« Ne vous séparez pas de la communauté et ne vous faites pas confiance jusqu'au jour de votre mort. »
Dans les derniers articles, nous nous sommes focalisés sur l'exhortation de Hillel nous enjoignant à ne pas nous séparer de la communauté. Il poursuit ensuite sur une leçon importante : « Ne vous faites pas confiance jusqu'au jour de votre mort. » De manière superficielle, la relation entre ces deux clauses est difficile à percevoir, mais les commentateurs décèlent une relation. L'un des bénéfices de ne pas se séparer de la communauté est qu'un homme peut gagner sur le plan spirituel grâce à ses relations aux autres ; un aspect de ce bénéfice : ses amis peuvent contribuer au fait qu'il ne devienne pas la proie du Yétser Hara' (mauvais penchant). Par exemple, une autre Michna dans Avot[1] nous enseigne que nous devons acquérir un ami et nous trouver un enseignant. Les commentateurs nous expliquent qu'un ami peut aider son prochain à rester sur le droit chemin en lui donnant une vue objective du sujet.
Mais un homme peut se sentir si sûr de lui-même au point d'estimer qu'il n'a pas besoin des autres pour l'aider, et craint davantage que ses interactions avec eux l'entraîneront à fauter. En réaction à cette attitude, Hillel ajoute que cette idée est erronée : on ne doit jamais se faire confiance jusqu'au jour de sa mort. C'est-à-dire que personne ne peut être sûr d'avoir échappé aux griffes du Yétser Hara jusqu'à sa mort, et une aide extérieure est nécessaire pour nous aider à surmonter ce grand défi.
Les commentateurs relèvent également que la Guémara[2] donne un exemple frappant prouvant qu'on ne peut se faire confiance jusqu'au jour de sa mort : Yo'hanan, le Cohen Gadol, fit office de grand-prêtre pendant quatre-vingt ans, mais à la fin de sa vie, il rejoignit le groupe des Saducéens. Le Cohen Gadol devait se trouver à un niveau extrêmement élevé, et à Yom Kippour, lorsqu'il entrait dans le Saint des Saints, s'il n'était pas doté d'intentions totalement pures, il mourait, et de fait, de nombreux grands-prêtres périrent le jour de Yom Kippour. Or, Yo'hanan se trouvait à un niveau extrêmement élevé, mais il finit néanmoins sa vie comme un hérétique. Ceci nous enseigne que personne ne doit être sûr de sa droiture qui l'éviterait de succomber à la faute jusqu'à sa mort. [3]
L'histoire suivante démontre clairement cette idée : un disciple très vertueux du célèbre Rabbi de Kotzk était sur son lit de mort et semblait sur le point de mourir. Ses amis l'interrogèrent sur ses pensées à cette période terrible où il s'apprêtait à quitter ce monde. Il répondit que le Yétser Hara' tentait de le persuader de réciter le Chéma' avec une grande concentration et de réciter le terme « É'had » de manière prolongée afin que toutes les personnes présentes soient fortement impressionnées par sa grande vertu, et pourraient affirmer qu'il avait mérité de quitter ce monde dans la pureté et la sainteté. Ceci nous indique que jusqu'à son dernier souffle, le Yétser Hara' n'abandonne pas sa mission de tenter de faire trébucher l'homme.
Une application importante de l'enseignement de Hillel est la prudence qu'un homme doit exercer lorsqu'il estime avoir totalement surmonté un défi particulier, car le sentiment de complaisance peut offrir au mauvais penchant un droit d'entrée et entraîner un nouvel échec dans ce domaine. Ce concept est couramment appliqué par rapport aux addictions, comme l'alcoolisme ou la cigarette. Des personnes dépendantes de ce genre de produits se sont libérées de leurs addictions pendant de longues années, mais on leur enseigne qu'elles doivent conserver l'attitude d'un « drogué », plutôt qu'estimer avoir totalement vaincu leur dépendance. En maintenant cette attitude que cette addiction peut encore avoir un attrait pour eux, ils maintiennent une vigilance suffisante afin d'éviter des épreuves potentielles qui seront difficiles à surmonter. Or, s'ils sentent que ce n'est plus un problème pour eux, ils risquent d'être pris au piège. Par exemple, si un fumeur qui a cessé de fumer pendant un certain temps se remet à fumer, il ne recommence pas généralement sur le principe d'une décision consciencieuse de recommencer à fumer. Il aura plutôt succombé à un moment de faiblesse et se sera autorisé uniquement une cigarette « inoffensive », mais il a ainsi ouvert la porte au Yétser Hara' pour le piéger à nouveau.
De même, dans le domaine de l'observance de la Torah, même lorsqu'un individu a le sentiment d'avoir surmonté un certain type de faute, il doit maintenir une vigilance constante pour éviter de retomber dans les anciens pièges. La clé du succès dans ce domaine consiste à suivre l'injonction de Hillel de ne jamais croire en soi jusqu'au jour de la mort.
[1] Avot 1:6
[2] Brakhot 29a
[3] D'après le langage de la Michna « jusqu'au jour de votre mort» implique que le jour du décès de la personne, il peut croire en lui, mais certains commentateurs appliquent l'idée de « Ad Véad Bikhlal » : lorsque le terme «jusque » est employé, cela signifie qu'il est inclus dans le texte. De ce fait, ici, cela signifierait qu'on ne peut être sûr de soi, même le jour de la mort.