Chaque mercredi, Déborah Malka-Cohen nous plonge au cœur d'un quartier francophone de Jérusalem pour suivre les aventures captivantes d'Orlane et Liel, un jeune couple fraîchement arrivé en Israël et confronté, comme tant d'autres, aux déboires de la Alya...
Dans l’épisode précédent : Tamara, après s’être remise de son malaise, avait prodigué plusieurs conseils éducatifs judicieux à Rivka. Les deux couples avaient ensuite fait le voyage pour rencontrer le Rav Grossman, qui les avaient reçus et bénis très chaleureusement. C’est sur cette note qu’ils voulaient optimistes que Tamara et Avi étaient repartis en France pour commencer les traitements...
Quatre mois plus tard dans une chambre d’hôpital…
Je suis épuisée mais comblée ! Je viens de mettre au monde un magnifique petit garçon ! Et pourtant, à l’échographie du deuxième trimestre, le docteur nous affirmait que nous attendions une fille. C’est pourquoi la surprise a été totale.
Lorsque j’avais appelé Tamara pour lui annoncer que j’avais accouché et que tout s’était très bien passé, elle avait aussitôt pris des billets d’avion de manière à être présente deux jours avant la Brit-Mila. La savoir présente lors de mon retour à la maison afin de s’occuper de David et Simon et des préparatifs de la Brit m’avait beaucoup réconfortée. C’était sereine que je m’occupais de mon petit garçon.
Depuis la guérison totale de Tamara, l’avenir de nous tous semblait radieux.
Suite à l’entretien avec Rav Grossman, Tamara et Avi étaient rentrés en France, chez eux. Lorsqu’elle avait été admise à l’hôpital, ma soeur était supposée y rester pour un temps indéterminé. Les infirmières avaient tout de suite mis en place le protocole en vigueur, en suivant bien les instructions du chef de service qui était le professeur qui suivait Tamara depuis le début.
En rentrant dans sa chambre accompagné de jeunes internes, son médecin avait commencé à adresser à ma sœur des paroles assez pessimistes. Néanmoins, pour conclure, il lui avait demandé de ne pas se décourager pour autant et de se montrer forte face à ce qui l’attendait.
Pendant que le professeur faisait son discours, le seul interne qui ne prenait pas de notes s’était mis à jeter un coup d’œil aux dernières analyses accrochées au lit et que Tamara avait faites le matin même.
Soudain, celui qui trainait déjà une belle réputation d’insolent interrompit le grand professeur pour lui demander de regarder à son tour la fiche de sa patiente.
Tous les élèves présents ce jour-là avaient été choqués par l’impertinence de leur futur collègue. Selon les dires de Tamara, elle pouvait même les entendre trembler, tant ils avaient peur de la réaction du professeur que personne n’avait jamais osé interrompre ou venir contredire le diagnostic.
Estomaqué par le culot de son élève, et masquant une certaine rage, le docteur lui arracha le dossier des mains et ce fut le souffle coupé qu’il prenait conscience que quelque chose d’impossible venait se produire dans son service. Les yeux rivés sur les nouveaux chiffres, il n’arrêtait pas de marmonner :
“C’est tout bonnement une erreur ! Une des infirmières a dû se tromper de dossier ! En trente ans de carrière, cela n’ait jamais arrivé ! Ces résultats sont forcément faux ! Je suis désolé, Madame, mais par précaution, nous allons devoir tout revérifier. Duvalet, puisque vous êtes si sûr de vous, vous viendrez m’informer dès que nous aurons les bons résultats qui correspondront cette fois-ci à ma patiente.”
Quelques heures plus tard, le jeune interne tapait à la porte de son chef pour l’informer que les miracles étaient possibles ! A la surprise générale, Tamara n’avait plus rien !
Refusant d’y croire, le professeur était parti demander l’avis d’autres collègues, pour être certain de ne pas passer à côté de l’état de santé de sa patiente. Il avait fallu qu’il admette cette incroyable réalité, qui dépassait l’entendement. Il lui avait tout de même ordonné de rester quelques jours de plus en observation, car une rémission pareille était un cas très rare.
Ce n’est qu’au bout d’une semaine qu’il avait enfin accepté cette situation qui le dépassait et concédait à la laisser rentrer chez elle, auprès de son mari et de sa fille.
