Balaam, voyant que l'Éternel se plaisait à bénir Israël, n'eut plus recours, comme précédemment, à des opérations magiques, mais tourna son visage du côté du désert.
Bil‘am vit qu’il était bon…
Il s’est dit : « Il est inutile que j’interroge le Saint béni soit-Il, car Il ne voudra pas les maudire.
Il n’alla pas comme une fois
Comme il l’avait fait à deux reprises
À la rencontre de présages
[Il ne chercha pas] à deviner si Hachem, comme il l’aurait voulu, Se porterait à sa rencontre, mais il s’est dit : « Qu’Il veuille ou non les maudire, je rappellerai leurs péchés, et la malédiction tombera rien qu’à l’évocation de leurs fautes.
Il tourna sa face vers le désert
Comme le rend le Targoum Onqelos : vers le veau que les enfants d’Israël avaient fait dans le désert
24,2
En y portant ses regards, Balaam vit Israël, dont les tribus s'y déployaient; et l'esprit divin s'empara de lui;
Bil‘am leva ses yeux
Il a voulu les faire pénétrer du mauvais œil. Ce qui lui fait trois défauts : mauvais œil, orgueil et cupidité, tels qu’ils ont été cités plus haut (supra 22, 13 et 18)
Résidant selon ses tribus
Il a vu chaque tribu campant à part sans se mélanger, il a vu que les entrées [de leurs tentes] ne se faisaient pas face, de sorte que l’on ne pouvait pas voir chez son voisin (Baba bathra 60a)
L’esprit de Eloqim fut sur lui
Il prit « sur » lui ne pas les maudire
24,3
et il proféra son oracle en ces termes: "Parole de Balaam, fils de Beor, parole de l'homme au clairvoyant regard,
Fils (beno) de Be‘or
Comme dans : « en une source (lem‘ayno) d’eaux » (Tehilim 114, 4) (voir supra 23, 18). Selon un midrach, ils étaient tous les deux plus éminents que leur père : « Balaq, son fils (beno) était Tsipor », c’est-à-dire que son père était à considérer comme son fils du point de vue de la dignité royale. Quant à Bil‘am, il surpassait son père quant à la prophétie et il en valait le double (Midrach Tan‘houma)
À l’œil ouvert (chethoum)
Son œil avait été crevé et jeté au-dehors et son orbite paraissait ouverte. Le mot chethoum est employé dans la Michna : « … le temps qu’il faut pour percer (chèyichtom), fermer et sécher… » (‘Avoda zara 5, 3 et 4, ‘Avoda zara 69a). Nos maîtres ont enseigné : « Lorsqu’il a affirmé, en disant : “et le nombre du quart d’Israël” (supra 23, 10), que le Saint béni soit-Il recense les accouplements d’Israël et épie la goutte de semence qui donnera naissance à un juste (Nidda 31a), il s’est dit : “Comment, Lui qui est saint et dont les serviteurs sont saints, peut-il jeter son regard sur de telles choses !” » Voilà pourquoi l’œil de Bil‘am a été crevé (Nidda 31a). Selon d’autres explications, l’expression « à l’œil ouvert », comme la rend le Targoum Onqelos, signifie : « à l’œil clairvoyant ». Et de ce que le texte parle d’un œil et non de deux yeux ouverts, nous déduisons qu’il était borgne (Sanhèdrin 105a)
24,4
de celui qui entend le verbe divin, qui perçoit la vision du Tout-Puissant il fléchit, mais son œil reste ouvert:
Il tombe et les yeux sont découverts
Le sens littéral est celui proposé par le Targoum Onqelos : « Couché il a des révélations », c’est-à-dire qu’Il ne lui apparaît que la nuit, lorsqu’il est couché. Quant à l’explication midrachique, elle consiste à dire que lorsqu’Il se révélait à lui, il n’avait pas la force de se tenir debout et il tombait face à terre parce qu’il était incirconcis et trop méprisable pour être digne de recevoir Ses révélations en étant debout devant Lui (Targoum Yonathan)
24,5
Qu'elles sont belles tes tentes, ô Jacob! Tes demeures, ô Israël!
