« Je passai auprès de toi, Je te vis t’agiter dans ton sang et je te dis : "Vis dans ton sang !" Je te dis "Vis dans ton sang !" Je t’ai multipliée comme la végétation des champs, tu as augmenté, grandi, tu as revêtu la plus belle des parures…, mais tu étais nue et dénudée. » (Yé’hezkel 16,6-7)
Rachi explique que l’expression « Vis dans ton sang » est répétée parce que les Bné Israël furent délivrés par le mérite du sang de Pessa’h et par celui du sang de la circoncision. Il précise ensuite que « Tu étais nue et dénudée », fait référence à l’absence de Mitsvot.
Le prophète Yé’hezkel raconte l’histoire de la sortie d’Égypte ; Hachem dit au peuple juif qu’en réalité, il ne méritait pas cette délivrance, car il n’avait, à l’époque, aucune Mitsva à son compte[1]. C’est pourquoi D.ieu donna aux Juifs deux Mitsvot liées au sang : le Korban Pessa’h (sacrifice de l’agneau pascal) et la Brit-Mila. En les accomplissant, ils seraient suffisamment méritants. Pourquoi Hachem sélectionna-t-Il précisément ces deux Mitsvot ?[2] Et pourquoi une seule d’entre elles ne suffisait-elle pas ?
Le Séfer Ha’hinoukh souligne la spécificité de ces deux commandements ; la Mila et le Korban Pessa’h sont les deux seuls commandements positifs punis de Karet[3] en cas de transgression. En quoi ces deux Mitsvot sont-elles liées et qu’est-ce qui fait leur particularité ?
Dans toute relation (entre êtres humains ou bien entre Hachem et nous), certaines actions peuvent affecter le lien existant ou bien, si elles sont plus graves, provoquer une véritable coupure. Le fossé créé dépend de la gravité de la faute. Souvent, quand le tort est irrévocable, il est sanctionné de « Karet ».[4]
Bien qu’empêchant un rapprochement avec Hachem, le fait de ne pas accomplir une Mitsva positive ne brise pas notre lien avec Lui. Une négligence dans ce domaine n’entraîne donc généralement pas une telle punition (celle de retranchement), sauf pour les deux Mitsvot précitées. Pourquoi ?
Quand un homme se marie, il doit s’engager à s’unir à sa femme, sans quoi le mariage ne prend pas effet. L’individu peut effectuer plusieurs bonnes actions, prodiguer toutes sortes de bienfaits, cela ne le rend pas « marié » à l’autre. De même, lorsque l’on s’unit à Hachem, il faut un engagement qui marque le lien. La Mila et le Korban Pessa’h sont des alliances avec Hachem, par lesquelles le Juif s’engage à respecter la Torah.
Notons également qu’en ces deux occasions (lors d’une Brit-Mila et le soir du Séder de Pessa’h), Eliahou Hanavi est présent parmi nous. Celui-ci, voyant le peuple juif fauter continuellement, pensa qu’il ne lui restait plus d’espoir[5]. Hachem lui a alors ordonné d’être là lors de chaque Brit-Mila et chaque année, le soir de Pessa’h. Cela vient rappeler que peu importe le comportement du peuple juif, il reste uni à Hachem, grâce à ces deux alliances, l’une sur le plan individuel – la Mila, ordonnée au départ à un particulier, Avraham Avinou – et l’autre d'un point de vue collectif – les lois du Korban Pessa’h montrent l’importance de l’accomplissement de la Mitsva en groupe, du côté national des Mitsvot.
On comprend à présent pourquoi il fallait deux Mitsvot pour mériter la délivrance du peuple juif ; une seule n’aurait pas suffi, il fallait ces deux niveaux d’engagement.
Pessa’h commémore la naissance de notre nation. Chaque année, à Pessa’h, le peuple peut renaître spirituellement. La Brit-Mila et le Korban Pessa’h nous rappellent qu’il est primordial de renouveler ces deux niveaux d’engagements dans notre lien avec Hachem : sur le plan individuel, nous sommes tenus de nous élever et de nous rapprocher de Lui. Et sur le plan collectif, nous devons nous sentir liés aux autres Juifs, peu importe leur niveau spirituel, nous avons l’obligation de les aider, autant physiquement que spirituellement. À Pessa’h, nous devons analyser nos actions dans ce domaine, nous demander si elles sont suffisantes et comment nous améliorer.
Puissions-nous connaître la rédemption finale cette année.
[1] Ces versets sont également cités dans la Haggada, mais dans un ordre différent.
[2] Voir Motsé Chalal Rav, Haggada Chel Pessa’h, p. 203-205 qui propose des réponses à cette question
[3] Séfer Ha’hinoukh, Mitsva 2. « Karet » signifie retranchement ; cela sous-entend une coupure du lien entre la personne et Hachem. Les commandements punis de Karet sont : l’interdit de consommer du ’Hamets à Pessa’h, de consommer certaines graisses, diverses formes de relations interdites. Celui qui transgresse ces Mitsvot par ignorance n’est pas puni de Karet.
[4] Notons que le repentir peut toujours rectifier le tort causé par la faute (bien que parfois, certaines souffrances doivent être infligées pour expier celle-ci complètement).
[5] Mélakhim I, 19:10.