Un collègue de travail m’a demandé un jour mon numéro de téléphone portable, alors que nous travaillions sur un projet en commun. « Ne m’appelle pas le Chabbath », lui rappelai-je, après avoir échangé nos numéros de téléphone respectifs. À l’issue du Chabbath, je reconnus sur l’écran un signe bien connu m’indiquant la réception d’un nouveau message sur mon répondeur. J’écoutai le message, et voici ce qui m’y attendait : « Salut Sivan, c’est moi. J’ai compris que je ne devais pas téléphoner Chabbath, mais enfin, on est vendredi, il est 22h ! Où t’as disparu ? »
Cette histoire un peu drôle, mais surtout triste, m’a montré la profondeur de l’abîme. Après une petite remontrance (« Dis-moi, quand crois-tu que le Chabbath commence ? À minuit ? À huit heures du matin ? Tu n’as jamais entendu parler de l’allumage des bougies le vendredi soir ? »), j’ai tenté de commencé à expliquer, plus à moi-même qu’à cet ami, le sens du Chabbath.
C’est un concept unique en son genre, complètement novateur, et entièrement créé ici, en Israël : les Juifs ont introduit dans le monde l’idée de réserver une période de temps et de la sanctifier. Dans toute cette éternité qui comprend le passé et l’avenir, nous sanctifions un jour dans la semaine.
Chez nous, les jours de la semaine n’ont pas de nom propre, ils sont définis par un nombre, premier jour, deuxième jour, etc. Ce n’est qu’un décompte en vue du septième jour, qui est le seul à mériter un titre à proprement parler : le Chabbath. Il n’est pas question de « week-end », mais de l’essentiel de la semaine. Les Juifs d’antan (regardez un vieil homme jérusalémite authentique) comptent encore ainsi les jours de la semaine. Ils ne disent pas : aujourd’hui c’est le premier jour, mais plutôt : « c’est le premier jour par rapport à Chabbath », « deuxième jour par rapport au Chabbath », etc. Chaque jour n’est qu’une préparation et un pas en avant en direction du Chabbath.
Et quel est le caractère de ce repos ? Ici aussi le judaïsme nous transmet un message différent : il ne s’agit pas que de repos, mais de sainteté. Il ne s’agit pas de se prélasser au bord de la mer ou de zapper en continu devant la télévision. Pour cela, il est possible de prendre un jour de congé du travail ou de l’école. Ici, il est question de la création d’un « palais dans le temps » : après six jours de création intense, toute l’action et toute la civilisation sont au repos. Le Juif ne voyage pas, ne cuisine pas, n’emploie aucun moteur ou appareil électrique, il ne fume pas, n’écrit pas, ne gomme pas, ne touche pas d’argent. Il n’y a pas de devoirs, pas d’autoroute... C’est une pause. Un retour à la simplicité. En conséquence, on récite des bénédictions sur les choses les plus élémentaires : sur le feu (lors de l’allumage des bougies du Chabbath), sur le vin (au Kiddouch), sur le pain (avec deux ‘Hallot fraîches). On ne se sert ni des téléphones, ni des sms et des doubles appels, on parle et on chante avec la famille et les amis autour de la table.
Depuis des milliers d’années, de nombreux penseurs ont essayé d’interpréter cette expérience : on a déjà comparé le Chabbath à une fiancée arrivée le soir, au moment de son mariage, vers son fiancé - le peuple juif. Il a été dit qu’elle est un avant-goût de l’époque du Machia’h, de la Guéoula, la rédemption qui doit se produire à l’avenir. On a déjà expliqué que, ce jour-là, tout homme reçoit un supplément d’âme, également un supplément spirituel aux jours de la semaine. Mais j’ai trouvé dans l’ouvrage « Hamitsvot Hachékoulot » du Rav Chlomo Wolbe une idée simple et émouvante : il y évoque la figure de son Rav, Rabbi Yérou’ham de Mir, et raconte que lorsqu’il est arrivé à la Yéchiva pour étudier, il le rencontra pour la première fois un jour de semaine, mais une fois le Chabbath arrivé, il ne le reconnut pas, tant son visage était différent le Chabbath !
Chabbath Chalom !
Sivan Rahav Méir - A’hénou