver cette tradition, et le moindre changement dans les ingrédients serait lourd de conséquences car il ferait perdre au produit la pertinence de sa qualité et de sa crédibilité.
Les procédés utilisés par ces grandes marques sont souvent tenus secrets. Le tour de main, les étapes de la confection et le choix des matériaux sont jalousement conservés. C’est ce qui fait la qualité de l’objet et lui confère tout son attrait. À ce prix, le client est exigeant et il ne faut pas le décevoir !
Mais attention, la présentation, elle, pourra évoluer au gré des époques. Le logo du Johnny Walker de grand-papa a été passablement stylisé, et il n’y a aucun mal à cela. De même pour l’emballage. On a le droit de se mettre au goût du jour tant que la source de production est la même et les tonneaux sont bien ceux de la cave originale.
Même le Coca-Cola, boisson populaire par excellence, doit garder son rang et personne ne peut arbitrairement en changer les ingrédients. La recette de l’original taste, inventé en 1886 par un pharmacien d’Atlanta, est depuis lors restée cachée comme un secret d’État, même si le logo a été sans cesse relooké.
Vrai pour un fromage, faux pour le judaïsme ?!
Alors comment se fait-il que ce que l’on conçoit comme évident pour un Camembert ou un St Marcellin, cette passation minutieuse d’un savoir-faire qui donne au produit toute son excellence, ne soit plus évident lorsqu’il s’agit d’une tradition ancestrale, plusieurs fois millénaire, codifiée à la perfection, qui a fait ses preuves dans tous les domaines, moderne à toutes les époques et pertinente aujourd’hui plus que jamais ?
Soudain, lorsqu’il s’agit du judaïsme, certains se plaignent que la formule originelle n’est plus d’actualité, on pense qu’il faut ouvrir, aérer, remanier les ingrédients, renouveler et repenser la recette primaire, s’adapter, plaire à nos voisins et se vendre très bon marché. Comme si un nouveau venu à la direction des champagnes “Moët & Chandon” se prenait de modifier les ingrédients qui ont fait le succès de l’entreprise depuis 250 ans, proposant d’abolir le procédé centenaire de fermentation, la mise en tonneau (ça irait tellement plus vite directement en bouteille…) et ainsi d’amener doucement la respectable société à la faillite.
Qui achèterait ces nouvelles méthodes ? Quelle direction d’entreprise sérieuse permettrait de remettre en cause la science des anciens, l’expérience accumulée au fil des années, le soin délicat conféré au produit qui a donné à la société ses lettres de noblesse ?
Il faut savoir que pour obtenir l’appellation « Champagne », il faut tout d’abord que la production vienne exclusivement de la région de Champagne et qu’elle soit soumise à une réglementation excessivement rigoureuse dans les domaines de la plantation, la viticulture, la vendange, le pressurage, qui se ramifie encore en des centaines de sous-conditions ; ce n’est qu’une fois toutes les clauses respectées qu’on pourra enfin mériter le label convoité. Et tout cela pour un alcool pétillant, mais qui tient dur comme fer à sa renommée…
Usurpateur ou plagiaire ?
Le problème n’est pas tant dans le plagiat : lorsque vous êtes unique, génial, original, attendez-vous à être copié. Même plus que cela, le plagiat est la preuve qu’on vous admire et qu’on vous envie.
Le problème est dans la mauvaise foi du copieur. Et il en faut une bonne dose pour continuer à activer la planche à faux billets tout en criant haut et fort qu’on est le « vrai », le « genuine », le fils vertueux de la maison-mère, qu’on en a le tampon authentique, et que ceux qui ne nous reconnaissent pas comme tels sont des ignorants figés et retardés.
La question est de savoir si le faussaire, à force de « fausser », se rend compte de l’absurde de son discours, ou s’il est déjà dans une hallucination collective.
Si la Réforme se présentait comme une dissidence, une branche séparée, une nouvelle religion, elle ne dérangerait personne.
Ceux qui le désirent, avertis d’avance, sauraient qu’ils achètent une imitation, pâle, exsangue, à mini prix, et qu’ils adoptent un rite qui n’a plus rien à voir avec l’original. Mais le faussaire prétend ! Pire ! Il dénonce l’original. On aura tout vu !
613 problèmes
Dans les sphères réformées, le problème de votre judéité est vite résolu : vous restez un bon juif - vous évitant ainsi les douleurs de la culpabilité -, tout en vous débarrassant de 613 complications.
Le Chabbath sera agrémenté de musique et de 39 travaux permis, pour le Séder de Pessa'h, la table s’enrichira du choix pluraliste de pain azyme et de pain « tout court », et bien sûr les conversions permettront de s’envoler rapidement en lune de miel. On revendique l’évolution des mœurs, l’influence bénéfique du savoir des Nations, pour renier le message divin et absolu du judaïsme authentique.
En moins d’une génération, ce n’est pas seulement l’anse qui lâche, c’est tout le sac qui part en poussière ; c’est un exit silencieux, sans coups de feu tirés, sans pogrom et sans massacre. Avec élégance, les persuadant qu’ils sont encore dans la course, les dirigeants de ces communautés ouvrent à leurs ouailles une porte qui donne sur le vide, comme dans les films burlesques. Mais cette fois c’est à pleurer, car le gouffre est béant. Il faut lire les taux d’assimilation aux USA. Des pans entiers du peuple juif, des familles par dizaines de milliers s’éteignent doucement, à la dérive de leurs racines, sans plus d’identité.
Le père de tous ces courants, Moses Mendelssohn, homme du 18ème siècle, éclairé, encore pratiquant lui-même, a commis l’irréparable : toucher à l’intouchable, au canon absolu, à la parole de D.ieu. Il a comparé son patrimoine à celui de Voltaire et de Rousseau, qui lui, avait en effet bien besoin d’être retapé. Les droits de l'Homme, nous les connaissons depuis bien plus longtemps qu’eux, ils sont inscrits en lettres de feu dans nos Rouleaux Saints. Alors que nous les recevions au Sinaï, les ancêtres des nations sacrifiaient leurs enfants sur des autels.
Merci, mais nous n’avons de leçons à prendre de personne…
« Elé toldot Moses Mendelssohn… »
Toute la descendance de Mendelssohn s’est convertie au protestantisme. Son petit-fils Felix, célèbre compositeur de musique, n’avait depuis longtemps plus rien à voir avec la communauté.
Les dégâts que le grand-père provoqua sont incommensurables pour sa propre famille et son peuple.
Ne péchons pas par naïveté ni par négligence. Si quand il s’agit d’un fromage de qualité, on veut le « vrai », n’a-t-on pas aussi l’obligation d’exiger « l'appellation d’origine contrôlée » lorsqu’il s’agit du tracé de notre vie et celui de nos enfants ?
Les enjeux ici sont bien au-delà de ceux d’une distillerie de luxe ou d’une chocolaterie haut de gamme.
Il y va de la pérennité du peuple de D.ieu.