Comme sont bonnes tes tentes
Parce qu’il a vu que les entrées [de leurs tentes] ne se faisaient pas face (Baba bathra 60a)
Tes résidences
La manière dont tu campes, comme le rend le Targoum Onqelos. Autre explication : « Comme sont bonnes tes tentes » signifie : « Comme sont bons la “tente” de Chilo et le Temple pendant leur existence, parce qu’on y présente des offrandes destinées à leur expiation ! » (Bamidbar raba)
Tes résidences (michkenothèkha)
Même après leur destruction, car elles vous servent de « gage » (machkon) et leurs ruines servent d’expiation pour les âmes, comme il est écrit : « Hachem a épuisé Sa colère » (Eikha 4, 11). Et comment l’a-t-Il épuisée ? « Il a allumé un incendie dans Sion » (ibid.
24,6
Elles se développent comme des vallées, comme des vergers le long d'un fleuve; Dieu les a plantées comme des aloès, comme des cèdres au bord des eaux.
Elles s’étendent comme des torrents
Elles s’étendront et se prolongeront très loin. Nos maîtres ont enseigné que, des bénédictions prononcées par ce dépravé, on peut déduire les malédictions qu’il aurait voulu prononcer lorsqu’il « a tourné sa face vers le désert » (verset 1). Lorsque Hachem a changé ce que voulait dire sa bouche, il les a bénis suivant les malédictions qu’il aurait voulu prononcer, comme enseigné dans le traité Sanhèdrin (105b)
Comme des aloès (kaahalim)
Comme le rend le Targoum Onqelos. Comme dans : « myrrhe et aloès » (Tehilim 45, 9
A planté Hachem
Dans le jardin d’Éden. Autre explication : « Comme des tentes (kaohalim) que Hachem a plantées », c’est-à-dire : « comme les cieux déployés à la manière d’une tente »
A planté (nata’) Hachem
Le verbe nata’ (« planter ») peut être employé pour des tentes, comme il est écrit : « Il plantera (wayita’) les tentes de son palais » (Daniel 11, 45)
24,7
La sève ruisselle de ses branches, et sa graine est abondamment arrosée; son roi est plus grand que n'est Agag, sa royauté est souveraine!
De ses seaux
De ses sources. À expliquer comme le fait le Targoum Onqelos : « un roi puissant sera issu de ses fils »
Et sa semence dans de grandes eaux
Expression de réussite : comme de la semence semée à la surface de l’eau
Son roi s’élèvera par rapport à Agag
Leur premier roi vaincra Agag, roi de ‘Amaleq
Et son royaume sera élevé
Celui de Ya‘aqov, toujours plus haut, car succéderont [à Chaoul] David et Chelomo
24,8
Quand Dieu le fit sortir de l'Egypte, son élan fut celui du réêm; iI dévore les peuples qui l'attaquent, il brise leurs os, trempe ses flèches dans leur sang.
Qél l’a fait sortir d’Égypte
Qui leur a procuré cette grandeur-là ? Qel, qui les a fait sortir d’Égypte par Sa force et Sa grandeur. Il dévorera les nations qui les opprimeront
Et leurs os
Ceux des oppresseurs
Il cassera (yegarém)
Mena‘hem explique le mot yegarém par une connotation de « brisure », comme dans : « ils n’ont rien à déchiqueter (garmou) le matin » (Tsefania 3, 3), ou dans : « tu rompras (tegarémi) ses fragments » (Ye‘hezqèl 23, 34). À mon avis, ce mot connote l’idée d’un « os » : on ronge (megarér) la viande tout autour avec ses dents, on suce la moelle à l’intérieur et on laisse l’os à nu
Et de ses flèches (we‘hitsaw) il les écrasera (yim‘hats)
Le Targoum Onqelos traduit le mot we‘hitsaw dans le sens de « partage », comme dans « les porteurs de flèches (‘hitsim) » (Beréchith 49, 23 ; voir Rachi ibid.), qu’il rend par : « ceux qui se partagent un héritage », et yim‘hats comme dans : « il lui fend (ouma‘hatsa), lui transperce la tempe » (Choftim 5, 26). « Ils se partageront leur pays ». On peut également expliquer ce mot dans le sens de « flèches » au sens propre : les « flèches » du Saint béni soit-Il trempent dans le sang des ennemis. Il les trempera et les teindra dans leur sang, comme dans : « pour que tu trempes (tim‘hats) ton pied dans le sang » (Tehilim 68, 24). Cette explication ne s’éloigne pas de la connotation de « plaie », comme dans : « je blesse (ma‘hatsti), et moi, je guéris » (Devarim 32, 39), car celui qui baigne dans le sang paraît avoir été blessé
24,9
Il se couche, il repose comme le lion et le léopard: qui osera le réveiller? Heureux ceux qui te bénissent! Malheur à qui te maudit:"
Il s’est prosterné
Comme le rend le Targoum Onqelos : Ils s’établissent dans leur pays avec vigueur et puissance
24,10
Balak, enflammé de colère contre Balaam, frappa des mains, et il dit à Balaam: "C'est pour maudire mes ennemis que je t'avais appelé, et tu as persisté à les bénir, par trois fois!
