La fête de Chavou'ot qui aura lieu dans quelques jours, présente une particularité tout d'abord quant à son nom. En effet, alors que la fête de Souccot porte ce nom en référence aux cabanes habitées par les Juifs durant toute une semaine et que la fête de Pessa'h s'appelle « 'Hag Hamatsot » parce qu'on consomme des Matsot sept jours de suite, le nom de Chavou'ot renvoie aux semaines écoulées depuis la Sortie d'Égypte, justement fêtée au premier soir de Pessa'h.
Fait significatif : la Torah n'a pas précisé la date du calendrier fixée pour Chavou'ot, et ce, à la différence des autres fêtes très précisément situées dans le temps.
Alors d’où viennent ces particularités ?
En nous basant sur un texte de la Guémara Ména'hot (page 65), il faut d'emblée rappeler que le fondement même de Chavou'ot constitue une réponse à toutes les fêtes des mouvements comme les Saducéens et autres Boéthusiens qui s’opposaient autrefois à la Torah orale (la Torah "Ché bé'al pé"). En effet, ces derniers prenaient « à la lettre » le verset de la Torah écrite qui demande - au sens littéral - de commencer le compte de l''Omer « au lendemain du Chabbath », soit donc toujours un dimanche (Yom Richon en hébreu). Voilà pourquoi, selon leur comptage erroné, la fête de Chavou'ot intervenant 7 semaines plus tard tombait aussi un dimanche…
Notons en passant que dans le christianisme - une religion ayant hérité des pratiques de ces deux sectes -, on a fixé un « lundi de Pâques » et un « lundi de Pentecôte », justement en se basant sur ce verset mal interprété. Le « Yom Richon » des Chrétiens s'étant déplacé du samedi au dimanche (comme jour de repos hebdomadaire), les deux fêtes en question - Pâques et la Pentecôte – tombent le lendemain de leur jour férié, soit chaque fois un lundi.
L'appellation « Chavou'ot » fait donc référence au temps. Dès le premier verset de la Torah, on nous indique : « Béréchit bara Elokim èt hachamaïm veèt haarets » - que l'on traduit couramment par « Au commencement D.ieu créa les cieux et la terre ». Mais une petite précision d'importance : le terme « Chamaïm » est traduit par certains maîtres comme le pluriel du mot « Cham » (là-bas). Et donc, au tout début, Hachem a créé tous les « Cham » de l’Histoire, à savoir tous les buts et horizons de ce monde. Quant au terme « Erets », il vient de la racine « Rats » (courir vers). Voilà pourquoi l'expression « Chamaïm vé-haaretz » désigne une destination et le moyen d’y parvenir !
De plus, dans le plan de la Création du monde, il est dit : « Chéchèt yamim 'assa Hachem èt hachamaïm veèt haarets » (D.ieu a créé les cieux et la terre). Or, il n’est pas écrit « béchéchèt yamim » (en six jours), mais bien « chéchèt yamim » (six jours). Ce qui signifie que le « temps » de la Création est en soi une création divine ! En effet, le temps a été créé pour que l'homme lui donne un sens. Car en tant que tel, il n’est qu’une durée et un écoulement vides de sens. Or le but de la Torah est de nous aider à donner un sens au temps, à savoir : six jours pour agir, puis le « Yom Hachévii », le « Chabbath d'Hachem ».
Le plan de la vie de chacun consiste donc à devoir remplir le temps des six jours et à réussir à faire du Chabbath le but de notre vie. Comme le dit le Talmud, ce Chabbath est « mé ein 'olam haba », une sorte de préfiguration et d’avant-goût du Monde qui vient ('Olam Haba) : c'est dans cette optique que l’homme doit organiser toute sa vie. Ce qui compte, ce n’est pas ce que nous « faisons » pendant les six jours (notre profession), mais le fait de savoir si nous avons bien perçu que le but de notre vie c’est d’organiser notre temps pour qu'il nous mène à la destination ultime du Chabbath de D.ieu.
Ainsi, retrouvons-nous le vrai sens de Chavou'ot en tant que « fête des semaines » : un moment qui intervient après « chéva chabbatot témimot » (7 Chabbatot pleins), une période de 7 semaines entières lors de laquelle - grâce au compte quotidien de l''Omer -, l'être doit se travailler pour organiser son temps de manière à bien remplir sa vie et à monter « l’échelle des qualités humaines » (Middot) de l''Omer, pour arriver enfin au Don de la Torah.