Le jour de sa sortie, il était passé la voir pour lui demander ce qu’elle avait bien pu faire pendant les dix jours qui avaient séparé les deux feuilles d’analyse :
“Vous vous êtes tournée vers une autre forme de médecine, j’imagine ! Je ne vois pas d’autre explication.”
Ce à quoi Tamara avait répondu avec désinvolture :
“Oui, tout à fait. Je me suis tout d’abord entourée de l’amour de ma famille. Ensuite, j’ai eu la grande chance de rencontrer une personne proche de D.ieu, un rabbin très connu en Israël. A partir de là, j’ai mis ma santé entre les mains de ce même D.ieu et c’est Lui seul qui a décidé de me sauver aujourd’hui, en écoutant les prières de tas de gens différents. Imaginez un peu, certains d’entre eux ne me connaissaient même pas ! Donc oui, on peut dire que j’ai fait appel à une médecine différente de la vôtre. Les papiers de sortie que je signe aujourd’hui prouvent qu’elle est tout aussi puissante.”
Avec humour, le médecin avait demandé :
“Comment S’appelle votre D.ieu, que je L’appelle moi aussi de temps en temps ?
– Il S’appelle Hachem. Parlez-Lui de temps en temps, je suis certaine qu’Il sera ravi de vous écouter, même si vous n’êtes pas juif !”
Lorsqu’Avi nous avait appelés pour nous annoncer cette grande nouvelle, nous aussi, nous avions eu du mal à y croire. J’avais demandé à mon beau-frère de me confirmer je ne sais combien de fois ce qu’il venait de nous dire :
“Mais puisque je te dis que tout va bien ! Réjouis-toi, bon sang !
– C’est ce que je vais faire !”
C’est là que j’avais senti un énorme poids s’en aller très loin au-dessus de mes épaules. Même ma respiration était devenue plus fluide. Euphorique de bonheur, j’avais écouté la demande d’Avi :
“Je voudrais que tu demandes à Liel de rédiger une lettre en anglais à Rav Grossman pour le remercier et l’informer de l’état de Tamara. N’oublie pas aussi d’informer Rav Elnathan. Sans lui, rien n’aurait été possible.”
Je lui avais assuré que les choses qu’il avait demandées seraient faites au plus vite. Liel et moi avions passé l’heure qui avait suivi à diffuser la nouvelle auprès de toutes les personnes qui avaient prié, soutenu ou même envoyé un simple message pour nous dire qu’elles étaient de tout cœur avec nous.
Le Chabbath d’après, nous avions organisé une Séoudat Hodaya grandiose, une manière bien modeste de remercier Hachem. Toutes les amies dont je m’étais rapprochée ces derniers mois étaient présentes elles aussi. Le cœur léger, j’avais discuté avec Rivka, ‘Hanna et Nourit.
De leur côté, ‘Haïm et Betsabée, qui préparaient activement leur Alya, avaient eux aussi organisé une autre Séouda au sein de leur communauté en l’honneur de Tamara.
Peu de temps après, Avi avait senti le besoin d’acheter un pied-à-terre à Jérusalem pour lui et Tamara. Il s’était vite rendu compte qu’en n’étant pas sur place, il avait besoin de quelqu’un de confiance pour superviser son achat. C’est tout naturellement qu’il s’était tourné vers Liel.
Au début, mon mari avait beaucoup hésité car il ne savait pas s’il allait être capable d’être à la hauteur de ce nouveau projet et des responsabilités qu’il impliquait. Mais maîtrisant bien l’anglais, il avait un atout essentiel pour réussir dans ce domaine. Pendant plusieurs jours, je m’étais efforcée de l’encourager en lui expliquant que même si ce travail était très différent de ce qu’il faisait à Paris, j’étais sûre qu’avec la volonté dont il disposait, il allait mener à bien cette deuxième carrière qui se profilait.
C’était plus confiant qu’il avait accepté le challenge d’Avi. Plus tard, Liel s’était avéré même être très bon dans le domaine de l’immobilier. À l’aide de l’efficace bouche à oreille, il s’était vite forgé une solide réputation d’être très compétent et s’était vu confier d’autres projets comme celui-ci.