Il frappa
Il les battit l’une contre l’autre
24,11
Eh bien donc, fuis dans ton pays; je voulais te combler d'honneurs, et voici que l'Éternel t'en a frustré!"
24,12
Balaam repartit à Balak: "N'avais-je pas déjà, aux messagers que tu m'avais envoyés, répondu en ces termes:
24,13
Quand Balak me donnerait de l'argent et de l'or plein son palais, je ne saurais désobéir à la voix de l'Éternel, en agissant bien ou mal de mon chef; ce que dira l'Éternel, je le dirai.
Transgresser ce qui sort de la bouche de Hachem
Il ne dit plus ici : « mon Eloqim », comme il l’avait fait au début (supra 22, 18), car il savait qu’il était en mauvaise grâce auprès du Saint béni soit-Il et qu’il en était repoussé
24,14
Et maintenant, je m'en retourne chez mon peuple; mais écoute, je veux t'avertir de ce que ce peuple-ci fera au tien dans la suite des jours."
Je m’en vais vers mon peuple
Je suis, à partir de maintenant, comme n’importe qui de mon peuple, puisque le Saint béni soit-Il s’est éloigné de moi
Va
Sur ce qu’il faut que tu fasses. Et quel conseil lui donne-t-il ? Leur Dieu a horreur de la débauche… , comme enseigné dans le traité Sanhèdrin (106a). La preuve que c’est Bil‘am qui a conseillé de les faire chanceler au moyen de la débauche résulte de ce qu’il est écrit : « Voici, c’est elles qui ont été auprès des fils d’Israël dans la parole de Bil‘am » (infra 31, 16)
Ce que fera ce peuple-là à ton peuple
Le texte s’exprime ici de manière elliptique : Je vais te conseiller sur la manière de les faire trébucher, et aussi te révéler sur ce qu’ils feront un jour à Moav (verset 17)
24,15
Et il proféra son oracle de la sorte: "Parole de Balaam, fils de Beor, parole de l'homme au lucide regard,
24,16
de celui qui entend le verbe divin et connaît le secret du Très-Haut qui perçoit la vision du Tout-Puissant, qui fléchit, mais dont l'œil reste ouvert:
Et qui connaît la connaissance du Très-Haut
Pour fixer le moment où Il se met en colère (Sanhèdrin 105b)
24,17
je le vois, mais ce n'est pas encore l'heure; je le distingue; mais il n'est pas proche: un astre s'élance de Jacob, et une comète surgit du sein d'Israël, qui écrasera les sommités de Moab et renversera tous les enfants de l'orgueil,
Je le verrai
Je vois la gloire et la grandeur de Ya‘aqov. Cependant, elles ne sont pas pour « maintenant » mais pour plus tard
Une étoile a voyagé (darakh)
Comme le rend le Targoum Onqelos : un roi se lèvera en Ya‘aqov. Le mot darakh a ici le même sens que dans : « il a bandé (darakh) son arc » (Eikha 2, 4), car une étoile passe comme une flèche. En français médiéval : « destent », c’est-à-dire : une bonne étoile se lèvera
Et un bâton s’élèvera
Un roi qui gouvernera et commandera
Il écrasera les coins de Moav
Il s’agit ici de David, dont il est écrit : « Il frappa Moav […] en les faisant coucher à terre et en en destinant deux lots à ma mort… » (II Chemouel 8, 2)
Il démolira (weqarqar)
Le mot weqarqar signifie « creuser », comme dans : « j’ai creusé (qarti) des sources » (II Melakhim 19, 24), ou dans : « sur le puits de carrière d’où vous avez été extraits (nouqartèm) » (Yecha’yah 51, 1), ou dans : « puissent l’arracher (yiqerouha) les corbeaux de la vallée » (Michlei 30, 17). En français: « forer »
Tous les fils de Cheth
Toute l’humanité, car elle descend toute de Cheth, le fils d’Adam
24,18
fera sa proie de l'Idumée, sa proie de Séir, ses ennemis; et Israël triomphera.
