Nous évoquerons quelque peu le sujet des relations de l’homme à son prochain, car c’est un domaine qui doit être renforcé. Par exemple, un homme peut agir bien dans l’ensemble, mais être très déficient dans le domaine des relations à autrui. Un exemple : un homme souhaite agrandir son appartement parce que sa famille s’est agrandie, il lui faut à cet effet l’accord des voisins ; or, il arrive fréquemment qu’un voisin ne donne pas son accord en avançant divers prétextes pour expliquer que ça le dérange. En revanche, s’il a bon cœur, il acceptera de suite, que lui importe-t-il si la famille de son voisin est moins à l’étroit dans son appartement ! Il faut de toute manière s’améliorer dans le domaine des relations humaines.
On voit de là la prudence qu’il convient d’exercer dans ce domaine. Rabbénou Yona écrit dans Ch’aaré Téchouva (Cha’ar 3, 141) : « Celui qui fait honte à son prochain en public n’a pas de part au monde futur », ce qui n’a pas été dit à propos d’un meurtrier, car celui qui fait honte à son prochain ignore la gravité de sa faute, et n’a pas les mêmes regrets qu’un meurtrier, et est donc éloigné de la Téchouva.
Il va de soi que le meurtrier sera puni au Guéhinam (enfer), mais il n’est pas écrit qu’il n’a pas de part au monde futur, contrairement à celui qui fait honte à son prochain. La différence entre les deux : le meurtrier est conscient de ce qu’il a commis et il se peut qu’il ait des pensées de regret et se repente de ses actes, et, dans ce cas, aura droit au monde futur. En revanche, celui qui fait honte à son prochain en public n’a pas conscience de son acte, et, en ce sens, c’est bien plus grave qu’un meurtrier, c’est pourquoi il n’a pas de part au monde futur. C’est le processus : au départ, il fait honte à son prochain, et, ensuite, il en arrive à commettre un meurtre, car il délaisse le respect d’autrui, et en arrive jusqu’au meurtre.
Rien d’étonnant à ce qu’aujourd’hui on voit tant de tragédies, car c’est absolument abominable de tuer quelqu’un avec cruauté, on arrive à cette situation par manque de prudence dans le domaine des relations entre l’homme et son prochain. Or, la Torah insiste sur l’importance de la prudence dans ce domaine.
Rav Steinman raconte : une année, dans une synagogue importante de Bné Brak, on fit une remarque à l’officiant qui dirigeait la prière de Moussaf de Roch Hachana, car il enseignait dans des endroits peu convenables. On lui retira son statut d’officiant sur le champ, et un autre prit sa place. Je vis que lorsque l’autre homme prit sa place d’officiant, le premier officiant versa des larmes.
La même année, le deuxième officiant mourut subitement… qui connaît les calculs du Ciel ?
La prudence du Rav Steinman dans le domaine des relations au prochain
Lorsque le Rav Steinman donnait ses cours en été à la Yéchiva de Poniowitz, on allumait le ventilateur ou la climatisation et on veillait à l’orienter vers lui pour éviter qu’il ne souffre de la chaleur, mais, comme il est était en état de faiblesse, cette climatisation lui causait du tort et il s’enrhumait. Il aurait pu s’opposer à cette pratique et demander de ne pas orienter l’appareil vers lui. Or, le Rav ne dit rien, et lorsque la Rabbanite rencontra l’un des élèves de la Yéchiva, elle demanda à ce qu’on veille à sa santé et qu’on ne place pas de ventilateur en face de lui. En effet, il prenait lui-même mille précautions envers ses jeunes élèves.
L’un de ses petit-fils raconte qu’un été, déjà âgé, le Rav lui confia : « Ces dernières années, un Minyan a lieu chez moi pour les prières du Chabbath, et j’ai peur d’allumer la climatisation de peur de m’enrhumer et de tomber malade, mais on me l’a demandé avec tant d’insistance, alors j’ai pensé que si l’on allumait le climatiseur, et que je portais un vêtement chaud au mois de Tamouz, il serait possible de le brancher ». Malgré tout cela, en été, il tombait quelque peu malade en raison des climatiseurs allumés pour les auditeurs du cours présents chez lui et les fidèles venus prier au Minyan. Mais le Rav gardait le silence. [On précisera que le Rav paie de sa poche l’électricité nécessaire à l’allumage de ces climatiseurs, et refuse de prendre de l’argent des fidèles ou de toute autre personne demandant à financer ces frais destinés au public.] (Méa’horé Haparagod)
Pas un sourcillement
Autre histoire de conduite exceptionnelle dans ses relations au prochain, survenue le 24 Nissan 5771, à un moment où le Rav Steinman recevait le public alors qu’il était assis dans son lit. L’un des visiteurs posa sur l’oreiller la bassine de la Nétilat Yadayim contenant un ustensile rempli d’eau et s’assit sans faire attention. Soudain, l’ustensile plein d’eau se renversa sur le lit [le Rav est pointilleux sur le fait de laisser l’eau couverte pour cette eau d’ablution, et l’ustensile se trouvant dans la bassine ci-dessus portait un couvercle. En conséquence, l’Avrekh ne fit pas attention que l’eau pouvait se renverser]. Rabbénou ne sourcilla même pas, ne tourna pas la tête pour voir d’où provenait l’eau et savoir qui l’avait renversée, il continua à converser avec ses interlocuteurs. Après le départ des visiteurs, il s’avéra qu’il était mouillé, et qu’il devait changer tous ses vêtements, il fallut lui changer même les draps et le matelas, mais au moment de l’incident, il n’avait même pas tourné la tête. (Méa’horé Haparagod)
Mais j’ai raison !
Un érudit de Bné Brak qui devait prendre la parole pour une collecte urgente au bénéfice d’orphelins demanda au Rav Steinman ce qu’il devait dire. Et le Rav de répondre : « Dis-leur qu’il faut cesser de faire de la peine dans les relations entre l’homme et son prochain, à la maison et en famille, car des tragédies étranges comme celles-là surviennent en raison de problèmes dans les relations de l’homme à son prochain. Aujourd’hui, veille de Chabbath, un Juif est venu chez moi pour se plaindre d’épreuves bizarres et étranges qui l’avaient frappé. Je lui répondis que comme ces épreuves étaient tellement étranges, il devait sonder ses actions et examiner s’il n’avait pas failli dans ses relations à autrui en causant de la peine à quelqu’un. L’homme répondit qu’il n’avait jamais fait de peine à personne, et exerçait une grande prudence dans ce domaine. Je ne renonçai pas et lui demandai patiemment de réfléchir encore : de tels malheurs nécessitent d’approfondir la réflexion. Il se souvint alors d’une fois où il avait causé de la peine à un homme. "Mais dans ce cas, argumenta-t-il d’un ton assuré, j’avais raison et l’homme le méritait bien." Je répondis à mon tour : "Il existe des meurtriers dans le monde. Que penses-tu ? Que ces gens s’ennuyaient et c’est pourquoi ils ont décidé de commettre un meurtre ? A tous les coups, la victime les a embêtés, leur a volé quelque chose, les a frappés… mais eux, ont commis un meurtre. Dans ce cas, comment peux-tu me répondre : dans mon histoire, c’est moi qui avais raison. Même si tu avais raison, tu as failli en causant une grande peine à autrui. Celui qui a la justice de son côté n’a pas pour autant obtenu le droit de tuer, ni de faire preuve de cruauté, ni de commettre d’autres fautes". »
Rav David Schreiber