Nous voyons que la Torah fixe des lois nombreuses et précises quant à la manière dont un Juif doit s’alimenter. Mais pourquoi est-il si grave de consommer des aliments interdits, au juste ?
Une âme sainte dans un corps sain
Le Séfer Ha’hinoukh (Mitsva 147) écrit au sujet des aliments interdits que le corps humain est un réceptacle pour l’âme divine qui l’habite. Celle-ci pousse le corps à emprunter un chemin droit et sage. Le corps, pour sa part, doit lui faire confiance et s’efforcer de suivre les voies que l’âme lui dicte. Dans le domaine de l’alimentation, l’âme est plus apte que le corps à déterminer quels aliments leur seront nocifs à tous deux et quels autres aliments leur seront, au contraire, bénéfiques.
Ainsi, certains aliments favorisent l’humeur, d’autres entraînent un état de nervosité ; d’autres encore excitent les passions, tandis que certains sont bénéfiques à la mémoire, etc.
Toujours d’après le Séfer Ha’hinoukh, les denrées ingérées par l’homme sont transformées par son corps au point d’en devenir partie intégrante (point qui a été depuis prouvé scientifiquement) et l’accompagnent donc toute sa vie durant. Des aliments nocifs au corps comme à l’âme vont donc non seulement induire de mauvaises dispositions chez leur consommateur, mais en plus continuer de lui être nocif d’une manière durable.
Nous avons une illustration de cette idée avec Moché Rabbénou lorsqu’il était bébé. Le Midrach rapporte que Batya, la fille de Pharaon qui l’avait adopté, désespéra de trouver une nourrice apte à le nourrir, car il refusait systématiquement d’être allaité. Myriam, la sœur de Moché, vint conseiller la princesse : « Irais-je appeler pour toi une femme nourrice parmi les femmes hébreues ? » (Chémot 2, 7). En effet, explique le Midrach, bien qu’il n’était pas interdit à proprement parler de consommer le lait de femmes égyptiennes – qui elles-mêmes consommaient des aliments interdits plus tard par la Torah –, il ne convenait pas qu’une bouche destinée à converser avec D.ieu soit souillée d’aliments impurs.
Tu es ce que tu manges
Dans son commentaire sur la Torah, Na’hmanide explique que D.ieu a interdit de consommer certaines espèces car elles sont de nature cruelle et agressive et sont à même de conférer ces travers à ceux qui les ingèrent. Les espèces Cachères, au contraire, possèdent les traits de caractère qui siéent à un Juif : elles sont discrètes, pudiques, miséricordieuses, dociles, solidaires etc.
Une compréhension entravée
« Ne rendez pas vos âmes abominables par tout animal qui grouille et ne vous rendez pas impurs par eux ; vous seriez impurs à cause d’eux », est-il écrit dans le livre de Vayikra (11, 43). Nos Sages commentent : « Ne lis pas Vénitmétèm [« vous seriez impurs »], mais Vénitamtèm [« vous entraineriez chez vous une obstruction »] ». En effet, ils expliquent que la consommation d’aliments non-Cachères a pour effet inéluctable d’entraver la compréhension de la Torah et d’obstruer le cœur à la Emouna.
A ce propos, il est rapporté dans l’ouvrage « Déguel Ma’hané Efraïm » une histoire intéressante. A l’époque du Rambam, ce grand maître reçut une missive de la part d’une certaine communauté au Yémen lui faisant part de doutes qui s’étaient curieusement éveillés chez plusieurs de ses membres au sujet de la Emouna (foi en D.ieu). Les chefs de la communauté demandaient en outre au Rambam la raison de telles questions, qui ne leur laissaient pas de répit et entravaient leur service divin. Le Rambam leur fit parvenir la réponse suivante : « Il est évident que votre esprit s’est appesanti à cause d’aliments interdits que vous consommez régulièrement. C’est pourquoi vous ne parvenez plus à percevoir la douceur des paroles de la Torah et des Sages ». Le Rambam accompagna sa réponse d’une suggestion : il conseilla aux chefs de la communauté d’enquêter auprès du Cho’hèt afin de vérifier si celui-ci se pliait correctement à toutes les directives de la Torah concernant l’abattage des bêtes. Or, il s’avéra après enquête qu’effectivement, celui-ci n’était pas pointilleux sur certaines lois… Ceci vint valider les propos du Rambam, selon lesquels c’étaient les aliments non-Cachères qui étaient la cause des questions hérétiques soulevées par la communauté.
Ainsi, si la Torah a multiplié les interdits alimentaires, il ne s’agit pas de « rites religieux » destinés à entraver le profit que le Juif tire de ce monde, mais c’est avant tout pour le préserver des effets nocifs que les aliments interdits induisent sur son corps et sur son âme.