Il sera un pays conquis
De son ennemi Israël
24,19
Oui, un dominateur naîtra de Jacob, qui balaiera des villes leurs derniers habitants."
Dominera celui qui sortira de Ya‘aqov
Il y aura encore un autre souverain issu de Ya‘aqov
Il fera périr le rescapé de la ville
De la ville par excellence de Édom, à savoir Rome. Cela est dit du Roi-messie, dont il est écrit : « Il dominera de mer à mer » (Tehilim 72, 8) et : « … et personne ne survivra de la maison de ‘Essaw » (‘Ovadia 1, 18)
24,20
Puis il vit Amalec, et il proféra son oracle en disant: "Amalec était le premier des peuples; mais son avenir est voué à la perdition."
Il vit ‘Amaleq
Il vit la punition de ‘Amaleq
Première des nations
Il a été le premier à faire la guerre à Israël, ainsi que le rend le Targoum Onqelos. « Et sa fin » sera d’être anéanti par lui, comme il est écrit : « tu effaceras le souvenir de ‘Amaleq » (Devarim 25, 19)
24,21
Il vit le Kénéen, et il proféra son oracle en disant: "Fortifie ta demeure! Pose ton nid sur le rocher!
Il vit le Qéni
Parce que le Qéni était installé à côté de ‘Amaleq, comme il est écrit : « Chaoul dit au Qéni… » (I Chemouel 15, 6), et il le mentionne après ‘Amaleq (ibid. verset 5). Il a considéré la grandeur des descendants de Yithro, dont il est écrit : « … les Tir‘athim, les Chim‘athim, les Soukhathim » (I Divrei Hayamim 2, 55) (Sanhèdrin 106a)
Puissante est ta demeure
Je m’étonne que tu aies mérité cela, alors que tu as conseillé comme moi [à Pharaon] : « Allons, agissons avec sagesse contre lui… » (Chemoth 1, 10), et maintenant tu résides auprès du « fort » et du « puissant » d’Israël (Sanhèdrin 106a)
24,22
Car, s'il est consumé, ô Kénéen, en combien peu de temps Assur te fera captif!"
Car s’il sera pour brûler
Heureux es-tu de t’être fixé auprès de cette puissance, car tu ne pourras plus être chassé du monde ! Car s’il est vrai que tu seras un jour exilé avec les Dix Tribus, et que tu disparaîtras de l’endroit où tu t’es installé, peu importe
Jusqu’à ce qu’Achour te captures
Jusqu’où t’exilera-t-il ? Sera-ce à ‘Hla‘h ou à ‘Havor (II Melakhim 17, 6) ? Ce ne sera pas une expulsion du monde, mais seulement un bannissement d’un endroit à un autre, et tu reviendras avec les autres exilés
24,23
Il proféra encore son oracle et il dit: "Hélas! Qui peut vivre quand Dieu ne l'a pas voulu?
Il proféra son allégorie…
Puisqu’il a évoqué l’exil ourdi par Achour, il dit
Hélas ! Qui vivra quand Qél placera
Qui pourra préserver sa vie, de manière à ce que l’épargne Celui qui décide toutes ces choses ? Car viendra San‘hériv qui enchevêtrera toutes les nations, et aussi viendront « des flottes, parties d’à côté de Kitim » (verset 24) : Les Kitim, c’est-à-dire les Araméens, navigueront dans de grands bateaux contre Achour
24,24
Des flottes, parties de la côte de Kitttm, subjugueront Assur, subjugueront Héber mais lui aussi est voué à la ruine."
Et des flottes
De grands bateaux, comme il est écrit : « un fier navire » (Yecha’yah 33, 21) que le Targoum rend par : « un grand vaisseau » (Yoma 77b)
Elles opprimeront Achour
Elles opprimeront ceux qui sont « de l’autre côté » (‘évèr) du fleuve
Et lui aussi ira jusqu’à la perte
Ainsi l’a expliqué Daniel : « … jusqu’à ce que la bête [Rome] ait été tuée et son corps détruit » (Daniel 7, 11)
24,25
Alors Balaam se leva et reprit le chemin de son pays; et Balak aussi se remit en route.
Il s’est dit : « Il est inutile que j’interroge le Saint béni soit-Il, car Il ne voudra pas les maudire.