Si nous savons tous que la Torah nous ordonne de ne consommer que de la viande abattue rituellement, les détails de cet abattage et ce en quoi il consiste sont des notions moins connues. Les quelques lignes qui suivent vous proposent d’en connaître davantage sur cette pratique fondamentale des lois alimentaires juives.
Pourquoi la Ché’hita ?
Comme nous le savons, la Torah ne permet la consommation de viande que si celle-ci a été abattue rituellement selon toutes les lois fixées par la Torah. La Ché’hita, l’abattage rituel des bêtes, est une méthode douce explicitement prescrite par la Torah : « Tu sacrifieras de ton gros bétail et de ton menu bétail que Hachem t’a donné, comme Je t’ai ordonné... » (Devarim 12, 21). Cependant, les cinq principes fondamentaux de la Ché’hita furent transmis oralement à Moché Rabbénou au mont Sinaï.
La Ché’hita est la seule méthode de mise à mort des bêtes autorisée par la loi juive et sa pratique diminue au minimum leur souffrance. En effet, si le Judaïsme permet de tuer les animaux pour satisfaire le besoin humain de nourriture, la méthode qu’il préconise pour ce faire est profondément humaine. Ainsi, le Cho’hèt (abatteur juif) est toujours conscient qu’il est de sa responsabilité d’effectuer la Ché’hita seulement telle qu’elle est prescrite par la Torah. Tout manquement, même des moindres, dans l’accomplissement de la Ché’hita rend la viande interdite à la consommation pour les Juifs.
Le Judaïsme connaît bien le lien entre le traitement des animaux et le traitement des êtres humains. Une personne cruelle envers les animaux est susceptible d’être cruelle envers ses semblables. C’est l’une des raisons pour lesquelles le bien-être animal tient une place importante dans la loi juive. La conduite personnelle d’un Juif, aussi bien au niveau de sa pratique religieuse que de son intégrité morale, est une donnée fondamentale dans l’évaluation de son aptitude à exercer la profession de Cho’hèt.
Qu’est-ce que la Ché’hita ?
La Torah permet la consommation de viande sous trois conditions :
- La viande provient de l’une des bêtes permises par la Torah à propos desquelles il existe une tradition bien établie concernant leur abattage et leur consommation ;
- La bête a été abattue rituellement par un Cho’hèt (abatteur rituel) conformément à toutes les lois requises, puis vérifiée minutieusement afin d’écarter tout risque de maladie ou de tare physique ;
- La viande a été trempée, salée et rincée comme il se doit.
La Ché’hita des bêtes permises, première d’une série d’actions permettant de rendre une viande propre à la consommation, consiste à abattre l’animal en sectionnant en un seul et même mouvement de va-et-vient son œsophage, sa trachée artère et ses veines jugulaires. Le mouvement se doit d’être d’une très grande précision, d’une grande dextérité et rapidité, sans aucune interruption, et doit être effectué à l’aide d’un couteau très long, sans pointe, et aiguisé à l’extrême, dépourvu de toute irrégularité ou aspérité. Le manquement à l’une de ces conditions et de nombreuses autres encore, rend automatiquement la bête Névéla, c’est-à-dire impropre à la consommation.
Qu’est-ce qu’un Cho’hèt ?
Comme nous l’avons souligné, la Ché’hita ne peut être effectuée que par un Cho’hèt expérimenté, reconnu et craignant D.ieu. Il doit connaître parfaitement les lois de la Ché’hita telles qu’elles sont énoncées dans le Choul’han Aroukh, l’anatomie et la pathologie animale (plusieurs années d’étude y sont consacrées) et avoir acquis sa pratique auprès d’un Cho’hèt expérimenté. Ses connaissances ainsi que sa pratique doivent être sanctionnées par un diplôme.
La Ché’hita et la souffrance des bêtes
Le débat récent autour de la question légitime de la souffrance des bêtes lors de leur abattage a bénéficié d’une large publicité. Or justement, le Judaïsme fonde le rite ancestral de la Ché’hita sur sur une règle éthique : l’interdit de faire souffrir les animaux.
Ce n’est pourtant pas la première fois que la Ché’hita fait l’objet d’attaques par des défenseurs des droits des animaux, plus ou moins bien intentionnés. L’argument avancé par ces derniers serait que celle-ci entraînerait une souffrance accrue de la bête. En conséquence, ils prétendent que l’animal devrait au préalable être étourdi. Solution qui n’est pas envisageable d’un point de vue de la Halakha, puisque, selon celle-ci, l’animal doit être intègre physiquement, ce qui est impossible avec un étourdissement.
Les méthodes d’étourdissement traditionnelles, l’étourdissement par pistolet d’abattage ou par électrochoc induisent, au contraire, comme les études menées sur le sujet l’ont prouvé, une souffrance généralement bien plus accrue. Pendant le délai entre l’étourdissement et la saignée, il arrive en effet que l’animal reprenne conscience, comme cela a été rapporté par des organisations de défense des animaux. En revanche, l’étourdissement provoqué par la Ché’hita est irréversible et il n’y a pas de délai. En provoquant efficacement une perte de conscience irréversible, elle est de ce fait une méthode d’abattage sans cruauté. La Ché’hita est donc humaine et efficace.
Une part importante de l’opinion scientifique a conclu que la Ché’hita ne provoque pas de souffrance, de douleur ou de détresse pour l’animal.
Ainsi, le professeur Harold Burrow, qui fut professeur de médecine vétérinaire au Royal Veterinary College de Londres, a déclaré :
« Ayant assisté à la méthode juive réalisée sur plusieurs milliers d’animaux, je suis incapable de me persuader que celle-ci comporte une quelconque cruauté. En tant que personne qui aime les animaux, que propriétaire de bétail et que chirurgien vétérinaire, je ne soulèverais pas d’objection à ce qu’un animal élevé par moi ou m’appartenant soit soumis à cette méthode d’abattage. »
Le Dr Stuart Rosen, membre de l’académie royale de médecine et professeur à la faculté de médecine de l’Imperial College à Londres, discute dans un article (« Physiological Insights Into Shechita », publié dans le Veterinary Record - 12 juin 2004, vol. 154) des réponses comportementales de animaux à la Ché’hita et des études neurophysiologiques menées pour évaluer la douleur, et conclut que :
« La Ché’hita est une méthode d’abattage des animaux indolore et sans cruauté. »
La Ché’hita d’un point de vue spirituel
La Ché’hita, si elle est un acte qui peut sembler spectaculaire (comme toute mise à mort, somme toute…), est en fait fondée sur deux principes fondamentaux du Judaïsme : l’interdit de faire souffrir inutilement les bêtes – puisque l’abattage induit un arrêt immédiat de l’activité cérébrale, donc de toute sensation de souffrance, point qui a été prouvé d’un point de vue scientifique – et l’interdit de consommer du sang, principe fondamental de vie – puisque la position de la bête lors de son abattage permet que celle-ci se vide entièrement de son sang.
D’un point de vue plus profond, l’on peut dire que la consommation de viande peut être comprise comme symbolisant le rapport plus général que l’homme juif entretient avec le monde matériel. Si le couteau du Cho’hèt vient s’abattre sur le cou de la bête dans un mouvement en diagonale, c’est bien parce qu’il doit en être de même du rapport qu’entretient le Juif avec la matérialité : il doit descendre vers elle mais ne pas s’y plonger ; il doit l’appréhender mais ne pas s’y assimiler.