Un célèbre philosophe disait : « La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil. » Un autre déclarait : « La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. »
La musique est considérée par le judaïsme comme l'une des plus hautes expressions de l'âme. C’est grâce à elle que le prophète se lie à D.ieu et qu’il atteint par son biais les plus hautes sphères de la révélation. Comme il est écrit (Roi II, Chap. 3 Ver. 15) : « Élicha dit : "Eh bien ! Amenez-moi un musicien." Tandis que celui-ci jouait de son instrument, l’esprit du Seigneur s’empara du prophète. » Nos Sages définissent la musique comme la langue des émotions, tout particulièrement la joie. Maïmonide écrit à ce sujet (Michné Torah, Lois du Loulav Chap. 8 Lois 12-13) : « Bien que ce soit une Mitsva de se réjouir pendant toutes les fêtes, il y avait une célébration supplémentaire dans le Temple durant la fête de Souccot […] » Comment se passaient ces réjouissances ? On sonnait de la flûte, on chantait avec une harpe, un luth et des cymbales, et chacun avec l'instrument qu'il connaît, etc. La musique est un véritable vecteur de joie. On comprend donc sa proscription durant les jours de deuil. Les 33 premiers jours de supputation du 'Omer sont ainsi marqués par l’interdiction d’écouter de la musique. Penchons-nous un peu sur cette loi.
Nos Sages enseignent dans le traité Yébamot (62b) : « Rabbi 'Akiva dit : “Si vous avez appris la Torah dans votre jeunesse, vous devez continuer à apprendre la Torah dans votre vieillesse” comme le dit le verset “le matin, plantez vos graines et le soir, ne laissez pas votre main se reposer.”
Ils disaient que Rabbi 'Akiva avait douze mille binômes d’étudiants de Guivat à Antiprat et ils moururent tous parce qu’ils ne se respectaient pas mutuellement. Le monde était désolé́ jusqu’à ce que Rabbi 'Akiva aille voir les Rabbins du Sud et leur donne cours. Ils s’agissaient de Rabbi Méïr, Rabbi Yéhouda, Rabbi Yossi, Rabbi Chimon et Rabbi Elazar ben Chamoa. Ces derniers rétablirent la Torah à ce moment-là. On enseigne que vingt-quatre mille élèves moururent tous entre Pessah’ et Atséret. Rav Chama bar Abba, ou peut-être qu’il s’agissait de Rabbi ‘Hiya bar Avin, disait qu’ils moururent tous d’une mort terrible. À quel type de mort est-il fait référence ? Rabbi Nah’man dit Askara (mort par diphtérie).
Le Talmud fait état d’une tragédie incommensurable : la mort de 24000 talmudistes. Il nous révèle par ailleurs que la mort des élèves était une conséquence ordonnée par D.ieu de leur échec à se traiter mutuellement avec le respect adéquat. Nous commémorons ce drame par l’observance de règles de deuil (cf. Choul’han Aroukh Or Ha’Haim 483, 1). Qu’en est-il de la musique ?
La source qui interdit la musique n’est pas explicite. On désigne généralement le Maguen Avraham (Or Ha’Haïm 551, 10) comme référence à cette coutume. Il interdit les danses durant les trois semaines. Le Michna Beroura cite cet interdit pour la période du 'Omer. Le Min’hat Ytshak (I, 111) affirme que cela s’applique aussi à la musique et que tel est l’avis de l’ensemble des décisionnaires. Il fait un raisonnement à fortiori. Selon lui, la musique procurerait une joie plus intense que la danse. Elle est donc interdite au même titre que celle-ci. Il amène également deux preuves. Tout d’abord, il apporte le Pri Megadim (Eshel Avraham 551, 10). Celui-ci autorise les musiciens professionnels à jouer de la musique chez des non-juifs. L’on déduit de cette décision une interdiction dans tous les autres cas.
La seconde preuve se base sur le Maharam Shik (Yore dea 368) qui interdit à un endeuillé d’apprendre à jouer d’un instrument de musique.
Le Rav Moché Feinstein (Igrot Moshé I, 167) interdit également d’écouter de la musique durant la période du 'Omer.
Cependant, Rav Chlomo Zalman Auerbach distingue la musique rythmée (qui invite à la danse) de la musique lente et mélancolique comme la musique classique (cf. Hilkot Chlomo Moadim 11, 14).
Selon lui, il est permis d’écouter de la musique qui élève l’individu sans qu’elle éveille l’envie de danser. Néanmoins, il est écrit en marge de cette décision qu’il faut respecter la diminution de joie durant ces jours. C’est pourquoi l’on n’agira pas avec désinvolture. D’autres permettent les chants vocaux sans musique.
Les jours du 'Omer sont des moments de recueillement et de grande élévation. Il ne s’agit pas uniquement d’une commémoration historique. C’est l’occasion de nous reconnecter avec nous-mêmes en nous déconnectant des distractions de ce monde. Puisse D.ieu nous apporter la joie et transformer nos jours de deuil en jours d’allégresse.