La Paracha Métsora nous décrit le processus de purification que doit suivre une personne atteinte de la lèpre.
L’une des étapes principales est la Tévila (l’immersion) dans un Mikvé. Le Séfer Ha’hinoukh propose une raison qui expliquerait pourquoi la Tévila fait partie du processus de Téchouva que doit entreprendre le lépreux. Il explique qu’avant la création de l’homme, le monde était recouvert d’eau ; l’immersion symbolise donc un retour au commencement du monde. Le fait de se tremper dans l’eau montre que l’on désire laisser les 'Avérot (fautes) commises derrière nous et prendre un nouveau départ [1].
Lorsque quelqu’un faute, puis avoue avoir trébuché, il risque d’être tourmenté par un sentiment de culpabilité et de se sentir déprimé. Il peut bien sûr réagir positivement et être motivé à ne plus transgresser un tel interdit à l’avenir, mais les conséquences sont plus souvent néfastes, étant donné le risque de s’enfermer dans un cercle vicieux menant à un naufrage spirituel.
Le rav ‘Haïm Chmoulevitz zatsal rapporte plusieurs exemples de personnages bibliques qui ont fauté ou trébuché dans un domaine, et qui subirent d’importants dégâts spirituels. Prenons l’exemple de Orpa, la belle-fille de Naomi. Lorsque cette dernière revint en Erets Israël, Ruth et Orpa étaient déterminées à rester avec elle et à se convertir au judaïsme. Orpa était alors au même niveau spirituel que la vertueuse Ruth, tout autant décidée à quitter sa patrie afin de se joindre au peuple juif. Or, quand Naomi les supplia de repartir, Orpa ne put surmonter cette épreuve, renonça et retourna à Moav.
L’effet escompté de ce petit « écart » aurait été que Orpa maintienne un haut niveau spirituel, bien que plus bas que celui de Ruth. Or ‘Hazal nous informent que pendant la nuit qui suivit sa séparation de Naomi, elle se livra à la débauche [2]. Comment est-ce possible de dégringoler si dramatiquement en une nuit ? Le rav Chmoulevitz explique qu’en réalisant son échec à rejoindre le peuple juif, elle ne parvint pas à l’ignorer et à se ressaisir. Son incapacité à relever le défi l’affecta énormément et elle succomba au Yétser Hara' [3].
Rav Chmoulevitz rapporte un autre exemple de la Bible, dans lequel un illustre personnage ne parvint pas à surmonter une épreuve et comprit qu’il risquait de tomber dans le piège du Yétser Hara'.
Le prophète Chmouel ordonna au roi Chaoul d’anéantir tout le peuple d’'Amalek, mais Chaoul laissa la vie sauve à quelques animaux ainsi qu’au roi d’'Amalek, Agag. Chmouel vint le voir et lui annonça qu’il allait être déchu de son titre de roi à cause de sa désobéissance. Ne réussissant pas à s’innocenter, Chaoul avoua sa culpabilité, et fit alors une demande surprenante à Chmouel. « S'il-te-plaît, honore-moi à présent devant les Sages de mon peuple et devant le peuple d’Israël… [4] »
Quel était le but de cette requête, est-ce possible que Chaoul ait voulu s’enorgueillir ? Par ailleurs, Chmouel exauça ce souhait, ce qui prouve sa justesse. Rav Chmoulevitz explique que Chaoul ne recherchait pas les honneurs ; en réalité, il se savait en danger et il comprit qu’il lui fallait se renforcer immédiatement pour que la faute n’ait pas une conséquence défavorable sur lui. C’est pourquoi, à la suite de cette grave faute, il demanda à Chmouel de l’honorer, et de l’aider ainsi à garder un certain équilibre et à prendre un nouveau départ [5]. Apparemment, malgré son mécontentement à l’égard de Chaoul, Chmouel consentit à répondre à cette demande, car il était conscient de son importance.
Nous apprenons également des actions de Chaoul comment éviter qu’un échec ait des incidences désastreuses. Quand quelqu’un trébuche, il risque de ne pas avoir le moral et de perdre tout respect de soi. Il peut penser qu’il ne vaut rien, baisser les bras et se laisser aller complètement. Pour éviter cela, il lui faut garder une image de soi positive, même après l’échec et admettre que malgré l’erreur commise, il peut faire Téchouva et « repartir à zéro ».
Le roi Chlomo évoque ce principe dans Michlé (Livre des Proverbes) quand il écrit : « Un Tsadik tombe sept fois et se relève [6] ». Le Malbim ainsi que Metsoudot David expliquent que malgré les échecs du Tsadik, il se relève. En réalité, ce qui rend l’individu Tsadik, c’est en grande partie sa capacité à se ressaisir après un revers ou une erreur. La Tévila du lépreux nous enseigne la même leçon – bien qu’il ait fauté, il n’est pas condamné à un tiraillement perpétuel. S’il parvient à laisser le passé derrière lui, il pourra prendre un nouveau départ.
[1] Séfer Ha’Hinoukh, Mitsva 173. Il semblerait que cette symbolique du nouveau départ s’applique à d’autres processus qui nécessitent une Tévila, comme une conversion, à travers laquelle la personne devient une “Briya ‘Hadacha”, un être nouveau.
[2] Ruth Raba, 2:20.
[3] Si’hot Moussaar, Maamar 55, p. 236.
[4] Chmouel I, 15 : 28-30.
[5] Ibid., p. 237-238.
[6] Michlé, 24:16.