Dès que leur emploi du temps le leur avait permis, Avi et Tamara étaient venus en Israël et avait scrupuleusement respecté les promesses qu’ils avaient faites respectivement à Rav Grossman. Mon beau-frère s’était ainsi engagé à venir en aide aux enfants défavorisés qui n’avaient pas accès aux soins dentaires. Chaque fois qu’il le pouvait, il donnait volontiers de son temps et de son savoir-faire en faveur des autres.
C’est ainsi qu’en France, il avait poursuivi cette grande Mitsva. Il avait ajouté à son emploi du temps déjà chargé des rendez-vous sans honoraire pour toutes les personnes de sa communauté et d’ailleurs qui avaient besoin de soins dentaires coûteux.
Tamara quant à elle, hormis le fait qu’elle et son mari souhaitaient agrandir la famille très prochainement, continuait de faire le jeûne de la parole une heure par jour.
* * *
Si je devais à présent faire un retour sur les mois qui venaient de s’écouler, lorsque Liel et moi avions dû faire face à nos problèmes de couple, je constate qu’il y avait eu une grande amélioration de part et d’autre. Surtout dans notre manière de communiquer et de s’écouter mutuellement. D’ailleurs, avec le recul, je me suis rendue compte que malgré moi, j’avais tendance à attendre beaucoup de choses de la part de mon mari.
Lors de nos nombreux désaccords, j’avais cette tendance à me renfermer sur moi-même et à lui en vouloir durant des mois.
Cependant, il a fallu que je me remette en question en acceptant de ne pas réagir violemment à chaque fois que nous abordions un sujet sur lequel nous avions des avis différents.
Désormais, vu l’épreuve de la maladie de Tamara que nous venions de traverser, j’essayais de prendre du recul par rapport à chaque situation et de la relativiser au maximum.
Bien sûr, il persiste encore quelques passages à vide entre Liel et moi, mais je sais aussi que nous travaillons ensemble chaque jour pour améliorer notre couple en communiquant. Notamment en écoutant chaque jour des cours de Torah pour nous renforcer, afin d’avoir confiance l’un envers l’autre. Ce qui m’a permis d’apprendre à me focaliser sur les aspects de sa personnalité que j’aimais beaucoup et qui me procuraient de la fierté. Surtout quand je le vois avec nos fils partir étudier une heure par jour au Kollel près de la maison… Ce qui était l’un des buts que nous nous étions fixés tous les deux avant de nous marier.
C’est pour cela qu’aujourd’hui, alors que je tiens mon nouveau-né dans les bras, totalement en paix avec ma sœur, mon mari et mes amis, si je ne devais retenir qu’une seule chose de toutes les épreuves par lesquelles je suis passée, c’est de miser au maximum sur la Emouna !
Toutes ces étapes par lesquelles Hachem fait passer chacun de nous sont parfois perçues comme des “obstacles” impossibles à surmonter, alors qu’elles sont là justement pour nous aider à grandir et à nous améliorer en tant qu’épouse, maman, sœur et amie.
Depuis que j’ai compris ce principe, je vois les choses de manière complètement différente. Par exemple, quand je suis coincée dans les embouteillages, plutôt que de m’impatienter et de rouspéter, j’en profite pour optimiser ce temps en écoutant des cours de Rabbanim. Au point que lorsque le trafic est fluide, j’en viens presque à être déçue… ! Ou encore lorsque l’un de mes fils se met à crier pour une raison ou pour une autre, je sais que c’est parce qu’il a besoin que je sois présente pour écouter ce qui le tracasse réellement.
C’est à l’aide de mon regard tout neuf et de cette nouvelle vision de la vie que j’essaye de gérer tous les aspects qui composent mon quotidien.
Ainsi, si je devais donner un seul conseil pour obtenir un cœur empli de joie et vivre un mariage heureux, je dirais qu’il faut travailler chaque jour sur sa personnalité. De cette façon, nous arriverons à relever avec brio chaque défi qu’Hachem nous envoie.
À nous de rechercher les trésors qui sont enfouis en nous pour trouver les outils de la réussite et cela, dans tous les domaines.
C’est ce que je souhaite à tous les lecteurs de Torah-Box.
Je vous remercie du fond du coeur d’avoir suivi notre saga. A très bientôt pour de nouveaux écrits !
Affectueusement.