Reconnaissance : apprendre la midda appelée "Hakarat Hatov" (1/5)
Mis en ligne le Vendredi 1er Février 2013
Après un long voyage, le train arrive en gare et s’immobilise. Tous les passagers descendent et se rendent chacun vers leur destination. Seul un homme, un Rav se dirige vers le conducteur du train et lui adresse des remerciements pour le voyage. Devant l’étonnement de l’homme, le Rav lui explique que les efforts qu’il a faits pour les amener à destination dans les meilleures conditions et en toute sécurité méritent des remerciements. Le conducteur, ravi, lui répond qu’en 25 ans, personne n’était jamais venu le remercier pour cela. Quand les gens ont entendu parler de ce geste, il y eut plusieurs réactions.
Certains disaient qu’ils n’imaginaient pas qu’on devait remercier un conducteur de train pour ce qu’il a fait. D’autres riaient d’une telle réaction et disaient qu’on ne devait pas remercier le conducteur car on aurait pu arriver sans lui et de plus, il n’avait fait que son travail.
Il est écrit dans la Guémara Bérakhot 7 : « Rabbi Yo’hanan a dit au nom de Rabbi Chimon bar Yo’haï : depuis le jour où Hachem a créé le monde, personne n’a loué et remercié Hachem jusqu’à ce que vienne Léa et dise : cette fois, je loue Hachem. »
Rachi explique que Léa savait que Yaacov fonderait les 12 tribus à partir de 4 femmes. Quand elle enfanta son 4ème enfant, elle remercia Hachem car sa part devenait plus importante que les autres femmes de Yaacov. C’est pourquoi elle appela ce 4ème fils, Yéhouda qui signifie (reconnaissance, remerciement).
Nous apprenons de là que nous devons ressentir une reconnaissance à chaque fois qu’un bien nous est fait et ne pas être ingrat.
Rav ‘Haïm Fridlander explique que la Hacarat Hatov revêt plusieurs aspects. Elle doit s’exprimer non seulement envers Hachem, les hommes mais aussi envers les animaux et l’inerte.
Le Midrash raconte que Réouven a voulu sauver Yossef du puits car il se disait : « Lui qui m’a compté parmi les 12 tribus (au moment des rêves) comment ne le sauverai-je pas ? » Réouven était présent au moment où les frères condamnaient Yossef, pourtant, il s’est senti obligé de le sauver par la reconnaissance qu’il avait envers lui. Bien que Yossef n’ait rien fait pour Réouven, cette bonne nouvelle qu’il lui a involontairement donnée, justifiait une reconnaissance de Réouven.
Il n’est pas nécessaire que l’autre fasse une action pour lui témoigner de la reconnaissance.
De plus, la reconnaissance exige une attention et une sensibilité particulière comme nous le voyons avec Moché Rabbénou. Même une action commise indirectement mérite une reconnaissance. Les filles de Yitro dirent à leur père : « Un Egyptien nous a sauvées ».
Les Hakhamim comparent cela à un homme qui s’est fait mordre par un serpent, il court vers le fleuve pour guérir sa plaie dans l’eau. Arrivé près du fleuve, il voit un enfant se noyer, il saute dans l’eau et le sauve. L’enfant lui dit : « si tu n’étais pas venu, je serais mort ». L’homme lui répondit : « ce n’est pas moi qui t’ai sauvé mais le serpent qui m’a mordu ».
Ainsi, les filles de Yitro remercièrent Moché de les avoir sauvées. Moché leur répondit : « ce n’est pas moi qui vous ai sauvées mais l’Egyptien que j’ai tué. »
Nos Sages demandent pourquoi la mitsva de reconnaissance de l’homme envers les animaux concerne les ânes et non pas d’autres animaux impurs comme le cheval ou le chameau ? Ils répondent qu’au moment de la sortie d’Egypte, chaque Ben Israël possédait 90 ânes qui étaient chargés de tout l’or et l’argent qu’ils emmenaient avec eux. Ayant rendu service à Israël au moment de la sortie d’Egypte, Hachem récompensa cet animal en donnant une mitsva qui le concerne, le premier né de l’âne.
On apprend ainsi que la mitsva de reconnaissance ne concerne pas seulement les hommes mais aussi les animaux et de plus, qu’elle n’est pas limitée dans le temps puisque cette mitsva existe toujours.
La reconnaissance doit s’exprimer non seulement envers les animaux mais aussi envers l’inerte. Rachi explique que puisque le Nil avait recueilli Moché, il ne pouvait pas le frapper lui-même lors de la plaie du sang et des grenouilles mais il devait laisser faire cela à Aharon. De même, au moment de la plaie des poux, c’est Aharon qui frappa la terre.
Bien que l’eau et la terre soient des éléments inertes, pourtant, puisqu’ils ont servi à protéger Moché dans différentes circonstances, il se devait d’exprimer une reconnaissance à leur égard. S’il les avait frappés, cela aurait entaché la pureté de son âme et son sentiment de reconnaissance.
La Guémara Baba Kama (92b) dit : « ne jette pas de pierres dans le puits dans lequel tu as bu. »
Rachi explique qu’il ne faut pas mépriser une chose qui nous a un jour été utile.
Le Rif était invité chez un homme riche qui avait un hammam. Il le mit à la disposition du Rav qui en profita. Quelques années plus tard, cet homme fut criblé de dettes et dut vendre son bain.
On demanda au Rif de l’estimer mais il refusa en arguant qu’il avait profité de ce bain et qu’il ne pouvait pas estimer sa valeur afin de le vendre.
Rav Gostman qui était Roch Yéshiva à Jérusalem avait l’habitude d’arroser lui-même les plantes qui se trouvaient dans le jardin de la Yéshiva. Quand on lui en demanda la raison, il expliqua que pour s’enfuir de Russie, il avait dû se cacher sous des plantes qui l’avaient ainsi protégé. Il se devait donc d’être reconnaissant envers les plantes même si celles de la Yéshiva n’étaient pas les mêmes que celles de Russie.
La reconnaissance n’est pas une qualité qu’il est bien de posséder et si on ne la possède pas, cela ne serait pas un manque chez la personne. C’est une mida que doit posséder l’homme obligatoirement.